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#03- Bécassine pendant la Grande Guerre
#03- BÉCASSINE PENDANT LA GRANDE GUERRE
Scénariste(s) : Maurice Languereau dit CAUMERY
Dessinateur(s) : Joseph Porphyre PINCHON
Éditions : Gauthier - Languereau
Collection : X
Série : Bécassine
Année : 1915     Nb. pages : 62
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Humour naïf, Historique
Appréciation : 3.5 / 6
Plaisirs démodés...
Écrit le lundi 10 août 2009 par PG Luneau

Nous y voici… J’y suis forcé… Je dois vous dévoiler un de mes plaisirs les plus secrets. Un de mes péchés mignons, une de mes lectures les plus coupables… que je fais, très tard, le soir, caché sous mes couvertures, ou juché sur la plus haute branche d’un arbre, l’été, là où personne ne peut me surprendre : je lis Bécassine!!!

 

Voilà. La bécasse est sortie du sac! À quarante et un ans, je lis Bécassine (c’est déjà plus facile à expulser, la deuxième fois!)… et j’aime bien ça! En fait, je crois qu’il est temps que je m’explique à moi-même ce qui me plaît tant dans les aventures somme toute assez insipides de cette Bretonne d’un autre âge.

 

D’abord, mon engouement pour elle est sûrement dû, en partie, au fait qu’il s’agit là d’une des premières séries de livres, avec les Babar, que j’ai empruntées de façon systématique à la bibliothèque de mon école primaire, quand j’avais six ou sept ans! Ces réminiscences de mon jeune âge sont parmi mes premiers souvenirs de lecture : ce n’est pas rien! Je me rappelle encore que je trouvais merveilleux de décoder tout ce texte, abondamment illustré! Car, pour les profanes qui ne connaissent pas cette série, il est important de préciser que ses auteurs ont été parmi les précurseurs de la BD. En effet, les albums de Bécassine sont un peu une transition entre l’album illustré pour la jeunesse et la BD traditionnelle, en ce sens qu’ils enfilent les illustrations, côte à côte, sur trois ou quatre rangées, comme dans les BD, mais que tout le texte se situe sous les vignettes, tant les narratifs que les dialogues, comme il est souvent d’usage dans les albums jeunesse. Pourquoi? Tout simplement parce que l’utilisation des phylactères n’était pas encore répandue! Car il faut bien mettre les choses en contexte : les premiers albums de Bécassine ont paru en 1913, alors que la BD n’en était qu’à ses premiers balbutiements !!! (Avis aux mauvaises langues : je tiens à préciser que je suis peut-être vieux, mais pas SI vieux! Ce sont de déjà vieilles rééditions de ces albums que je lisais à l’époque!)

 

Puis, je suis toujours charmé par le ton hyper naïf des auteurs, tant au niveau du texte que du dessin. Je trouve fascinant que les gens de l’époque aient été comblés par si peu, selon nos critères actuels! Quel décalage entre l’humour d’aujourd’hui, souvent cru, ravageur et méchant, et celui d’alors, tout guilleret, léger, prévisible et, ma foi, pas si drôle que ça!?!

 

Finalement, passons à l’aspect qui m’intéresse le plus : le côté historique du récit. Juste à penser que ce tome-ci ait été édité originalement en 1915, en pleine Guerre mondiale (et la Première, en plus!), ça me scie les jambes! Quel superbe document historique pour nous aider à parfaire notre conception de la vie de l’époque! Bien sûr, Caumery et Pinchon ne cherchaient pas, en créant ces récits, à en faire des documents d’archives! Ils ne voulaient sans doute qu’exposer les récits, un brin humoristiques, d’une pauvre paysanne maladroite et toujours dépassée par les événements. Et ils se devaient de surveiller leurs propos, puisque leur lectorat était constitué presque exclusivement de jeunes filles de bonne famille lisant le Journal de Suzette, où les aventures de Bécassine étaient prépubliées. Mais le temps aidant, leurs albums nous permettent maintenant de constater des us et coutumes d’alors.

 

Personnellement, ça me fascine. Prenez, par exemple, les burlesques costumes régionaux (les coiffes bretonnes et alsaciennes, les sabots…). Non pas que je ne les connaissais pas : on les a tous déjà vus, sur les planches thématiques d’un dictionnaire ou dans des festivals folkloriques. Non, ce qui me laisse interdit, c’est de prendre conscience, à travers ces albums, que des gens s’attifaient RÉELLEMENT de cette façon dans leur vie de tous les jours, pas seulement pour les parades ou la messe du dimanche! On est à mille lieues des jeans taille basse et des piercings!!

 

Et cet aspect vestimentaire n’est qu’un sujet d’intérêt parmi tant d’autres : j’adore constater de l’impact des tout débuts de la modernisation, avec l’électricité et le téléphone qui s’installent lentement; des innombrables tâches quotidiennes des domestiques ou des paysans; du train de vie des gens de la haute… J’aime particulièrement me rassasier des relations, presque protocolaires, entre la Marquise et ses domestiques. C’est fascinant de constater la docilité avec laquelle cuisinière, bonniche, maître d’hôtel, chauffeur et jardinier travaillent avec acharnement toute la journée, jusqu’à des heures impossibles, et à un salaire de crève-faim, pour satisfaire les moindres caprices de cette noble dame (néanmoins charmante!) qui passe ses grands journées à boire du thé, lire sur la terrasse ou déménager de son hôtel particulier de Paris à l’un de ses nombreux châteaux, sur la Loire ou en Bretagne!! Et tout son petit monde qui se bouscule pour que les bagages soient prêts à temps et que le château choisi soit aéré et accueillant à son arrivée! Ils semblent tous trouver cette dichotomie allant parfaitement de soi… Ce que les mentalités ont changé, en un siècle! Quoique… les disparités sociales et l’esclavage sont encore loin d’être éradiqués. Mais c’est une autre histoire!

 

Concluons avec un petit résumé de ce tome, qui est loin d’être un des meilleurs, ceci dit. Ça débute avec l’annonce fatidique : c’est la guerre contre les sales Boches! Alors que la marquise et sa suite doivent quitter la région de Dieppe, trop proche du front, pour regagner Paris, son neveu Bertrand doit pour sa part aller rejoindre l’armée qui l’a mobilisé. Bécassine reste derrière quelques heures, pour fermer la résidence, et y installer des pièges ridicules à l’intension des Allemands qui pourraient, éventuellement, envahir la propriété, puis rejoint sa maîtresse en compagnie du taquin de Zidore, le jeune homme à tout faire et meilleur ami de Bécassine. Après quelques péripéties et méprises en tous genres, on retrouve la bonne Bretonne avec sa maîtresse sur les bords de la Loire, puis sur la côte bretonne, où la Marquise contribue à l’effort de guerre en transformant ses propriétés en hôpitaux de la Croix-Rouge pour les blessés de guerre. Tout l’album tournera donc autour des peu glorieux exploits de notre tête de linotte préférée, qui tente autant que faire se peut de devenir infirmière auxiliaire ou de donner, à gauche et à droite, des coups de mains qui ne tournent pas trop au désastre. Le tout se terminera en Alsace, qui résiste fièrement face à l’envahisseur, alors que le beau Bertrand va épouser l’amour de sa vie, une vertueuse fille du coin qui l’a soigné alors qu’il était légèrement blessé.

 

Signe des temps, cet opus très pro-patrie et anti-Germains sera suivi de deux autres du même acabit : Bécassine chez les Alliés, puis Bécassine mobilisée, que je n’ai pas encore lus.

 

 

Plus grandes forces de cette BD :

 

  • la naïveté toute mignonne du personnage, ses gaffes et son intensité, ainsi que sa façon de se mettre elle-même, parfois, à la narration de ses propres mésaventures. Dans ces cas-là, elle prend toujours la peine de nous expliquer que MM. Caumery et Pinchon ont la gentillesse de lui laisser la plume (et, plus rarement, le pinceau). Ça contribue à nous rendre le personnage bien réel, et très attachant.

 

  • les sympathiques passages où, tout comme Tintin dans certains de ses premiers albums, Bécassine croise ses fans! En effet, il lui arrive occasionnellement de rencontrer des jeunes qui sont abonnées au Journal de Suzette et qui sont toutes heureuses de saluer leur héroïne favorite ou de l’aider dans ses entreprises. Encore là, ce procédé nous rend le personnage bien concret et crédible. Aurait-elle vraiment existé?

 

  • la sensation, encore aujourd’hui, d’en avoir pour mon argent! Les textes sont consistants, et sur 62 pages, on en a long à lire!

  • le prénom du dessinateur! J.-P., vous croyez que c'est pour Jean-Paul, ou Jean-Pascal? Que non!! C'est pour Joseph-Porphyre!!!! Poilant, non?!?!

 

 

Ce qui m’a le plus agacé :

 

  • le petit côté propagandiste, contexte historique oblige. Je comprends que la France en guerre avait besoin de se fouetter les sens pour se motiver à se lancer dans le carnage, mais le ton chauvin et patriotique appuyé qui transparaît à outrance dans ce tome-ci m’a un peu tapé sur les nerfs. Voyez plutôt : «… la France meurtrie, mais héroïque, sûre de son droit, forte de sa bravoure, confiante en sa victoire.» (p.61) À peine pompeux!

 

  • l’absence de Loulotte, la fille adoptive de la Marquise, petite fille puis jeune femme qui a été toute sa vie sous la protection et les bons soins de Bécassine. Comme ce tome est un des premiers, il faut croire que cette gamine enjouée, qui met de la vie dans les tomes où elle apparaît, n’est pas encore dans le portrait! À la place, une certaine Yvonne, la petite fille de Mme la Marquise de Grand-Air, fait un peu de figuration insipide.

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@ Marie Danielle : Chouette! D'autres amateurs de la petite Bretonne!!! Je suis très heureux que Michel et toi soyez aussi accros que moi à sa touchante naïveté!! Mais ce n'est pas tout de la trouver jolie : il faut aussi se retremper dans ses aventures surannées, de temps à autre!! ;^)
Rédigé par PG Luneau le jeudi 03 juillet 2014 à 22:32


Ah! Mais là, je viens de passer de ta page anniversaire à celle de Bécassine d'un seul bond! Tu savais que Michel et moi avions un coup de coeur pour ce personnage? J'ai bien aimé cet article et tu me donnes le goût d'aller y jeter un coup d'oeil. Merci ! et bravo! :)
Rédigé par Marie Danielle le jeudi 03 juillet 2014 à 20:07


coollllllllllll
Rédigé par mikael le dimanche 22 décembre 2013 à 9:40




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