#02- SALE TEMPS POUR LES MOCHES
Scénariste(s) : Maryse DUBUC, Marc Delafontaine dit DELAF
Dessinateur(s) : Marc Delafontaine dit DELAF
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Nombrils
Année : 2007 Nb. pages : 46
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou quelques planches
Genre(s) : Humour mordant, Quotidien, Drame familial
Appréciation : 5 / 6
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On naît bitch ou on le devient?
Écrit le mercredi 14 juillet 2010 par PG Luneau
Quel délice que ces Nombrils!! Plus les gags se rajoutent, plus on en apprend sur la personnalité des trois héroïnes, Karine, Vicky et Jenny. Si la première, toujours aussi bonne poire, fait de plus en plus preuve de dévouement, de grandeur d’âme et d’abnégation, tant à l’égard de Murphy-le-Boutonneux-suicidaire que de ses deux grandes «amies», ces dernières nous révèlent des secrets bien cachés à propos de leur personnalité, de leur famille et de leur passé!
Ainsi, Vicky n’est pas que riche, chiante et manipulatrice. Elle est aussi jalouse, obsédée par son poids et totalement effrayée à l’idée de rester seule. Mais quand on fait la rencontre de ses parents et de sa grande sœur Rebecca, on réalise bien que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre! La jeune mulâtre a de grandes pointures à chausser pour parvenir à être à la hauteur de l’intransigeance de sa mère, du souci de la perfection de son père et de la rancœur de sa sœur, dont elle est le sosie, en plus jeune! Cette Rebecca réussira d’ailleurs à miner bien sournoisement la belle relation entre Vicky et Jenny, ce qui créera moult remous!
Pour ce qui est de Jenny, on nous la présente de plus en plus nouille et innocente. Dubuc exploite de plus en plus ses petites tendances kleptomanes… mais quand on voit la pauvreté et la misère humaine du milieu d’où elle est issue, on comprend un peu mieux ces traits de caractère! Elle aussi a une sœur-sosie, mais plus jeune qu’elle… et elle s’appelle Jenna. Jenny et Jenna, ça ne vous paraît pas pathétique, vous?
On croise même la mère de ce manipulateur de Murphy le laideron… et encore là, on comprend que ses tendances dépressives ne sont pas dues exclusivement à son horrible faciès boutonneux : lui aussi, il a de qui tenir! Mais il surprendra tout le monde en se dénichant une petite amie… encore plus laide que lui!!!
Bref, d’unidimensionnels et très légers qu’ils étaient à leur création, les personnages glissent doucement vers une psychologie plus fouillée qui nous éclaire sur leurs buts et motivations. De plus, quelques épisodes se développent sur plusieurs gags, donnant un petit côté feuilleton à certains passages. Celui concernant le petit chien que Jenny vole (et qu’elle baptise Accessoire!!) est cruel mais démontre dans le délire toute la stupidité et la superficialité de la pauvre fille. Celui, majeur, de l’anniversaire de Karine, réparti sur les 10 dernières planches, pousse certains personnages dans leurs derniers retranchements… et l’album finira dans le drame! Wow!
Un excellent tome, encore une fois, pour le duo québécois Delaf et Dubuc, qui étoffe de très belle façon le petit univers qu’ils ont su créer, montrant par le fait même qu’on peut faire du gag en une page tout en restant intelligent et cohérent! Vivement que je lise le tome #3!!
Plus grandes forces de cette BD :
- plusieurs petits détails dans les dessins. Par exemple, les piercings que Jenny et Vicky ont sur la langue!! Bien que présents dans le tome #1, je ne les avais jamais remarqués (Quelle idée d’avoir un tel piercing, si jeune!!)!! Même chose pour le petit Caliméro qui est attaché au sac à dos de Karine (merci à Kikine de me l’avoir fait remarquer!) : quelle belle symbolique pour cette souffre-douleur chronique d’avoir le petit poussin noir si malchanceux comme fétiche!! Freud serait content! Il y a aussi le graffiti «Loi 101» sur le mur de la cour du lycée (p.9). En faisant ce petit clin d’œil subtil à leurs origines québécoises, Dubuc et Delaf tentent peut-être de rapprocher l’univers des Nombrils de leurs racines… même s’ils continuent de parler de «lycée» (p.14)!
- la psychologie plus fouillée des héroïnes. Non seulement leur contexte familial nous éclaire sur les personnalités de Vicky et Jenny, mais on commence à comprendre un peu ce qui pousse ces deux donzelles à côtoyer Karine, pourquoi elles ont tant besoin d’elle alors qu’elles sont, en apparence, comblées par la vie.
- l’évolution narrative à travers les gags en une planche. Loin des suites de gags sans réelle chronologie ou même, parfois, sans réelle logique (ex. : un personnage nage dans la mer dans un gag, puis on apprend qu’il ne sait pas nager trois tomes plus tard), les gags des Nombrils suivent une évolution certaine. Ce qui se passe dans un gag à souvent des répercussions dans les gags suivants. On sent que c’est construit, et que les auteurs vont quelque part et ce, malgré le fait que la numérotation des gags nous démontre qu’il y a, comme c’est très souvent le cas dans les recueils de gags, un reclassement des gags par rapport à leur parution. Dans ce cas-ci, elle est très judicieuse puisqu’elle nous donne l’impression de suivre une télésérie!! Personnellement, j’apprécie beaucoup cela… mais il peut y avoir une contrepartie négative…
- les émotions qu’on ressent pour les perso, maintenant qu’on connaît leur contexte familial. C’est excessivement rare, dans une série basée sur des gags! Par exemple, quel bonheur de réaliser que Dan voit clair dans le petit jeu des deux bitches et qu’il persévère avec Karine! Dubuc parvient même à nous faire ressentir de la compassion, à la fin de l’album, pour cette parfaite petite pétasse de Vicky!! Et que dire du dégoût suscité par les horribles manipulations du non moins horrible Murphy, qui surprend tout le monde avec Lizon, sa «délicieuse» nouvelle petite amie. Qu’on le veuille ou non, on s’attache à ces petites bêtes… tout comme Jenny s’attache à son Accessoire! ;-)
Ce qui m’a le plus agacé :
- un tout petit doute sur l’indépendance narrative des planches finales. En effet, les dix dernières planches forment tellement un récit complet (d’ailleurs, la numérotation des gags nous confirme qu’elles sont parues exactement dans cet ordre) que je me demande si chaque planche, prise individuellement, est drôle et compréhensible quand on la lit sans avoir lu les autres, qui donnent le contexte? J’ai l’impression, par exemple, qu’un lecteur très occasionnel du magazine Spirou (où elles étaient pré-publiées) ne devait pas parvenir à s’y retrouver s’il n’en lisait qu’une sur trois ou quatre. Heureusement que moi, j’ai l’album complet!
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