#01- À L'ARRIÈRE DES BERLINES
Scénariste(s) : Jean DUFAUX
Dessinateur(s) : Olivier GRENSON
Éditions : le Lombard
Collection : Troisième vague
Série : Niklos Koda
Année : 1999 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (1/2)
Genre(s) : Aventure policière, Thriller ésotérique, Drame familial, Érotique
Appréciation : 4 / 6
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Un James Bond ésotérique!!??
Écrit le vendredi 15 mai 2015 par PG Luneau
Titres lus : #01 - À l'arrière des berlines (Aventure policière, Thriller ésotérique)
#02 - le Dieu des chacals (2000, Récit à suivre (2/2), Aventure policière, Thriller ésotérique, Érotique)
#03 - 'Inch Allah' (2001, Récit complet, Aventure policière, Drame familial, Érotique, 3,5/6)
Ce qui frappe, de prime abord, avec cette série, ce sont ses couvertures, toutes empreintes d'orangés et de couleurs fauves. Elles en imposent, dans les présentoirs! Puis, c'est la belle gueule du héros (souvent sur la couverture!!) qui attire notre regard... Il a un look de vedette de photos-romans italiens, bien viril mais pas trop, à la mâchoire carrée, une gueule à faire craquer les femmes! Finalement, il a tout à fait la gueule de l'emploi puisque c'est un coureur de jupons invétéré!! Mais pas que...
Car ce fameux Niklos Koda, il est un agent. Un agent du Bureau. Oui oui, LE Bureau. Ce fameux Bureau, avec un grand B. Déjà, avec un tel nom, je suis charmé!! J'adore ça, LE Bureau. Ça fait aussi prétentieux que mystérieux!! ;^) D'autant plus qu'on doit accéder à ses... bureaux (!?!) par une porte secrète, dans une librairie, en pressant sur le dos de l'un des bouquins! Cool!! On présume, à voir les missions que doit gérer ce Bureau, qu'il s'agit d'une espèce de service secret français... Mais Niklos semble y avoir un statut particulier : non pas parce qu'il cruise tout ce qui bouge et qui est féminin (ça, un certain 007 nous y a habitués!! ;^), mais bien parce qu'il semble spécialisé dans les missions ayant un caractère... ésotérique!!?
Dans le premier diptyque, le bellâtre doit s'assurer que les rencontres entre le gouvernement français et la délégation d'un petit pays insulaire (africain ou des Caraïbes??) se déroulent sans anicroche. Le problème, c'est que tous les fonctionnaires européens attitrés au dossier tombent comme des mouches, les uns après les autres : fièvres, délires, visions paranoïaques... possessions?? Si bien qu'on en vient à croire que la délégation serait accompagnée d'un «protecteur» aux pouvoirs redoutables, un sorcier du nom de Barrio Jésus, soupçonné de plusieurs ignominies dans son propre pays!! Ce puissant marabout aurait pour mission d'intervenir de manière à s'assurer que les négociations soient en faveur des insulaires... et ce n'est pas l'accumulation de cadavres qui les fera sourciller! Niklos risquera sa peau en s'approchant de la maîtresse de ce sorcier!... (Cette idée de délégation commerciale étrangère, de passage en France, me rappelle étrangement le 4e tome de Natacha, que j'ai lu tout récemment... mais qui est d'un tout autre registre!!)...
Dans le troisième tome, un récit complet, celui-là, on retrouve le beau Niklos au Maroc, alors que sa patronne, Acha Ferouz, lui demande un service personnel : éclaircir les circonstances nébuleuses entourant l'assassinat de son frère. Il se retrouvera coincé entre deux factions rivales : un gigantesque consortium visant l'urbanisation de Marrakech et une importante société écolo, plus ou moins secrète, qui chercherait à garder les espaces verts et les plans d'eau de cette belle ville surnommée «la rose du désert».
Tout au cours de ces deux missions, Niklos Koda nous prouvera qu'il possède des talents vraiment particuliers. Passe-passe, pickpocket, magie, conscience psychique... Il peut, par exemple, remodeler une signature à sa guise en un claquement de paupière!? De plus, lorsque les puissances en présence dépassent son entendement, il possède un réseau d'amis spirites, dont Antioche, qui peuvent l'aider dans ses recherches ou lui accorder des protections spéciales.
Bref, autour de Niklos gravitent autant de superbes créatures féminines que des tables tournantes, des esprits frappeurs, des malabars aux calibres bien élevés et des auras de violence extrême! En fait, après trois tomes, j'ai l'impression que je n'ai qu'effleuré l'univers mystique qui entoure cet homme, son fameux Bureau et ses intrigantes missions! Les tomes suivants, formant presque tous des diptyques (si j'en crois ce que monsieur Grenson, l'illustrateur, m'en a dit, à Québec, le mois dernier!!), m'aideront sûrement me faire une image plus juste de ce très intéressant personnage, au si riche potentiel!!
Compte-tenu des petites scènes émoustillantes parsemées de ci de là, il vaut peut-être mieux réserver cette série pour les plus de 16 ans ;^)
À lire aussi : la critique que mon ami Yaneck a faite du premier tome.
Plus grandes forces de cette BD :
- les couvertures, aux couleurs si vives.
- le clin d'œil à Bashung : le premier tome s'intitule À l'arrière des berlines, une référence évidente (et assumée : on le mentionne expressément, au verso de la page de titre) à la chanson Osez Joséphine, d'Alain Bashung!!
- le prologue très accrocheur du tome #1. Malgré le côté inquiétant ou angoissant de ces deux premières pages, on a tout de suite envie de connaître la suite. D'ailleurs, l'horrible toile qu'on peut apercevoir sur la couverture et les genres de clous qui semblent sortir du plancher nous pistaient dès le départ à propos du caractère glauque du récit, et de son petit côté vaudou!!
- le dessin très fin, toujours élégant, très racé, de monsieur Grenson. Et encore : il n'était pas encore à son apogée!! Certaines vignettes souffrent encore de petites distorsions dans certaines proportions, mais on sent déjà tout le potentiel de l'artiste!
- incontestablement : son héros! Ce bellâtre courailleux est adorable : il est vif, intelligent, gentleman, avec de la répartie, du charisme et le chic pour toujours se tirer d'affaire sans défaire sa mise en plis ni froisser ses beaux complets! Ses connaissances en matière féminine sont stupéfiantes (types de parfums, marques de rouges à lèvres...). Ajoutez à cela ses petites compétences de prestidigitateur en phase avec ses chakras et son aura, et vous aurez un beau portrait de la personnalité de ce fameux agent bien spécial!! ;^)
- de belles découvertes culturelles. Le terme orisha, employé à la p.6 du premier tome, a piqué ma curiosité. Des recherches sur le Net m'ont permis de découvrir toute la mythologie afro-américaine qui s'y rattache... Elle est fascinante!! Et je n'en avais jamais entendu parler!! :^O Ce fut, vraiment, une riche trouvaille! De même, grâce au tome #3, je sais maintenant ce qu'est le tighremt de l'erg Chebbi... Avouez que, lancé comme ça, dans une conversation, ça en jette!! ;^)
- de belles petites pointes d'humour. Souvent amenés via les propos sarcastiques du héros, ces sourires sont parfois l'œuvre du hasard, malicieusement contrôlé par le scénariste!! C'est le cas, par exemple, lorsque Niklos est sauvé de justesse des affres d'une maîtresse en furie... par l'époux qu'il allait cocufier si la harpie n'était pas intervenue!! Suave d'ironie!! ;^)
- le très étonnant ésotérisme du premier diptyque! Avec ses individus possédés et ses attaques d'animaux sauvages en pleine ville, l'étrange magie à laquelle est confronté Koda est paniquante : ce mélange de vaudou et de Chtulu crée des ambiances véritablement insécurisantes, qui donnent froid dans le dos. Au final, ces intrusions de l'ésotérisme dans le quotidien parisien ne sont pas sans rappeler les albums d'Adèle Blanc-Sec, l'autodérision en moins. En fait, peut-être est-ce dû au fait que ces récits-ci sont plus contemporains, et que le dessin de Grenson soit plus réaliste que celui de Tardi, mais le fantastique de Niklos Koda m'apparaît pas mal plus angoissant que celui d'Adèle!! :^S
- le personnage de Barrio Jésus. L'ombre menaçante de ce puissant sorcier plane sur tous les deux premiers albums... sans jamais qu'on ne le voit (ou presque...)!!? C'est fascinant de voir à quel point un bon scénario ET de bons dessins peuvent donner une telle importance à un individu qui, somme toute, est presque invisible. Comme quoi l'impact d'un personnage est loin d'être tributaire du nombre de fois qu'il apparaît dans un récit!!
- plusieurs bonnes répliques acidulées ou bien dirigées. J'ai particulièrement aimé celle de Mlle Ferouz, à la p.34 du 2e tome, quand elle rabroue le pauvre Koda d'un sec : «Restez avec nous, Koda! Si le lyrisme vous tente, attendez de vous retrouver seul dans votre chambre. Ici, il n'impressionne guère.» C'était exactement ce que j'aurais voulu lui répondre, à ce moment-là!! ;^)
- la très belle dédicace que monsieur Grenson a eu la gentillesse de me faire dans mon tome #3 : un Niklos tout en finesse, au feutre fin. Quel regard!! ;^)
- la profondeur psychologique des personnages. À quelques reprises, on sent que les personnages récurrents ne sont pas monocouches. Par exemple, on apprend au début du tome #3 que Niklos s'intéresse à un mystérieux dossier dont on l'avait expressément écarté, le dossier Valentina Souleva... Plus tard, on apprend qu'il serait en lien avec... sa fille!?! Ce petit secret, à peine soulevé, établi manifestement les bases du prochain diptyque (tomes #4 et 5). De même, Aïcha Ferouz, la belle supérieure directe de Niklos étale quelques petites faiblesses dans tout le tome #3. On la sent nerveuse, le meurtre de son frère la rend plus vulnérable qu'elle ne veut le laisser paraître. Toutes ces failles, délicatement suggérées, enrichissent grandement ces personnages et contribuent à nous les rendre plus réels.
Ce qui m'a le plus agacé :
- quelques petites incongruités dans l'intrigue du premier diptyque. Bon, ça reste un récit d'une complexité assez élevée (voir le boulet suivant), et je me suis souvent perdu dans des histoires pas mal plus simples (;^S)... Donc, il se peut que j'aie raté ou mal interprété certains détails. Mais toute la résolution finale repose sur la fameuse boîte du sorcier, rendue entre les mains de madame Chéron, via Serge Morel, via Solange Moreau... Pourquoi la gentille infirmière aurait-elle dérobé la fameuse boîte contenant les papiers si vitaux pour Barrio Jésus? Elle n'avait aucune raison valable d'agir de la sorte!?? Et comment a-t-elle pu s'y prendre, connaissant l'ampleur des pouvoirs de ce puissant sorcier, qui voit tout et sait tout?! Plus tard (p.43 et suivantes), comment se fait-il que Niklos arrive si en avance sur Barrio, à la maison des Fendwik?? Le sorcier avait oublié l'adresse de sa dulcinée? Difficile à croire, compte-tenu de la puissance de l'amour qu'il lui vouait! Dommage que des détails aussi importants viennent ternir la résolution d'un récit aussi intéressant! :^(
- la complexité relative des intrigues, justement, et le grand nombre de personnages. Ces deux récits abordent (accessoirement, heureusement!) des concepts commerciaux qui sont très loin de moi, de mes expériences et de mes intérêts. Tous ces jeux d'alliances financières, de fusions, de consultants, de rapports favorables ou de signatures de contrats me perdent facilement. Ça a un peu été le cas, dans le 3e tome, alors que des écolos radicaux éliminent des consultants travaillant pour des contracteurs véreux... mais aussi d'autres écolos, pour s'assurer de leur silence?!?! Pas si évident de comprendre clairement qui travaille pour le compte de qui... surtout qu'il y en a toujours deux ou trois qui ont des agendas cachés!! :^S J'ai, je crois, fini par tout comprendre... mais il m'a fallu être très vigilant... Conseil à mes confrères de la Fraternité des Facilement Perdus Anonymes : prenez en note les noms et fonctions de chacun des personnages, sur une petite feuille, à part, et référez-vous y!! C'est la meilleure façon de ne pas trop confondre les nombreux intervenants... et d'apprécier votre lecture à son plein potentiel!! ;^)
- quelques erreurs visuelles. Olivier Grenson n'en était pas à ses débuts, en 1999, quand il a commencé ces Niklos Koda... mais il était beaucoup moins expérimenté qu'aujourd'hui. Son style, qui rappelle parfois Tito, parfois Servais, était déjà très solide... mais quelques maladresses se sont quand même glissées dans ces premiers tomes. D'abord, certains visages sont moins réussis. Le cas qui m'est apparu le plus flagrant, c'est celui de Laetitia Fendwik, à la p.44 du tome #2 : ne trouvez-vous pas que la 6e vignette semble toute étirée?! Puis, j'ai déniché une coquille visuelle : dans le tome #3, les cuves de teinture des p.10 et 11 ne correspondent plus!! À la p.10, il y a une série de bassins qui séparent les malfrats des cuves blanches... À la p.11, cette série de bassins est maintenant triple... comme par hasard!! ;^) Ensuite, remarquez à quel point l'ombre de Niklos, à la 3e case de la p.23 (toujours dans le tome #3) est totalement impossible!! ;^O Et finalement, je ne comprends pas trop pourquoi on nous présente une vignette inversée, à la p.46 du 3e tome : Quand Niklos enflamme son adversaire, l'onomatopée WOOOOOFF est littéralement inscrite à l'envers, comme si elle devait être lue via un miroir!!?... Ça me laisse croire que ce dessin a été fait originalement dans un sens, mais qu'il a été décidé d'ensuite l'inverser, pour une raison de fluidité... Il aurait été bien d'inverser l'onomatopée!?
- le caractère plus traditionnel de l'aventure du tome #3. Même si le récit est assez bien ficelé, et que j'ai aimé découvrir les environs de Marrakesh et ses problèmes, je trouve que le fantastique qui faisait le sel du premier récit manque beaucoup. Je peux comprendre qu'un scénariste peut vouloir faire vivre à son héros différents genres d'aventures, mais il est un peu tôt, il me semble, au troisième album, pour presque complètement éclipser l'ésotérisme d'une série qui se démarque justement à cause de la présence de fantastique!! :^( Ceci dit, le récit est bien : c'est juste qu'il est plus de l'ordre de l'aventure policière classique, donc moins détonnant.
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