#01- PASSÉ DÉCOMPOSÉ
Scénariste(s) : Robert KIRKMAN
Dessinateur(s) : Tony MOORE, Charlie ADLARD
Éditions : Delcourt
Collection : X
Série : Walking dead
Année : 2004 Nb. pages : 144
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (Comics)
Genre(s) : Horreur, Récit psychologique
Appréciation : 4.5 / 6
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Oui mais SI c'était vrai?...
Écrit le jeudi 07 mars 2013 par PG Luneau
Tomes lus : #1- Passé décomposé (4,5/6)
#2- Cette vie derrière nous (5/6)
#3- Sains et saufs? (5/6)
J’ai toujours détesté les histoires d’horreur. Plus jeune j’avais peur du noir, et «me faire vivre des sensations fortes» en écoutant les Vendredi XIII, Jason VI, Halloween XI et autres horreurs d’Amityville ne me serait jamais passé par la tête… J’aime bien ma vie en rose et bleu poudre, l’hémoglobine ne m’a jamais manqué et mon éventail d’intérêts en matière de romans, de films ou de BD est si vaste que je m’étais toujours dit que je ne perdrais pas mon temps avec cette sous-culture si particulière…
Mais voilà qu’un phénomène transcende tous les publics, toutes les plateformes, et il a pour nom Walking dead! D’abord en BD, puis en adaptation télévisuelle (et même en jeu de société!), cette œuvre de Robert Kirkman fait parler d’elle partout, sur tous les blogues, dans tous les foyers… même dans la salle des profs de mon école primaire!! Un must, aux dires de tous… Comment l’Explorateur BD que je suis peut-il conserver son titre sans se pencher, au moins minimalement, sur LE phénomène de l’heure? Ça tombe bien, un de mes collègues m’a offert de me prêter les premiers tomes (merci, Mathieu!!)… et, ça y est, j’ai plongé!
Mieux que ça : j’ai craqué! Hé oui! Bonne pâte que je suis, me voilà accro! Après trois tomes, je suis épris de sympathie pour ces personnages qui se retrouvent dans l’antichambre de l’enfer, comme en sursis. Je veux maintenant savoir, moi aussi, qui s’en sortira vivant (on ne peut pas dire «indemne», car aucun ne le sera!!) et, surtout, comment…
Pour les quelques rares d’entre vous qui n’avez jamais entendu parler de cette série, sachez qu’elle se résume bien simplement, en quelques phrases, les mêmes que pour toutes les histoires de zombies : Rick Grimes, un policier bien ordinaire, se réveille d’un coma de quelques mois. Ça ne lui prend que quelques minutes pour découvrir, à la dure, que l’hôpital où il est soigné est vide de toute population vivante… mais pleine de zombies en manque de chair fraîche!! Pire : c’est sa petite ville en entier qui est patrouillée d’horribles morts-vivants, tous plus repoussants les uns que les autres! Comment est-ce possible? Que s’est-il passé? Comment survivra-t-il?? Retrouvera-t-il les siens?… Et si oui, dans quel état (de putréfaction?)?...
Pourtant, malgré ce synopsis on ne peut plus classique, et à l’en croire tous ceux qui la porte aux nues, l’œuvre de Kirkman se distingue des autres séries du genre de par la solide étude de mœurs qu’elle nous propose! L’auteur ne s’en est jamais caché : l’horreur ne l’intéresse pas, ce sont les réactions qui en découlent, tant psychologiques, émotives que morales, qui le fascinent et le passionnent! Qu’est-ce qui se passe dans la tête de survivants qui se voient poussés (littéralement!) dans leurs derniers retranchements? Qui prend le leadership? Qui craque? Qui garde espoir? Qui se noie dans un espoir bidon? Bref, Kirkman nous montre des hommes et des femmes aux nerfs à fleur de peau, que la survivance pousse à des extrêmes insoupçonnés, à des gestes contre-nature ou à des alliances imprévisibles, à des réflexions révélatrices de leur grandeur d’âme… ou de leur bassesse, c’est selon!... Et on chemine en leur compagnie, réfléchissant ou paniquant avec eux, ne pouvant que nous demander : et SI c’était vrai?? Si JE me retrouvais dans une telle situation, comment JE réagirais, MOI??
Sur le plan visuel, précisons que la conception de tout l’univers graphique de la série a été faite par Tony Moore, dans un style réaliste somme toute assez net, qui pose une petite mais bienveillante distanciation, auquel il ajoute des jeux d’ombres très efficaces… et des créatures horrifiantes au graphisme beaucoup plus trash, qui surprennent toujours. Malheureusement, et je sais dores et déjà que je vais me faire lancer des tomates en disant cela, ce monsieur Moore a laissé sa place à Charlie Adlard, dès le tome #2. Très efficace dans le gore et le juteux, cet Adlard… Mais beaucoup moins quand vient le temps d’illustrer des personnages sains de corps (à défaut de l’être de l’esprit!!) : c’est tout juste si on reconnaît certains visages, d’une case à l’autre!! Mais qu’à cela ne tienne! Le récit est si palpitant, les personnages si attachants et le suspense si poignant que je ne m’en formalise plus… et que j’ai hâte de lire les trois tomes suivants, qui m’attendent sur ma table de chevet!
Bien sûr, constatant de mon si bel enthousiasme, vous serez peut-être tentés de me faire voir la série télé?! Je vous réponds tout de suite : In your dreams!!! Car si j’arrive à lire le récit et à voir ces dégoûtants zombies de papier, c’est justement parce qu’ils sont en noir et blanc, et en deux dimensions!! Je n’ai eu besoin que de quelques photos de la série télé, aperçues sur le Net, pour savoir avec certitude qu’aussi bonne soit-elle, je ne visionnerais jamais la version télévisuelle… Je tiens trop à ma santé mentale pour ça!!...
À lire aussi : les critiques de mes potes Jérôme (tome #1), Arsenul (tome #2) et Yaneck (tome #3).
Plus grandes forces de cette BD :
- le dessin de Tony Moore, surtout au niveau des visages plutôt allongés qu’il donne à ses principaux personnages, dont Rick, Lori et Shane. À mon avis, la netteté de son style et l’expressivité de ses faciès (tant pour exprimer le dégoût que l’horreur ou le découragement extrême) contribuent à l’abordabilité de la série : pour moi, en tout cas, il est clair que le graphisme du tome #1 a largement contribué à me rendre addict!
- la brochette de personnages très variés. Jamais tout noir ni tout blanc, tous ont quelque chose à apporter au groupe, mais aussi à la série! C’est à travers leurs multitudes de réactions qu’on verra nos valeurs confrontées et qu’on se situera moralement. Kirkman frappe véritablement très fort en misant sur une si large palette… Et mieux vaut ne pas trop s’attacher à chacun d’eux, car un grand nombre ne survivra pas : l’auteur n’a absolument AUCUN scrupule à en servir régulièrement un ou deux à ses morts-vivants adorés, en guise de hors-d’œuvre! ;^)
- la finesse de l’approche. Cette idée de miser sur le psychologique plutôt que sur l’horreur est une belle trouvaille, et il est clair qu’elle est la clé du succès sur lequel surfe tant la série télé que les albums BD!
- l’efficacité du thrill, du suspense. Quand j’ai eu fini le tome #1, j’ai rêvé zombies toute la nuit… Ce fut très désagréable… mais je suppose que c’est un signe que l’album rend la marchandise, non?!...
- l’épaisseur des volumes : chaque tome est suffisamment volumineux pour que ça vaille la peine d’y plonger! Merci aux éditeurs français de nous regrouper les fascicules de la version originale en paquets de six : je serais bien en peine de ne lire ces feuillets de 22 pages qu’un à la fois!
- les fiches de personnages, au début des albums… mais à partir du tome #2, seulement. Ces récapitulatifs sur les liens unissant tout le monde et sur qui est mort et qui ne l’est pas sont très aidants. Cette référence aurait même été encore plus aidante dans le tome #1, alors qu’on connaît encore très peu les personnages!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la facilité un peu fleur bleue avec laquelle Rick retrouve sa famille. Parmi toutes les villes et les villages américains où son épouse et son fils auraient pu chercher à se cacher, Rick choisit non seulement la bonne… mais tombe sur eux en moins de 24 heures, alors qu’il aurait été bien plus réaliste qu’il passe à quelques kilomètres d’eux sans jamais les croiser!! Le scénariste a peut-être été trop bon avec ses personnages sur ce coup-là… Mais on lui pardonne, car c’est peut-être le seul cadeau qu’il leur fait, dans toute la série!! ;^p
- le grand nombre de personnages dès le départ. J’ai trouvé un peu pénible de démêler tout ce monde qui apparaît tout d’un bloc, dans le tome #1. J’ai même ressenti le besoin de faire une petite liste, ce qui a réglé le problème (liste qui est rapidement devenue inutile, à partir du tome #2, grâce aux belles listes de personnages dont j’ai parlé plus haut!). Mais ce grand nombre de perso, dès le départ, fait en sorte qu’on n’a pas encore vraiment eu le temps de les connaître et de s’attacher à eux quand les premières attaques surviennent. Par conséquent, on est moins ébranlé par le décès de ceux qui meurent! Heureusement, cet élément ne concerne que le tome #1 : par la suite, on connaît et identifie plus notre monde!
- le dessin de Charlie Adlard. Même s’il avait été le concepteur original de la série, j’aurais trouvé son dessin plus ou moins intéressant… mais quand on a l’occasion de les comparer à ceux de Moore, le choc est encore plus décevant!! Le tome #2 que j’ai lu contenait, en fin de tome, quelques croquis du nouvel illustrateur. Les gens de chez Delcourt prennent la peine de préciser que ces études de personnages sont d’autant plus précieuses qu’elles sont rares, Adlard préférant souvent y aller à froid, selon l’inspiration du moment. Je ne peux que confirmer que… ça ce voit, et c’est bien dommage!! Ça explique sûrement en grande partie le fait que ses dessins sont beaucoup moins nets, moins fignolés que ceux de Moore dans le tome #1. J’ai beaucoup plus de difficulté à reconnaître un personnage de la série depuis qu’il est aux commandes… et je ne parle pas des sérieux problèmes de proportions qui transparaissent lorsqu’il dessine des enfants!! Aux p.68, 79 et 126 du tome #2, Carl et les jumeaux ont littéralement l’air d’hydrocéphales, rien de moins!! Quel dommage que Tony Moore ne se contente plus que de faire les couvertures!!
- des spoilers imprévus, qui vendent un peu la mèche. Dans les fiches de personnages, au début du tome #3, certaines informations viennent nous révéler qui crèvera au cours du tome!! C’est vraiment une simple petite erreur éditoriale, mais qu’il serait bon de corriger d’ici la prochaine réimpression! ;^(
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