#01- MINUSCULE
Scénariste(s) : Takuto KASHIKI
Dessinateur(s) : Takuto KASHIKI
Éditions : Komikku
Collection : X
Série : Minuscule
Année : 2013 Nb. pages : 210
Style(s) narratif(s) : Courts récits (Manga)
Genre(s) : Aventure fantaisiste, Quotidien, Humour tendre, Héros animalier
Appréciation : 4 / 6
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Qui a dit que le soft kawaii ne pouvait pas faire dans la splendeur?
Écrit le lundi 09 octobre 2023 par PG Luneau
Tomes lus : #01, #02 (2014, 196 p.) & #03 (2015, 196 p.)
C'est quoi?
De toutes les époques, il y a eu des petits êtres, hauts comme trois pommes, pour faire rêver les jeunes. Des Lilliputiens de Gulliver à Tom Pouce, en passant par les Poucetofs de mon enfance, les Minipouss ou les incontournables Schtroumpfs de Peyo, les auteurs pour la jeunesse ont souvent utilisé cette espèce de mythe universel pour titiller l'imagination des jeunes lecteurs.
Takuto Kashiki s'y est mis aussi, en créant le manga Minuscule, qui met en vedette des petits personnages de quelques centimètres de haut, amis des bêtes et vivant dans une forêt, non loin d'un petit village de bord de mer.
Nous suivons ainsi le quotidien bucolique de deux amies, Mikochi et Hakumei, qui vivent ensemble dans un tronc d'arbre aménagé en jolie maisonnette forestière. La première est plutôt discrète. Elle préfère rester à la maison et s'occuper des tâches domestiques, avec une préférence marquée pour la cuisine et la couture, où elle excelle. La seconde est beaucoup plus téméraire et dégourdie. Elle travaille pour une équipe de réfection des bâtiments endommagés, et n'hésite pas une seconde à partir à l'aventure dans la forêt.
Au fil des tomes, on découvre lentement leur petit environnement. On fait, par exemple, la connaissance d'une chanteuse un peu diva (à qui Mikochi peut facilement faire de l'ombre tant elle a une belle voix, elle aussi!), une architecte un peu magicienne qui peut animer les squelettes d'animaux qu'elle trouve dans la nature, une grande belette qui travaille de pair avec Hakumei, etc. On visite la forêt (où on retrouve, notamment, le salon de coiffure de Jada... logé dans une coquille d'œuf !?), puis différents quartiers de la petite ville de Makinata. Partout, mulots, tortues, campagnols, grenouilles, hamsters, sauterelles et scarabées anthropomorphes côtoient les Minuscules, dans la plus parfaite harmonie. Ensemble, tout ce petit monde vit des jours tranquilles, où les «bouleversements» sont de l'ordre du quotidien, presque du banal : on ne retrouve plus son chemin lors d'une promenade, on répare un moulin, on doit teindre un tissu pour en faire une robe. Et les rares fois où l'action se fait un peu plus mouvementée, comme quand la résidence des deux amies explose ou que leur amie Konju se fait enlever, tout se résout toujours dans une apaisante simplicité. Bref, cette série, c'est de la bienveillance en feuilles!
C'est comment?
D'abord, précisons que les dessins de Takuto Kashiki sont tellement splendides, sur les couvertures, que j'ai fait exprès pour retarder ma lecture de cette série, question de laisser grandir le désir que j'avais de la lire! Les paysages forestiers sont d'une richesse à couper le souffle, touffus et fournis comme seule une forêt peut l'être! Et l'artiste chargé(e?) de coloriser ces couvertures est un(e?) virtuose, sachant amalgamer des dizaines de nuances de vert! Mais les décors urbains et les intérieurs ne sont pas en reste non plus! Le dessinateur est toujours d'une générosité extrême, ajoutant des tonnes et des tonnes de petits détails, peu importe l'environnement où se trouvent ses personnages. J'avais vraiment très hâte de plonger dans les récits, qui me semblaient d'une douceur charmante.
De fait, j'ai été servi : c'est terriblement doux, excessivement charmant, incroyablement apaisant, d'une zénitude sans bornes... À la limite, ça pourrait même passer pour fade! Mais le charme opère, on s'attache aux gentilles protagonistes et à leurs amis. On s'étonne de leur mode de vie rustique que la technologie n'a pas encore perverti, sinon via un appareil photo accordéon sur trépied!
Bref, c'est avec un doux sourire aux lèvres qu'on suit ces deux mignonnes petites héroïnes dans leurs (micro-)aventures, dans des péripéties qui ne feraient pas sourciller l'échelle de Richter d'un iota! Si vous recherchez une lecture relaxante, qui réchauffe tout simplement l'âme, plongez-vous dans Minuscule (...mais, au fait : pourquoi avoir mis le titre au singulier ?? ;^S)
Mes bémols
- l'absence de couleur. Le dessin, bien que sublime, est tellement chargé qu'il est souvent difficile d'en comprendre tous les détails. La couleur permet de beaucoup mieux saisir toute leur richesse: les couvertures, qui sont à faire rêver, nous le démontrent bien! Malheureusement, les pages intérieures ne bénéficient pas du traitement de colorisation!:^(
- le public cible !? Tout au long de ma lecture, je me suis demandé à qui s'adressaient ces récits. Compte tenu des dessins, des thèmes doux et gentillets, du contexte bucolique et animalier, je pensais aux jeunes de 7 à 9 ans... Mais deux éléments viennent compliquer les choses. D'abord, le vocabulaire utilisé. Bien sûr, certains concepts typiquement japonais risquent de complexifier la compréhension des jeunes lecteurs (comme le thé de Sorgho). Mais, dans ces cas, le contexte vient généralement pallier à l'ignorance du lecteur. Par contre, certains mots ou expressions sont carrément pour lecteurs aguerris, pour ne pas dire adultes! Si très peu de jeunes savent ce qu'est un pickpocket, par exemple, je suis absolument convaincu qu'AUCUN ne sait ce que sont un esthète, une personne repue, une affûtrice ou des heures ouvrées !? Le second point, c'est l'omniprésence de l'alcool (parfois accompagné de cigarettes ou de pipes). Ces petits personnages s'avèrent TRÈS portés sur la boisson! L'eau-de-vie de mûres, la bière, le saké et les alcools de toutes sortes coulent à flot! Même que Mikochi se plaint de l'absence d'alcool, lors d'un repas! Ça fait vraiment curieux, dans un livre jeunesse! Donc, à qui s'adresse réellement cette série? Je dirais aux 7 à 10 ans, mais accompagnés...
- le manque de réalisme dans la relativité des tailles... On nous dit, en 4e de couverture du premier tome, que les Minuscules mesurent 9 cm... mais quand Mikochi et Hakumei se retrouvent aux côtés d'un scarabée, celui-ci semble avoir la taille d'un cheval... et même si les scarabées sont de très gros insectes, je ne crois pas que ceux qui mesurent 7 ou 8 cm de haut sont légion! Le problème serait peut-être que le 9 cm annoncé est exagéré? Mais quand on se retrouve avec un Minuscule près d'un furet, ou d'un campagnol, la mesure semble bonne! De plus, quand on voit la taille des abeilles versus celle des blaireaux, on sent bien que quelque chose cloche! Bref, disons plutôt que les Minuscules sont... minuscules, et que leur taille ainsi que celles de leurs acolytes fluctuent au gré des besoins du dessinateur! ;^D
- une légère fadeur dans les scénarii, même quand le scénariste s'aventure dans un récit plus long. J'avoue avoir été un tantinet déçu par la légèreté des récits. De manière générale, ça manque un peu de punch. C'est tellement gentillet tout plein, que ça frôle parfois la mièvrerie. Oh! J'ai quand même adoré me plonger dans le quotidien de Mikochi et Hikumei: la zénitude qu'on en retire est apaisante. Mais même lorsque des actions plus exaltantes surviennent (comme dans le plus long récit de l'enlèvement de la diva Konju), on dirait que le caractère débonnaire et positif des personnages fait en sorte que tout se résout sans réel éclat. Bref, j'aurais souhaité juste un petit peu plus de «Oumpf!», à l'occasion.
Les plus grandes forces de cette BD
- le dessin, absolument magnifique. C'est, et de loin, le manga au dessin le plus recherché et abouti qu'il m'ait été donné de voir. La moindre vignette regorge de tonnes de petits détails et on évite de faire comme certaines séries (je songe notamment à Mashle), qui nous inondent de gros plans ou de plans rapprochés dans le seul but de ne pas avoir à dessiner de décor! Ici, la forêt est luxuriante, la ville est habitée, les bâtiments sont empilés les uns sur les autres... Il y a vraiment de quoi à voir partout, toujours, en grande quantité... Et c'est encore plus splendide quand c'est en double page! (Mais ce serait TELLEMENT magnifié si c'était tout en couleurs. Snif!:^(
- la thématique du miniature. Le fait que les personnages soient tous tout petits permet presque toujours des situations amusantes ou qui font rêver! Par exemple, j'ai adoré quand Hikumei a coupé un bleuet (pardon: une myrtille!) en quartiers pour le partager avec ses amies! Que ces personnages doivent couper en six ce qu'on s'engouffre par poignées dans la bouche, ça nous donne un bel exemple de la différence d'échelle entre leur vie et la nôtre! ;^) Cet écart de proportions (bien exploité, aussi, dans la série les Légendes de la Garde), est vraiment réjouissant.
- les extraits du petit journal local. C'est la façon qu'a trouvé M. Kashiki pour séparer ses chapitres: une découpure de journal, avec un article qui revient sur l'événement du chapitre ou sur l'un de ses principaux protagonistes. C'est sympa, et ajoute à la cohérence de tout ce petit monde forestier.
Le petit plus
J'ai décelé trois coquilles. Deux sont sans trop de conséquence. D'abord, l'accent erroné sur le mot papèterie (à la p.31 du tome #1). Puis, dans le tome #2, à la p.32 : Hikumei annonce à Mikochi qu'elle a croisé des vaches, et l'autre de lui répondre : «Je n'ai jamais vu de A de ma vie.» La troisième est plus grivoise !?? En effet, en levant son verre, dans le 3e tome (p.126), un des personnages lance un «On trique!» (sic!) bien senti, au lieu du «On trinque!» attendu. Heureusement, il y a peu de chance que le jeune lectorat connaisse le sens de ce terme argotique! ;^D
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