#01- L'HÉRITIER DE L'INCA
Scénariste(s) : Roland Goossens dit GOS
Dessinateur(s) : Roland Goossens dit GOS
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Khéna et le Scrameustache
Année : 1972 Nb. pages : 46
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Héros animalier, S.F. humoristique
Appréciation : 4.5 / 6
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Que diriez-vous d'apprendre qui vous êtes réellement de la bouche d'un extraterrestre?
Écrit le vendredi 15 avril 2011 par PG Luneau
Je suis un puriste. C’est pourquoi je classe cette série sous son nom d’origine : Khéna et le Scrameustache, et non pas sous le nom plus simpliste que Gos a décidé de lui donner à partir du tome #7, c'est-à-dire le Scrameustache. Je comprends que l’auteur a découvert le potentiel narratif des Galaxiens, et qu’il a voulu détourner le focus de sur Khéna, plus humain donc plus ordinaire (en effet, je crois que ce dernier n’apparaît même pas dans certains tomes!!). Mais j’ai connu cette série, étant jeune, sous cet épithète, et je trouve que c’est dénigrer l’importance de ce charmant Khéna que de ne plus parler que du Scrameustache, qui s’est arrogé le titre de héros principal un peu facilement! Par ailleurs, si j’avais besoin d’une autre raison, les BD classées sous l’onglet K sont bien plus rares que celles classées sous la lettre S. Donc, je vous présente KHÉNA et le Scrameustache!
Mais qui sont-ils donc, ces Khéna et Scrameustache?? Un duo comique bulgare? La question se pose, surtout si vous n’êtes pas un bédéphile averti!! À la seule lecture de ce premier tome, il faut avouer que nous avons une réponse assez partielle à cette question!? En effet, on y apprend d’abord que si Khéna, un garçon de 11 ou 12 ans, vit maintenant en France avec son «oncle» Georges, l’homme qui l’a adopté, il a d’abord été retrouvé dans les décombres d’un village péruvien, après un tremblement de terre, alors qu’il était bébé. Seul indice pour l’identifier : un médaillon doré avec une inscription dans une langue étrange! Quand on sait que c’était dans les environs de Nazca, une zone fréquentée par les extraterrestres depuis de nombreuses dizaines d’années, on est en droit de penser que l’origine exacte du gentil garçon nous réservera probablement encore quelques surprises!
Pour ce qui est du Scrameustache, c’est tout aussi partiel! Cette bestiole, qui tient apparemment beaucoup du singe (il est quadrumane – et quand même assez optimiste! ;-) et du chat (par son visage félin et ses vibrisses), se catégorise elle-même d’animal doué qui a été dressé pour explorer l’espace à bord d’un vaisseau!! Mais pour le compte de qui? Et dans quel but? Mystère, jusqu’ici!
Nous assistons néanmoins à la rencontre tout à fait fortuite de ces deux personnages… qui sauront devenir très proche au fil des épisodes. Peut-être parce que le médaillon de Khéna (qui n’est d’ailleurs pas son vrai médaillon, ce qui deviendra l’un des déclencheurs de toute l’aventure) n’est pas étranger au Scrameustache! Dans un récit enlevant, qui laisse une vaste part à l’humour et à l’aventure, Gos met en place un univers de S.F. tout ce qu’il y a de plus efficace et de plus fidèle aux classiques de la BD franco-belge. Comme c’est souvent le cas pour les premiers tomes de série, c’est assez verbeux, car l’auteur veut en expliquer beaucoup. En ce sens, ça me rappelle le tout premier album de la série des 4 as, les 4 as et le serpent de mer. En effet, ces deux albums sont des tomes #1 qui offrent une histoire très solide et palpitante… mais avec des dessins un peu maladroits et des phylactères touffus à souhait !!
Mais quel plaisir j’ai ressenti en me replongeant dans cet album que j’avais déjà lu il y a plus de trente ans!! J’ai tellement apprécié ma lecture que je crois que je vais profiter du beau temps qui s’en vient et de l’été pour défiler toute la série… et vous la commenter, il va sans dire!! Il y a longtemps que je désire me plonger dans une série jeunesse de longue haleine, c’est avec celle-ci que je tenterai le coup! Je serai à même de constater si mon intuition est fondée, moi qui ai l’impression que les derniers tomes, entièrement créés par le fils de Gos, sont beaucoup moins intéressants que les premiers. À moins que ce ne soit que ma forte propension à la nostalgie qui me pousse à croire ça? L’avenir nous le dira, en autant que je tienne parole et que je me tape les… 40 (!!!) tomes qui composent actuellement la série!
Plus grandes forces de cette BD :
- les nombreux rebondissements. Le scénario est vivant, ça bouge de tous côtés! Chaque planche nous réserve une blague, un nouvel événement ou une surprenante révélation, c’est un feu roulant fort agréable!
- les très nombreuses chutes de fin de planche. On voit que Gos a été à la bonne école, et qu’il était publié dans le magazine Spirou : comme toutes les séries qui y paraissaient en feuilletons, il fallait que des «punchs» suscitent l’intérêt des lecteurs et leur donnent le goût soit de tourner la page, soit d’acheter le numéro suivant pour enfin savoir ce qui allait se passer! Ça demande une créativité et une intelligence du récit très solide pour y parvenir sans que ça fasse trop forcé!
- les clins d’œil, aux pages 12, 25 et 26. Sur les murs pentus de la chambre de Khéna, on retrouve des posters des personnages de Gil Jourdan, des Schtroumpfs et de Boule et Bill! Évidemment, ces héros étaient les œuvres de Tillieux, Peyo et Roba, tous compagnons de studio de Gos! D’ailleurs, les styles graphiques de tous ces dessinateurs sont quasiment calqués les uns sur les autres! Si vous comparez le visage de Khéna à celui de Jourdan lui-même ou d’un Schtroumpf, vous constaterez qu’ils ont tous le même faciès : c’est notable surtout au niveau du petit nez rond et des yeux. Et si vous le comparez au visage du père de Boule, alors là, c’est d’autant plus flagrant que les deux personnages ont presque la même coupe de cheveux. L’un semble être le portrait vivant de l’autre dans son jeune temps!
- le mystère entretenu sur la naissance de Khéna. D’abord, il y a cette histoire sur ses origines péruviennes, puis sur son adoption par l’oncle Georges… Ensuite, il y a l’intrigant médaillon aux inscriptions étranges, qu’il porte au cou depuis toujours... Puis, cette affaire du rayon paralysant qui ne fonctionne pas sur lui!?! Qu’a-t-il donc de spécial, ce jeune homme, pour ne pas être incommodé par le puissant laser de Tobor, le robot de garde du Scrameustache? C’est louche, tout ça. On comprend que ce dernier veuille enquêter sur cet étrange cas!
Ce qui m’a le plus agacé :
- certaines couleurs inappropriées. À commencer par le bleu poudre de la couverture!! Quelle horreur! Un si beau dessin, totalement desservi par un arrière-fond si laid!! De plus, une petite erreur de coloration à la page 11 (mais je chipote, là, me dira Yaneck!) : alors que l’oncle Georges est statufié par le rayon de Tobor et qu’il devrait être tout en sel, la 6e vignette nous le montre tout blanc… mais avec sa barbe et sa chevelure blonde!! Malheureux petit détail, mais qui donne une impression de manque de professionnalisme!
- le dessin de Gos, qui est encore un peu fluctuant. Ainsi, l’oncle Georges de la page 4 et celui de la page 11 sont déjà fort différents, le premier étant plus rond et moins étiré que le second. Il me semble que ce genre d’évolution graphique ne devrait pas se voir à l’intérieur d’un même album! Le dessinateur devrait s’être exercé suffisamment, à l’aide de croquis, avant de plonger. Il devrait être en mesure de dessiner tout son petit monde d’une manière uniforme avant de passer à l’étape de l’édition.
- le côté peut-être un peu trop verbeux du scénario. Les passages informatifs sont concentrés, ce qui fait que les scènes d’action sont souvent entrecoupées de dialogues très touffus où les vignettes doivent laisser une place prépondérante aux phylactères ou aux encadrés narratifs!
- l’âge de Khéna! Depuis que je suis jeune, j’ai toujours cru que Khéna était un jeune adulte, début vingtaine, qui avait adopté le Scrameustache. D’ailleurs, si vous regardez sur la couverture, il en a l’allure et la dégaine. Mais voilà que dans ce tome (le premier, rappelons-le), on nous apprend que son adoption par l’oncle Georges remonte à huit ans plus tôt… et qu’il était alors un grand bébé qui ne parlait même pas! Sur la vignette correspondante, il semble avoir deux ou trois ans, maximum quatre… Ça voudrait dire que notre nouvel ami a dix ou onze ans, douze maximum!?! C’est quasiment incroyable, surtout qu’il fait toujours preuve d’une sagesse et d’une intelligence bien supérieures à la moyenne de celles des gens de 22 ou 24 ans!!
- quelques maladresses dans la présentation des personnages péruviens. Leurs noms, déjà complexes et difficiles à mémoriser, nous sont révélés dans un ordre assez étrange. On est en présence de personnages dont on ne connaîtra le nom qu’une dizaine de pages plus loin, alors qu’on nous donne le nom de plusieurs personnages importants qu’on ne verra pas avant deux ou trois pages. De plus, quand ces derniers arriveront, ce sera sans qu’on nous les ait mis en contexte, ni qu’on ait fait le lien avec les noms qu’on connaissait déjà. Bref, j’ai dû relire les pages 29 et 30 plusieurs fois, et ce n’est que vers la page 40 que tout s’est finalement mise en place. Il aurait pourtant été facile (et aidant!) de procéder autrement.
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