#01- LES ÉPREUVES DE L'ÉCUYER
Scénariste(s) : Jean-François LALIBERTÉ
Dessinateur(s) : Sacha LEFEBVRE
Éditions : Michel Quintin
Collection : X
Série : U-Merlin
Année : 2018 Nb. pages : 104
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (Inspiration comics)
Genre(s) : S.F., Superhéros / Justicier masqué, Fantastique mythique
Appréciation : 5 / 6
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FormidableS robotS des temps nouveaux...
Écrit le mercredi 21 juin 2023 par PG Luneau
Tomes lus : #01- les Épreuves de l'écuyer
#02- Pour le roi! (2019, 108 p., 5/6)
#03- le Prisonnier du tombeau (2021, 108 p., 4/6)
#04- l'Arène de Salamandria (2022, 108 p., 4/6)
C'est quoi?
Dans la toute première dédicace qu'il m'a faite, le scénariste Jean-François Laliberté a trouvé les justes mots pour expliquer ce qu'est sa série U-Merlin : «...un univers de Sci-Fi qui mêle Goldorak et Battlestar Galactica !»... Mais qu'en est-il vraiment?
Nous sommes en 2113, et la Terre est ponctuellement attaquée par de gigantesques êtres rocailleux venus de l'espace, les Rocs. Heureusement, le gouvernement planétaire a développé toute une équipe internationale pour protéger la population mondiale (c'est le côté Battlestar Galactica). Mais plutôt que d'affronter l'Ennemi à bord de vaisseaux spatiaux, chacun des membres de cette équipe s'insère dans une immense armure robotisée géante (ce que les amateurs du genre appellent des Mechas, et qui ont surtout été popularisés dans les mangas et les animes... dont Goldorak). Ainsi, une douzaine de fidèles soldats logent en orbite sur la station spatiale Camelot 2099 avec toutes leurs équipes de techniciens pour entretenir leur douzaine d'armures high-tech, qui portent toutes un nom en lien avec les Chevaliers de la Table ronde. On retrouve donc Galahad, Yvain, Perceval, Gauvain, Caradoc, etc. Ce commando d'élite est sous les ordres de Lancelot, piloté par le Canadien James Carter et entretenu par son neveu, Liam.
Mais le jeune Liam a des aspirations : s'il n'est qu'écuyer (c'est ainsi qu'ils appellent leurs techniciens, thématique médiévale oblige!), ce n'est que temporaire, le temps qu'il fasse ses preuves comme combattant. Et c'est pourquoi il passe tous ses temps libres à fabriquer secrètement, en compagnie de son amie Geneviève, son propre robot/armure, qu'il baptise U-Merlin!
Dès le tome #1, les Épreuves de l'écuyer, une attaque imprévue force Liam à enfiler U-Merlin et à s'impliquer au combat. Une attaque sournoise fera en sorte que Liam ne sera plus jamais tout à fait le même.
Dans le tome suivant, c'est à la famille royale que les Rocs s'en prendront. U-Merlin, Lancelot et compagnie auront fort à faire pour libérer le Roi et ses proches, et les Mousquetaires formant la garde rapprochée du Monarque ne seront pas de trop pour leur venir en aide. Leur cri de ralliement? Pour le Roi!
S'étant laissé guider par ses instincts, mais ayant contrevenu à un ordre direct ce faisant, Liam se retrouve emprisonné pour quelques temps. Alors que Geneviève, son écuyère, répare U-Merlin et se voit obligée de l'enfiler à son tour, Liam découvre dans la geôle voisine à la sienne un tôlard reptilien des plus étranges. Mais qui est donc ce Prisonnier du Tombeau (t. #3)?
Finalement, dans le 4e tome (qui débute un nouveau cycle narratif, aux dires de M. Laliberté), on se retrouve 2 ans plus tard (!?!), alors que Liam et deux de ses collègues sont retenus prisonniers de l'Arène de Salamandria, sur une planète désertique aux confins de la galaxie. Tandis qu'ils viennent en aide à une entité surpuissante en lien avec l'air, Geneviève, de son côté, continue de piloter U-Merlin autour de la Terre et vient en aide à une entité aquatique. Ces entités élémentaires auront, croyez-le ou non, un lien entre eux!!? Fascinant!
C'est comment?
Très honnêtement, j'étais un peu craintif de commencer la lecture de cette série. Je n'ai jamais trippé Mecha. Les Transformers et Goldorak m'ont toujours laissé de glace : j'étais plutôt «team Capitaine Flam»! Mais au final, je suis agréablement surpris!
Sur le plan scénaristique, Jean-François m'a bien impressionné. D'abord, il a su jongler avec les thématiques de la Table ronde, de Robin des bois et des Trois Mousquetaires avec brio, les mettant à sa sauce science-fictionnesque. Puis, il a su pondre des péripéties variées, originales et palpitantes. Si les coïncidences sont un peu trop présentes, parfois, et que les intrigues se résolvent souvent de façon trop expéditive pour mon œil d'adulte, je conçois que c'est pour satisfaire une clientèle de préados qui n'apprécient guère les longueurs et les réflexions abusives... Bref, M. Laliberté exploite bellement un intéressant filon, en respectant bien son lectorat.
Sur le plan graphique, Sacha Lefebvre s'en tire assez bien. Son dessin manque encore un peu de maturité ou de finesse, je trouve, mais ça reste assez constant pour ne pas que ce soit dérangeant. Ses mises en pages sont très dynamiques et variées, et il maîtrise parfaitement les effets spéciaux (comme l'utilisation d'éclats lumineux surpuissants ou de filtres pour nous faire comprendre qu'on voit une scène à travers l'œil d'une caméra, par exemple).
On se retrouve donc en présence de très nombreux personnages, tous reconnaissables et bien typés, aux interactions riches et variées, qui sont plongés dans des aventures grandioses qui les amèneront à sauver le monde à force de combats titanesques (qui, à mon grand soulagement, n'envahissent pas trop les tomes!). La routine habituel de ce genre de héros, quoi! Pour tout public, à partir de 10 ans.
Mes bémols
- des traits un tantinet trop épais. Je ne suis pas expert en la matière, mais il me semble que les lignes de M. Lefebvre sont parfois un peu trop larges, ce qui alourdit certains dessins. Ces vignettes gagneraient en finesse s'il les rétrécissait un peu.
- quelques petits problèmes de proportions ou de perspective. J'ai surtout dénoté ces petites imprécisions avec la limousine royale ou le personnage d'Athos, qui s'avère être une personne atteinte de nanisme. Autre exemple: l'ouverture des casques me semble parfois trop petite pour qu'une tête puisse s'y engouffrer. Dans un ordre d'idées parallèle, la destruction de la ville de Salamandria, dans le tome #4, me semble un peu vide, visuellement: si les tornades détruisent les murs et les morcellent en blocs de pierre, les pièces qu'elles éventrent ne semblent avoir ni décorations, ni meubles, ni accessoires, rien que les rafales pourraient emporter !?...
- l'absence de pagination. Toujours un calvaire, quand vient le temps de situer une case ou une action bien précise!
- quelques choix scénaristiques moins judicieux. D'abord, si les combats sont généralement bien dosés (grand bien m'en fasse!), deux d'entre eux s'avèrent plus longs et plus difficiles à suivre (tous deux dans le t. #3, d'où ma note à la baisse). Puis, je dois avouer que le saut de deux ans entre les tomes #3 et 4 m'apparaît inutilement long. Quelque chose comme six mois aurait tout aussi bien fait l'affaire, et me serait apparu comme plus réaliste. Puis, il y a les synchronicités un peu trop prononcées: Liam «guidé» par son Roc, alors que Geneviève l'est par la Dame ; le premier qui libère l'élémental aérien au même moment que la seconde sauve celui de l'eau... Ça fait beaucoup. Mais ma plus grande déception, c'est la rapidité avec laquelle Mab passe du gros méchant à l'allié précieux. On nous explique bien son intérêt fondamental à voir Liam survivre, mais de là à l'aider à tout réussir avec brio? J'aurais aimé que cette entité conserve une partie de l'animosité et de l'arrogance qu'il ressentait à l'égard de son hôte... Encore ici, ça aurait fait plus réaliste...
Les plus grandes forces de cette BD
- les pages de garde qui montrent toute l'équipe, armures et pilotes. Quel super support pour nous aider à bien suivre qui fait quoi dans les combats!
- de belles réalisations graphiques. D'abord, les mises en pages sont excessivement dynamiques. Les pages sont très habilement déconstruites, avec des inserts nombreux et judicieusement agencés. Les classiques gaufriers sont à peu près inexistants! On a évidemment droit à plusieurs illustrations doubles pages fort impressionnantes. Puis, comme je le disais plus haut, Sacha est un champion des effets visuels. Il est passé maître dans l'art de montrer l'invisible, la vision nocturne, les souvenirs, les dispositifs technologiques qui transforment la vision, bref, tout ce qui habille l'image d'une manière non traditionnelle. Ça donne des vignettes souvent très léchées.
- des thématiques de ouf! La Table ronde, Robin des bois, les Trois Mousquetaires... Toutes ces références m'ont toujours fait rêver, individuellement. Toutes réunis ici, dans un contexte futuriste bien maîtrisé, c'est comme l'apothéose du bonheur! ;^D
- l'intégration toute naturelle des différences... mais de TOUTES les différences! Pour bien démontrer que toute l'équipe est totalement mixte et internationale (à l'image de pas mal tous les équipages de vaisseaux de Star Trek), on retrouve le drapeau de la nationalité de chaque membre sur son bras droit. Mais on renforcit le tout avec un ou deux mots en russe ou en vietnamien! Puis on retrouve, summum de l'intégration et de la tolérance: un couple royal homoparental, une petite personne pour les protéger... et même un hamster au conseil mondial !?!?!? Qui a dit qu'on ne parviendrait jamais à communiquer avec les autres espèces animales de notre planète, dans le futur?:^O
- l'omniprésence du futur. Souvent, les scénaristes de S.F. plaquent leurs aventures dans le futur, mais oublient d'en tenir compte! Ici, Jean-François et Sacha semblent bien conscients de ce piège et s'amusent à garnir leur univers de références futuristes : les robots-utilitaires sont partout, de même que les technologies de pointe... Et que dire du fameux hamster, membre du Conseil mondial !?
- une cohérence scénaristique qui fait plaisir, car souvent rare en BD, surtout en BD jeunesse. Par exemple, il y a des pertes même chez les bons!! En effet, à l'image de la télésérie (et des romans!) le Trône de fer, on ne sait jamais quand un perso, même principal, va mourir! Puis, j'apprécie le fait que les répercussions d'une décision se font toujours sentir, même dans les tomes suivants. Et il y a une certaine violence bien assumée (sans être omniprésente!), qu'on ne cherche pas à occulter. À certains moments, on n'y va pas de main morte avec... un bras arraché ou un corps transpercé! Mais pour qu'on sente vraiment l'héroïsme, il faut bien qu'il y ait des dangers réels, qui laissent des traces, non ?!
- un certains humour, en filigrane. J'ai apprécié, par exemple, le mot de passe de l'ordinateur de Jeff, inscrit sur un papillon adhésif accolé sur ledit ordi, ou la (trop brève!) présence des jumeaux Dap et Brian (qu'on reverra, j'espère!).
- plusieurs personnages intéressants. J'ai personnellement un faible pour Mordred (qui peut se rendre invisible, en mode furtif... Cooool!) et pour le sympathique et tout mignon Laperlin, bien sûr!!
- un ton bien québécois, malgré l'internationalisation de la Station spatiale. En effet, on retrouve assez régulièrement des interjections bien de chez-nous, comme ouin, ouais, man... Ça «sonne» vraiment québécois!
Les petits plus
- À noter: le technicien du nom de Jeff, qu'on voit à quelques reprises... est le parfait sosie de Jean-François Laliberté !? «Hasard? Je ne crois pas!» C'est un très sympathique caméo!
- Mon œil de lynx a aussi décelé quelques coquilles. D'abord, deux coquilles graphiques, dans le tome #1: le drapeau français se retrouve sur le mauvais bras de Geneviève, lors de la première apparition d'U-Merlin ; puis le robot d'entraînement de Siegfried se fait arracher le bras droit... mais c'est le gauche qui n'est plus là, sur la vignette suivante! Ensuite, quelques coquilles textuelles, comme quand on sonne l'alame dans le t.#1 ou quand on écrit (par 3x !?:^O) le nom de Lapermerlin au lieu de Laperlin, dans le t. #4!
- Une curiosité: La Japonaise est Vietnamienne !!?? En effet, Minh Nguyen, la pilote de Mordred, porte un patronyme tout ce qu'il y a de plus vietnamien, et nous offre d'ailleurs quelques mots dans cette langue. Pourtant, elle arbore le drapeau du Japon! Ça m'a titillé un peu, jusqu'à ce que je réalise que... pourquoi pas ?! S'il y a des Vietnamiens qui habitent au Québec, en France ou aux États-Unis, il doit bien y en avoir aussi qui vivent au Japon, non ?! ;^)
- Et une certitude: La série en est maintenant au tome #4, mais je subodore que son rythme de parution ralentira drastiquement. En effet, les deux créateurs, MM. Laliberté et Lefebvre, viennent d'en lancer une deuxième, les Élus Eljun, qu'ils publicisent fièrement comme étant«le premier manga entièrement québécois»! Je présume donc que les tomes #5 et 6 d'U-Merlin, qui doivent clore le 2e triptyque, ne seront pas complétés avant quelques années...:^( Chose certaine, les deux auteurs ont du pain sur la planche pour un bon bout de temps!
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