#3- LE SANG DE LA MOMIE / LE MISSIONNAIRE DU DIABLE
Scénariste(s) : Ola SKOGÄNG
Dessinateur(s) : Ola SKOGÄNG
Éditions : les 400 coups
Collection : Rotor
Série : Théo
Année : 2008 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (3/3)
Genre(s) : Héros animalier, Thriller fantastique
Appréciation : 4.5 / 6
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Quoi de mieux qu'un grand finale démentiel dans une maison hantée?!
Écrit le dimanche 11 septembre 2011 par PG Luneau
Théo et l’inspecteur Max pataugent encore dans leur enquête pour débusquer le Vampire de Stockholm, ce meurtrier en série qui sévit dans la capitale et qui laisse ses victimes mystérieusement exsangues. Si le commissaire Léo croit dur comme fer qu’il s’agit en fait d’Alfred Sundström, un dérangé néo-nazi qui s’est enfuit récemment de prison, Théo penchait plutôt du côté d’Amir Kairo, une vieille connaissance à lui, qui se trouve à être un pharaon revenu des morts qui cherche à retrouver son statut à partir de son repaire secret, caché sous le Musée suédois de la Méditerranée! Rien de moins!
De plus, la Confrérie de l’Étrange complote toujours dans le but de se débarrasser de Théo, pour des raisons qui nous sont encore inconnues, et elle s’enligne pour s’en prendre à la petite Félicia… Leur plan fonctionnera-t-il comme prévu? Et si tout cela était lié?? Se pourrait-il que tous ces suppôts de Satan, ou du moins certains d’entre eux, soient de mèche dans l’affaire des meurtres en série?... Et si ce n’était aucun d’entre eux!!? Alors, qui??
Ola Skogäng nous offre ici un finale assez impressionnant merci! Son revirement à la Agatha Christie est vraiment déstabilisant… même s’il a déçu un tantinet mon petit côté «détective amateur» par le fait qu’aucun indice n’avait été prévu pour nous mettre la puce à l’oreille : on n’avait donc aucune chance de le voir venir! Mais la surprise est totale, ce qui est déjà fort appréciable! Le scénario nous offre aussi bien des pistes parallèles, qui, étonnamment, restent en plan, n’ayant finalement rien à voir avec cette enquête-ci : elles ne faisaient que dresser la table pour une suite éventuelle… et, accessoirement, confondre un peu plus le lecteur dans sa petite enquête!!
D’ailleurs, parlons-en de la suite : le communiqué de presse que les éditons des 400 coups m’ont fait parvenir précise que monsieur Skogäng travaille présentement dessus!! Sera-t-elle d’abord publiée en feuilleton dans le magazine scandinave Nemi, comme ce fut le cas en 2007 pour ce récit-ci? Je ne saurais le dire, mais je sais que le prestigieux prix Adamsson, récompensant le meilleur auteur suédois, a été remis en 2009 à monsieur Skogäng, et qu’il était grandement mérité!
Finalement, je m’en voudrais de ne pas terminer en remerciant les 400 coups pour
a) la qualité de leur production générale,
b) le beau risque qu’ils ont pris en lançant une collection «de genres» comme Rotor, qui ouvre la porte au fantastique, à la S.F., au polar et aux autres genres dits «mineurs», si souvent boudés par l’intelligentsia littéraire,
c) le partenariat qu’elle m’a proposé. J’en ai parlé lors de mon billet-deuxième anniversaire, mais je le répète car je sais que ce n’est pas tout le monde qui a eu la chance (!!) de le lire!
C’est avec grand plaisir que j’ai pu, grâce à eux, me risquer à lire cette série atypique qui, de prime abord, ne m’aurait probablement pas spontanément attiré. (Oui, je sais, ça fait un peu têteux, tout ça, mais je suis très sincèrement honoré d’avoir été non seulement remarqué par une première maison d’éditions, mais en plus par une maison que je considère très sérieuse et professionnelle, et que j’aimais déjà beaucoup!!)
Je recommande donc cette petite trilogie à tous les amateurs d’émotions fortes qui adorent baigner dans des atmosphères étranges, entourés de têtes dans le formol, de lycanthropes sympathiques ou de morts-vivants! À partir de 13 ou 14 ans.
Plus grandes forces de cette BD :
- un bon résumé des deux premiers tomes… avec des vignettes un peu trop petites, cependant! Si on a lu les dits albums, ça va : les cases, malgré leur petit format, ont été judicieusement choisies pour leur pouvoir d’évocation et la mémoire nous revient vite. Mais pour quelqu’un qui n’a pas lu ces tomes, ce doit être une autre paire de manches : les dessins sont bien trop petits pour qu’on puisse comprendre convenablement ce qui s’y est passé… Toutefois, encore vaut-il mieux lire les deux premiers tomes en entier, évidemment!!
- le graphisme simple mais très satisfaisant… très scandinave, finalement : propre, net, original et fonctionnel! Du vrai Ikea, quoi!! Ce style, épuré mais quand même riche, est aussi appliqué au décor. J’ai d’ailleurs eu l’impression que monsieur Skogäng s’est amusé à représenter les bâtiments de sa ville avec beaucoup de fidélité, tout comme notre Michel Rabagliati national met Montréal en premier plan de tous ses titres. J’ai donc été tenté d’aller me balader, via le Net et Google Street View, à la recherche de photos des bâtiments stockholmois que nous montre l’artiste, question de vérifier si mon hypothèse pouvait être avérée!! Résultat : j’ai tout de suite reconnu le Musée de la Méditerranée et la Maison hantée du parc d’attraction!!
- les petits détails qui tuent. Encore cette fois (j’avais aussi soulevé ce point dans ma critique du tome #1), plein de petites surprises nous attendent au détour d’un coin de vignette. Je pense par exemple à la queue de poisson qui dépasse légèrement de la couverture qui camouffle les «jambes» de la gentille Greta, bien assise dans sa chaise roulante. Elle serait une sirène!?!?! Ces détails sont parfois si discrets que je suis sûr que certains lecteurs les ratent, carrément!
- les personnages secondaires. Ils sont passionnants, pour la plupart. Greta est tout simplement suave, dans sa chaise roulante… avec sa nageoire caudale qui dépasse de sa couverture de laine!! Et la tête d’Emanuel Swedenborg, qui hoquète dans son bocal, est, elle aussi, fort intéressante. Mais qui est donc cette mystérieuse «collecteuse» d’âmes de mourants?!!!
- l’ambiance d’étrangeté dans laquelle trempe toute l’aventure. J’en ai parlé maintes fois, dans les critiques des tomes précédents, mais cette grande force demeure encore ici bien présente… surtout que les deux tiers de l’album se déroulent dans une maison hantée!!
- le suspense, lors de l’enlèvement de Félicia. Ce kidnapping, plus ou moins improvisé, nous est présenté en contrepoint avec la discussion chez Greta, ce qui augmente notre niveau de stress. D’autant plus qu’on ne sait tellement rien, encore, à propos du qui ou du pourquoi de la chose!
- l’action des deux derniers tiers du volume. C’est la cascade de revirements de situations, l’apothéose finale, et ça se lit très rapidement tant Skogäng a enchaîné habilement suspense, action et révélations.
- la révélation de l’identité du vampire!! Un coup de théâtre fulgurant! Mais jje n’en rajouterai pas plus, toutefois, pour ne pas vous créer trop d’attente! Bien songé, il aurait toutefois pu être amené plus subtilement, et en nous laissant des petits indices, des petites pistes.
- la touche d’émotion, de nostalgie, à la fin. Le regard de Théo, quand il regarde la photo qui nous a accompagné tout au long des trois tomes, est très émouvant, très révélateur… Et très intrigant pour la suite!!
- la liste des intrigues laissées en plan. J’ai aimé la retrouver là, au verso de la dernière page, car en lisant le mot fin (ou, plutôt, slut), j’ai tout de suite eu une pensée pour ces pistes inachevées! J’allais commencer à rechigner quand j’ai tourné la page pour retrouver, avec soulagement, Théo qui officialisait le fait que ces énigmes parallèles n’étaient pas totalement abandonnées, et qu’elles nous reviendraient sous peu!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le fini de la couverture. Plutôt que d’avoir un fond mat avec quelques appliques en glacé, comme c’était le cas pour les deux premiers tomes, cette couverture-ci est entièrement glacée, sauf quelques petits éléments qui restent en mat satiné. Pourquoi avoir changé la formule avant la fin du cycle!! D’autant plus que la première formule m’apparaissait visuellement plus intéressante, car le noir de fond faisait plus intense, plus mystérieux…
- la conclusion un peu escamotée de la bataille contre l’armée de morts-vivants. Jugez-en vous-même : la page 45 se termine alors que Théo est submergé par une armée de morts-vivants. Félicia tire trois ou quatre coups de feu, aux pages 46 et 47, (sur des zombies déjà morts, ne l’oublions pas!!)… et on retrouve nos trois héros, quatre pages plus loin, se promenant comme si de rien n’était!! À mon sens, tout semble s’être réglé pas mal trop facilement. Il me manque une ou deux planches de combat pour que le lien entre ces deux scènes se fasse de manière fluide et crédible!
- la fin ouverte… Si certains mystères peuvent naturellement rester en plan, d’autres, comme celui de la femme qui capture les âmes des mourants pour rajeunir ou celui du complot fomenté par la Confrérie de l’Étrange, occupent une trop grande place dans ce récit-ci pour nous obliger à attendre le suivant!
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