#05- LES PHOENIX
Scénariste(s) : Bruno DEQUIER
Dessinateur(s) : Bruno DEQUIER
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Louca
Année : 2017 Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (Inspiration manga)
Genre(s) : Drame sportif, Fantastique humoristique, Quotidien, Aventure policière
Appréciation : 5 / 6
|
Quand l'esprit manga s'impose...
Écrit le jeudi 06 juin 2024 par PG Luneau
Tomes lus : #05- les Phoenix
#06- Confrontations (2018, 72 p., 5,5 /6)
#07- Foutu pour foutu (2019, 68 p., 4 /6)
#08- E-Sport (2020, 56 p., 4,5 /6)
C'est quoi?
Louca, cet adolescent archi-attachant mais irrémédiablement gaffeur, continue d'en pincer pour la belle Julie, tout en étant coaché secrètement par l'élégant Nathan, un ado-fantôme qu'il est seul à voir et à entendre. Ce revenant est mort depuis quelques années mais il semble condamné, pour une raison inconnue, à rester sur terre pour aider notre héros dans ses déboires, tant sportifs que sentimentaux. Et ça tombe bien car, des déboires, Dieu sait combien il en traverse, le pauvre Louca !!
Les quatre premiers tomes se terminaient sur un climax incroyable : l'équipe de soccer de Louca et ses collègues (qui se trouve aussi à être celle dont Nathan était le capitaine et le champion, quelques années plus tôt) venait de gagner le championnat dont dépendait l'existence même de l'équipe!
Mais voilà que ce nouveau cycle débute avec une catastrophe qui force tout de même son démantèlement : l'incendie (criminel!) du centre sportif et du terrain de soccer de l'école Quanfrin! Au cours des quatre premiers tomes de ce nouvel arc narratif (qui en compte 5), on assiste principalement à la reconstruction de l'équipe, qui se trouve un terrain vague à aménager. Financée par nul autre que le père de Nathan, la nouvelle équipe portera le nom des Phoenix... Mais encore faut-il dénicher les meilleurs éléments possibles et les convaincre de s'y joindre pour qu'elle puisse faire sa marque! Les tomes 6, 7 et 8 sont donc presque exclusivement composés d'une suite d'épreuves sportives où Louca, aidé de Nathan, tente de battre d'anciens alliés de Nathan qui se sont tournés vers d'autres sports (boxe, rugby, gymnastique, athlétisme, golf, etc.), ou même vers les compétitions de jeux vidéo!
Accessoirement, Louca causera bien des surprises lors d'une petite fête où tous ses potes sont réunis (dont la belle Julie et son énergique copine, Chloé). Et si ce n'était pas assez, un tueur à gages se lancera à ses trousses (8^O), engagé par la mystérieuse tête dirigeante de toutes les magouilles, le bien nommé Iceman !?! Petites semaines tranquilles dans la vie de Louca, quoi! ;^D
C'est comment?
Si j'avais été totalement emballé par les premiers tomes de cette série, tant par le dessin que par l'histoire, je dois avouer que cette dernière commence à laisser place à des petites failles qui m'ont sérieusement dérangé. Graphiquement, Dequier est toujours aussi solide : ses dessins sont efficaces, drôles, précis, impeccables... Mais son récit s'essouffle. En fait, si les tomes #5 et 6 sont à la hauteur des 4 premiers (avec une révélation-bombe dans le 6e : l'identité du fameux Iceman !!??), les deux suivants tombent dans la redondance, avec des confrontations sportives incessantes qui rappellent les inlassables duels qui se multiplient à l'infini dans tous les shonen mangas à la Dragonball tels que Pokemon, Hunter X Hunter, Naruto, Fairy tails ou autres One piece... Ça fait recette, et c'est décevant qu'un auteur franco-belge en vienne à sombrer dans ce pattern.
De plus, une très importante erreur de construction scénaristique (en lien avec le tueur à gages et la temporalité du récit, mais je ne peux vous en dire plus sans vous divulgâcher le plus important punch de toute la série!) m'a fait complètement décrocher de cette super intrigue! J'ose espérer que le tome #9, qui clôt ce cycle, saura rabouter tout ça de belle manière, et que le cycle suivant nous ramènera l'esprit du début, tout en levant le voile sur la tragique mais apparemment complexe histoire de Nathan! Gardons espoir!
Mes bémols
- l'idée des duels pour convaincre d'anciens joueurs de l'équipe de revenir. Déjà, à la base, c'est boiteux : si je ne veux plus jouer au soccer parce que je préfère le tennis, pourquoi j'accepterais de revenir si un plouk parvient à me battre dans mon nouveau sport? Ça n'a aucun sens... La fierté masculine est-elle à ce point manipulable? Sans compter que, devinez quoi? Les 8 gars ont choisi 8 sports différents! Tiens donc! En fait, Dequier étire la sauce en usant de cette recette scénaristique de manière trop redondante! Sans compter qu'après les 8 sports, on tombe dans les jeux vidéo, et quatre fois plutôt qu'une (huitième de finale, quart de finale, demi-finale, finale)... Bref, le récit se perd pas mal...
- un bogue temporel inexpliqué, qui enlève plein de crédibilité à l'intrigue! Je vous ai déjà révélé qu'un assassin a été engagé pour éliminer Louca. Ce que je ne vous ai pas dit, c'est que l'instigateur-mystère change d'idée... mais que le tueur n'est plus joignable! On se dit donc que la partie est perdue pour Louca!... Suite à une tentative ratée, on n'entend plus parler de l'assassin pendant presque 20 pages, pages durant lesquelles Louca ne fait pas moins de 4 de ses petits duels idiots! Logiquement, on peut supposer qu'ils n'ont pas tous lieu le même jour, ni même la même semaine! Nathan prend quand même le temps d'entraîner minimalement Louca pour chacun d'eux... Mais que fait l'assassin durant ces 2, 3 ou 4 semaines? C'est tellement dommage : c'est comme si M.Duquier instaure un méga-suspense (un des meilleurs que j'aie vus en littérature jeunesse!)... pour le laisser en plan! Ça m'a totalement fait décrocher!
Les plus grandes forces de cette BD
- plusieurs méga-punchs scénaristiques. Tout le mystère entourant la mort (criminelle!) de Nathan, puis l'incendie (criminel, lui aussi!), l'identité secrète d'Iceman, celui à la tête de tout ce micmac... sans compter l'insoutenable suspense du tueur à gages (jusqu'à ce qu'on nous le mine en le laissant inutilement sur la glace!)... Tout ça, franchement, sont des revirements enlevants, qui dynamisent notre lecture et nous tiennent accrochés... si ce n'était pas de cette sauce qu'on allonge!...
- la grande expressivité des dessins. Dequier est vraiment maître dans l'art du « dessin gros nez ». Son trait, tout en restant moderne et personnel, parvient à exprimer toute une gamme d'émotions avec une efficace subtilité. Bravo!
- la construction elliptique. Tous ces nombreux retours en arrière (sur fond noir!) nous informent encore, presque goutte à goutte, de ce qui est arrivé à Nathan, lors de son décès... en plus de générer un mystère qui nous tient grandement en haleine! Chapeau!
- les planches de mise au point, qui servent souvent à indiquer les « chapitres ». J'inclus le plan de l'appart de Chloé (tome #5, p.60), toutes les fiches techniques avant chacun des duels plus celles qui présentent les jeux vidéo. Elles marquent des étapes et résument bien où on en est.
- plusieurs personnages savoureux. Outre Louca, qui est lui-même toujours très drôle, j'ai particulièrement accroché sur Mathis - le candidat adepte d'athlétisme. Sa naïveté - ou plutôt sa crédulité burlesque - est tout bonnement hilarante! Puis, le jeune Antonin, « l'ami » du frère de Louca, a réussi le tour de force de passer d'un personnage qui m'agaçait, lors de ses premières apparitions, à un personnage que je trouve savoureux, maintenant qu'il est devenu le fan #1 de Louca. Finalement, l'annonceur-vedette de toutes les compétitions (de soccer comme de jeux vidéo) se démarque lui aussi de par son enthousiasme totalement survolté : ses grands écarts de ballerine sont à se jeter par terre (c'est le cas de le dire!) ! ;^D
- l'humour, encore et toujours. J'ai failli m'étouffer de rire lors de l'épisode du saut en longueur, idem quand Antonin est devenu caddie... Mais il y a aussi toute une panoplie de petits gags épars qui jalonnent le récit tout du long. Ça reste très efficace.
- le changement de style de dessin pour illustrer les différents jeux vidéo (principalement le Super Kart Go). Ça nous montre une étendue de la virtuosité de M. Dequier!
Les petits plus
J'ai bien aimé le clin d'œil au Cri, le célèbre tableau d'Edvard Munch (tome #5, p.61).
J'ai décelé ce qui me semble être une coquille. En effet, à la p.3 du tome #7, Nathan écrit : Tu devrais rivaliser en termeS de puissance. Ce S est totalement inutile... mais qui dit que Nathan était champion d'orthographe?! ;^)
Une dernière erreur, graphique, celle-là : dans les quarts de finale, quand Louca et ses compagnons affrontent les snobs joueurs de Nantis, au Galactik soccer 3, les avatars virtuels des Nantis portent chacun un monocle... mais notez que ceux-ci changent parfois de côté, sans aucune raison! ;^)
|