#01 - MÉTARMORPHOSE
Scénariste(s) : SÉMINOLE
Dessinateur(s) : VALNEY
Éditions : Carabas
Collection : Crocodile
Série : Yin Yan
Année : 2008 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou quelques planches
Genre(s) : Héros animalier, Humour, Fantastique médiéval nippon
Appréciation : 3.5 / 6
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Des chinoiseries mignonnes, mais bizarrement assaisonnées
Écrit le mercredi 17 août 2011 par PG Luneau
Yin Yan, c’est une série de gags d’une à trois planches qui raconte les mésaventures de Shi-Qian, un incorrigible dom juan roublard qui se voit puni de toutes ses magouilles le jour où, par appât du gain, il courtise la fille d’un riche seigneur chinois. Une sorcière, au service de ce puissant homme, lui lance alors un sort qui changera sa vie à jamais : elle le transforme en petit dragon jaune! Bien malin qui parviendrait à poursuivre ses sérénades sous un tel aspect!!
C’est en faisant affaire avec une vieille apothicaire, qui détient apparemment le philtre qui pourrait lui redonner sa forme humaine, que Shi-Qian, véritable héros de cette série, sera contraint de veiller à l’éducation de la jeune Yin Yan, une petite peste réputée pour son impitoyable sans gêne. Ainsi, s’il parvient à inculquer à sa nouvelle pupille un semblant de civilité, Shi-Qian pourra retrouver son apparence de bellâtre doucereux.
C’est donc à une petite série sans prétention que nous convient Séminole et Valney avec Yin Yan. Valney y déploie un dessin fort sympathique, d’une belle souplesse, fortement imprégné de l’esthétique asiatique (les volutes et les sinuosités sont bien présentes, un peu partout dans les décors). C’est d’ailleurs son coup de crayon qui a attiré mon regard et qui m’a poussé à acheter cet album dont je n’avais jamais entendu parler avant de le dénicher dans une bouquinerie. Maintenant que j’ai terminé ma lecture, toutefois, je dois avouer que mon enthousiasme est un peu plus mitigé…
D’abord, les gags restent assez inégaux, pour ne pas dire assez moyens… En soi, je pourrais passer outre, surtout quand on sait que c’est presque inhérent à ce genre d’albums! Si même Cauvin, avec toute l’expérience qu’il a, n’écrit qu’un bon gag sur cinquante, il ne faut pas trop en attendre de la part d’un scénariste apparemment sans expérience! En fait, le problème n’est pas tant cette petite faiblesse au niveau de l’humour mais plutôt les lacunes sur le plan de l’écriture scénaristique dans son ensemble.
Les petites mises en scène que Séminole élabore pour ses historiettes sont souvent malhabiles : il y a des redites, certains éléments sont introduits sans raison, puisque non exploités par la suite, plusieurs enchaînements sont chaotiques, manquent de finition ou démontrent une maladresse assez évidente pour que même moi, qui suis pourtant assez bon public, la dénote et en sois un peu gêné.
Et c’est bien dommage, car le petit monde mis en place par l’auteur possède un potentiel indéniable! Tous les personnages secondaires, même s’ils sont souvent introduits malhabilement, ajoutent une petite touche et s’imbriquent bien dans l’univers créé : le grand-père encore vert, le sage juge qui lévite, le vieux complice de frasques, la jolie nièce Olélie, le maître alcoolo… Une agréable brochette qui me rappelle un peu le contexte historique d’Œil de Jade, mais sur un registre beaucoup plus proche de l’humour potache de Robin Dubois, par contre!
Ces gags paraissaient (paraissent encore??) dans un magazine dont je n’avais jamais entendu parler : Manga-kids. Il s’agit d’un magazine trimestriel portant sur l’actualité manga : il présente les traductions jeunesse à venir, les séries d’animés les plus populaires en Europe, celles sur le point d’arriver et d’autres sujets du genre. D’où le côté asiatico-fantastique de la série, qui reste pourtant beaucoup plus franco-belge classique, tant au niveau de la forme que du fond.
Comme mes récriminations sont surtout dues au manque d’expérience du scénariste, je reste confiant pour la suite. La série a tout ce qu’il faut pour réussir, elle ne devrait qu’aller en s’améliorant! Pour le moment, si vous avez envie de sourire gentiment devant un petit dragon malicieux (qui n’est pas sans rappeler celui qui accompagne Mulan dans le film éponyme de Disney) ou de vous changer les idées en lisant une série vraiment conçue pour toute la famille, en salivant sur le potentiel qu’elle pourrait nous réserver, je vous recommande cette petite trouvaille méconnue.
Plus grandes forces de cette BD :
- la belle souplesse du dessin. Le petit dragon jaune, avec ses moustaches, ses antennes, sa grosse crinière et sa queue entortillée est très dynamique, très fluide. Valney maîtrise très bien ses stylos, et s’avère un très bon caricaturiste : ses personnages ont tous des bouilles bien amusantes!
- un contexte familial sympathique, qui s’étoffe au fil de l’album. On en vient à faire la connaissance des proches, des voisins, des amis… Il est intéressant de voir cet univers se développer peu à peu devant nos yeux. En faisant leur connaissance, j’ai ressenti le même plaisir que j’ai eu en «rencontrant» les membres de la tribu de Root, il n’y a pas si longtemps!
- un héros qui a le mérite de ne pas s’en faire avec la rectitude politique. C’est quand même rare qu’on nous présente un coureur de jupons volage, brigand et magouilleur comme personnage principal de BD jeunesse!!? Les auteurs peuvent se le permettre, puisque le protagoniste en question subira une malédiction qui lui en fera baver tout au long de la série : Ainsi, l’honneur et la bonne morale sont saufs!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le nom de la série. Elle s’appelle Yin Yan en l’honneur de la petite peste que Shi-Qian doit éduquer, alors que tous les gags sont axés sur le personnage de Shi-Qian et sur le fait qu’il soit métamorphosé en dragon! Pourquoi ne pas avoir donné son nom à la série?
- l’illustration de la couverture. J’étais rendu au milieu de l’album quand j’ai réalisé que le nuage, dans le ciel, au dessus de la tête de Shi-Qian, avait la forme de la face de Yin Yan, avec ses grosses lunettes et ses dents de lapin! Si j’aime bien la discrète présence, en arrière-plan, de la sorcière responsable de la métamorphose du bellâtre, je trouve celle de ce nuage un peu ridicule.
- la construction malhabile des gags. Ceux-ci sont trop souvent mal formulés, mal présentés. Les punchs visuels sont souvent doublés inutilement par un dialogue explicite qui soit précède le dessin, ce qui vend le punch, soit le suit, ce qui crée une redite. Autre détail, l’écriture scénaristique manque de cohérence. Par exemple, pourquoi insister tant sur la présence d’un œuf, dans le nid où Shi-Qian atterrit après sa chute (à la p.3), si c’est pour ne jamais y revenir par la suite??? Plusieurs gags comportent ce genre de maladresse, et c’est bien dommage…
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