#01- LA HORDE DE LA LOOSE
Scénariste(s) : Thierry Maunier dit TÉHEM
Dessinateur(s) : Xavier Henrion dit XAVIER
Éditions : Glénat
Collection : Tchô! la collec...
Série : Root
Année : 2007 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Gags en une planche
Genre(s) : Humour, Fantastique médiéval
Appréciation : 3.5 / 6
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Un peu de sensibilité chez les barbares
Écrit le mardi 12 juillet 2011 par PG Luneau
«Hey! Hey! Vicky! Vicky, hey! Le Viking venu du Nord!...»
Si, étant jeune, vous étiez un tant soit peu téléphage, cette chansonnette qui ouvrait le générique du dessin animé Vicky vous est sûrement familière. C’était, personnellement, une de mes séries favorites. Moi, le jeune intello nul dans tous les sports, je me reconnaissais totalement dans ce malin petit bonhomme qui parvenait à sauver, grâce à ses ingénieuses idées, la tribu de gaillards dirigée par son père, qui se retrouvait toujours aux prises avec : «… les loups, les méchants, les pires dangers… où les plonge(ait) leur témérité, hey!» C’est pas mal dans ce même contexte qu’on se retrouve avec Root, sauf qu’ici, le petit barbare ingénieux qu’on nous propose… est en version féminine!!
En effet, Root est la sixième enfant de Toran, un chef de clan violent mais, il faut bien l’avouer, pas très futé. Sixième enfant… mais première fille! Quelle déception pour ce barbare toujours en manque de saccages et de conquêtes! C’est donc entourée de ses cinq gigantesques mastodontes de frères, tous plus musclés et abrutis les uns que les autres, que la mignonne et sage petite Root tracera son chemin, tout en essayant tant bien que mal de leur inculquer un minimum de civilité, d’hygiène et de bon sens.
Forte de ses trois recueils de gags en une planche, la série Root est illustrée par Xavier, un dessinateur au style assez jeté, qui manque beaucoup de fini, je trouve. Elle est écrite par Téhem, celui-là même qui nous donne Malika Secouss et Zap collège dans cette même collection des amis de Titeuf. Ses gags sont, ma foi, assez amusants, dans l’ensemble. J’aurais même tendance à dire qu’ils sont, en moyenne, un peu plus drôles que ceux que nous offrent les autres séries du genre. J’aurais probablement donné 4/5 à l’album, si ça n’avait été du dessin, car j’ai bien aimé découvrir la cohésion entre les membres de cette tribu de dégénérés sauvages. J’ai aussi aimé la dichotomie entre la tribu barbaresque de Root et le petit village de pêcheurs futés qui se trouve non loin et qui est toujours la première cible des «expéditions» (ratées!) de Toran et de ses fils.
Bien sûr, les rapprochements avec d’autres séries du genre sont faciles à faire. On peut penser au vieil Hägard Dünord, du célèbre Dik Browne, qui sévit depuis des décennies dans tous les journaux américains (il est aussi traduit dans plusieurs autres journaux étrangers, dont ici, au Québec). On peut aussi faire le parallèle avec l’insipide Astrid, cette autre jeune fille chez les durs à cuire (des Vandales, ceux-là), qui avait tenté une percée, chez Soleil, en 2004, sans grand succès (heureusement : ces gags étaient d’un ennui mortel!). De plus, les nombreux gags avec l’étrange dragon de Root peuvent rappeler ceux de l’agréable Raghnarok et de sa copine barbare, Roxane, dessinés par notre cher Boulet. Mais dans le genre, Root s’en tire très bien, malgré quelques gags plus scatologiques… qui, avouons-le sans honte, m’ont parfois bien fait rire! À cause de ces derniers, et de certains autres où la violence est caricaturée mais néanmoins bien réelle (précisons que les mignons petits lapins ne gardent pas leur tête sur leurs épaules bien longtemps, dans cet album!!), je ne laisserais probablement pas ce tome dans la bibliothèque de l’école primaire où je travaille, mais je pourrais l’offrir en cadeau à un jeune de 10 ans, en autant qu’il soit assez «mature» pour comprendre le ridicule de ces gags! Personnellement, j’ai passé un bon moment de lecture!
Plus grandes forces de cette BD :
- le gag étalé sur les pages de garde. Je trouve toujours sympathique quand une BD possède des pages de garde illustrées. Quand, en plus, celles du devant et celles du derrière sont différentes, c’est encore mieux : on sent que le dessinateur veut nous faire une fleur! Quand, finalement, elles se complètent en un gag, c’est vraiment charmant! Merci, Xavier et Téhem!
- la belle faune de personnages. Plusieurs sont très intéressants : le sorcier du village, qui concocte toutes sortes de potions à l’aide de poussins fermentés, est très drôle, et il est le lien avec le monde des esprits, ce dernier étant quand même assez présent. Le petit copain de Root, un jeune pêcheur qui vit au village voisin, s’avère être un complice très sympathique. Root le préviendra souvent à l’avance des intensions de son père, lui permettant ainsi de prévenir son village et de leur éviter à tous de se faire massacrer lors des expéditions de Toran. Les cinq frères sont assez monolithiques et suivent aveuglément leur père : seul Bidül développe un peu plus son individualité en devenant l’amoureux incompris de la belle grande Éosine, une jeune femme du village ennemi. Certains gags se poursuivant dans les gags suivants, on en vient à établir une belle relation avec tout ce beau monde, y compris le ridicule «dragon» de Root ou les horribles graleux, ces bestioles venues directement des Enfers pour aider Toran dans ses expéditions meurtrières… qui n’aboutissent jamais à rien!! Toutes ces relations sont amusantes mais néanmoins cohérentes.
- le nom des cinq frères. Trüc, Maachin, Bidül, Chowz et Lött, c’est tout à fait digne du niveau intellectuel de Toran! Dommage qu’on n’ait pas la chance de voir la mère de tous ces gaillards! En effet, pas de trace de la maman de Root dans tout cet album!
- certains gags vraiment très drôles. Je me suis surpris, à une ou deux reprises, à glousser à haute voix. Et je sais que je me répète, mais il est important de le préciser : la très vaste majorité des séries de gags en une planche est si souvent à peine cocasse qu’il est important de souligner quand un tome parvient à vraiment nous faire rire de bon cœur!
Ce qui m’a le plus agacé :
- les dessins très peu léchés, aux traits saccadés. S’ils ont le mérite de sortir des standards de l’heure, ils ne m’ont pas emballé. Je ne trouve aucun intérêt à ce graphisme qui semble bâclé, inachevé. C’était peut-être pour aller avec la thématique barbaresque? Si tel est le cas, l’idée est sympathique… mais j’aime pas! Je dirais même que ça me désole de voir des dessins au potentiel si intéressant, mais laissés ainsi, comme à l’abandon… Mais il s’agit là, bien évidemment, d’une question de goût!
- l’odeur de l’encre!!! J’ai longtemps hésité à souligner ce détail, mais il est arrivé si souvent, au cours de ma lecture, que je me suis surpris à chercher l’origine de la puanteur qui m’assaillait, avant de réaliser (encore et encore!) qu’il s’agissait simplement de l’encre de l’album, que je me suis dit que ça devenait un élément désagréable dont il fallait faire mention, malgré que ça puisse sembler insignifiant.
- une époque difficile à cerner. En effet, les barbares sont incontestablement de l’Antiquité ou du Moyen Âge. Ils portent des vêtements en peau de bêtes sauvages, des crânes de wapiti en guise de casque de guerre, de grosses haches à deux mains ou des masses d’armes tout ce qu’il y a de plus primitives … mais si on se fie aux vêtements et aux accessoires utilisés par les habitants du village de pêcheurs qu’ils attaquent sans arrêt, on se croirait au début du 20e siècle! Ils ont des poêles à frire, des bouteilles en verre, des chapeaux de paille… Je sais bien que c’est un détail (et que je chipote encore!!), mais la dichotomie est particulièrement importante!
- le personnage du dragon. Je trouve originale l’idée que Téhem a eue d’en faire une créature ne correspondant pas aux standards habituels, question d’engendrer des ressorts humoristiques intéressants… mais l’idée de la langue de caméléon m’est apparue plutôt ordinaire! D’autant plus qu’elle devient le moteur d’un trop grand nombre de gags qui, ceux-là, m’ont laissé assez froid!
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