LES FLAMMES DE L'ARCHANGE
Scénariste(s) : Armand GUÉRIN, Fabien LACAF
Dessinateur(s) : Fabien LACAF
Éditions : Glénat
Collection : X
Série : Flammes de l'archange
Année : 2009 Nb. pages : 98
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Historique ésotérique
Appréciation : 3.5 / 6
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Magouilles au mont Saint-Michel
Écrit le mardi 12 avril 2011 par PG Luneau
Si vous avez aimé, comme moi, le Nom de la rose, ce roman d’Umberto Eco devenu best-seller dans les années 80, dont Jean-Jacques Arnaud a fait un excellent film avec Sean Connery, vous apprécierez aussi les Flammes de l’archange, un one shot signé Guérin et Lacaf. En effet, on y retrouve la même atmosphère de suspicion sur fond d’huis-clos monastique mais, cette fois-ci, transposée dans le cadre fabuleux de la fameuse abbaye du Mont-Saint-Michel!
Nous sommes en 1508, et les travaux de reconstruction du chœur de l’église stagnent depuis le décès accidentel du principal maître d’œuvre. Hors, le bienveillant Tiburce de Trévezel a eu vent de l’affaire et arrive à l’abbaye pour offrir ses précieux services de grand bâtisseur. Les moines sont ravis de cette arrivée inespérée, qui mettra un peu d’ordre dans le fouillis qu’est devenu le chantier! Bien vite, toutefois, on constatera que ce Tiburce a des agissements étranges : il se montre particulièrement curieux, veut fouiller dans tous les recoins et cherche avec insistance à attraper le Lézard, ce jeune orphelin qui court impunément sur les toits, entre les innombrables tourelles de l’abbaye! Une faction des moines, appelée les Vigiles, commence à craindre ce généreux visiteur et se demande quel peut bien être son agenda caché!
Pour notre part, on apprend vite que le moine en question est encore très attaché aux croyances antiques, celles qui vénéraient les dieux celtes Tanaris, Lug, Belenos, Dagda ou Ésus… S’il fouille avec tant d’insistance, c’est qu’il veut retrouver le trésor celte que les soldats et les missionnaires catholiques se sont arrogé lors de l’évangélisation de la région et qu’ils auraient rassemblé au mont Saint-Michel! C’est pourquoi ce Tiburce s’entoure d’une «équipe» polyvalente qui lui sera très utile. Elle sera composée de Josquin, le jeune moine convers qu’on lui a attribué à son arrivée, de Jehan, capitaine de la garde du Mont-Saint-Michel, avec qui il a une bonne relation (et à qui il doit la vie!), et de Guillemine, une énergique capitaine (!!) de navire au caractère bien trempé et à l’esprit aventureux. Assisté de ces précieux alliés, Tiburce de Trévezel parviendra-t-il à éviter tous les pièges que les Vigiles lui tendront? Réussira-t-il à remettre la main sur le trésor des Celtes?
Chose certaine, il aura du pain sur la planche, le pauvre bougre! En effet, les auteurs, messieurs Guérin et Lacaf, ne lui épargnent rien, à ce vieillard (qui tient plus du druide que du moine, en fait)! Dans ce long récit de 98 pages, on assiste à maintes et maintes cascades dignes de James Bond lui-même! Mais, tout comme chez 007, on a aussi droit à maintes exagérations! Certaines prouesses athlétiques, au lieu de m’impressionner, m’ont plutôt paru un peu trop abracadabrantes pour être crédibles. Mais qu’à cela ne tienne! On les accepte d’Hollywood, pourquoi ne les prendrait-on pas avec le même grain de sel lorsqu’elles se retrouvent dans un récit d’aventure médiévale, au subtil soupçon d’ésotérisme?
Au premier coup d’œil, on voit tout de suite que Fabien Lacaf est un dessinateur spécialisé dans l’illustration historique. On ressent immédiatement le souci du détail dans les architectures, les vêtements, les objets, etc. Et Dieu sait que des détails architecturaux, il y en a un et puis un autre quand on veut dessiner la très justement célèbre abbaye du Mont-Saint-Michel!! Toutefois, Lacaf m’apparaît beaucoup moins doué quand vient le temps de dessiner des personnages ou des visages. C’est gênant à dire, mais il y a plusieurs de ses personnages principaux que je n’arrivais tout simplement pas à identifier et que je prenais pour un nouveau personnage à chacune de leurs apparitions!! C’est le cas, par-exemple, dans le bas de la page 23. Même avec le recul, je n’arrive pas à me convaincre qu’il s’agit là d’une représentation de Jehan!! Mais si ce n’est pas lui, qui est ce mystérieux espion, tapi dans l’ombre?? Non vraiment, ces approximations sont un peu décevantes, visuellement parlant, surtout au milieu de toutes ces splendides fioritures architecturales!!
Le récit et le dessin sont honnêtes, donc, mais sans plus. Je crois néanmoins que tous ceux qui, comme moi, sont passionnés par toute la rusticité du Moyen-âge fermeront plus facilement les yeux sur les petites lacunes que j’ai soulevées, et passeront un bon moment de lecture avec ces Flammes de l’archange. Pour les 12 ans et plus.
Plus grandes forces de cette BD :
- les fabuleux décors que le mont Saint-Michel permet de mettre en place. L’abbaye et la ville entière offrent tant d’angles de vue hallucinants! Surtout que les travaux de réfection, en hauteur, nous permettent d’avoir une vision en plongée sur les nombreuses terrasses, sur les toits, sur les falaises et sur la mer. Lacaf a au moins le mérite de se débrouiller assez bien avec l’architecture!...
- le contexte médiéval, et le fait que le tout se déroule en un site que je rêve de visiter depuis si longtemps. Les décors me rappellent l’ambiance de certains jeux de rôle historiques auxquels j’ai déjà joués, ou encore les très nombreux monastères que j’ai pris plaisir à visiter, en France, en Espagne ou au Portugal… Rien de mieux, il me semble, qu’un lieu relativement clos comme une abbaye pour instaurer une intrigue : la promiscuité, la réclusion, les innombrables recoins, l’éclairage souvent faible et l’humidité omniprésente entre ces grosses pierres sont propices aux mystères de ce genre, non?
- l’intrigue. Tout au long du récit, j’ai cherché les indices avec Tiburce, j’ai espéré, comme lui, qu’il progressait dans sa recherche… Les pièges dans lesquels il tombe et les revirements de situations ajoutent beaucoup de piquant au récit, et m’ont assez allumé pour me permettre de rester intrigué et mobilisé jusqu’à la fin.
- le personnage du vieux moine fou. Il est hallucinant! Dommage, cependant, que Lacaf n’arrive pas à le dessiner mieux que ça! Heureusement, il est tellement typé, avec son air ahuri et sa tête d’électrocuté, qu’on le reconnaît, bien évidemment… mais ce n’est pas parce qu’il est toujours ressemblant!
- quelques intéressantes mises en pages particulières. Je pense ici aux quelques pleines pages narratives ou aux doubles pages décoratives (les pages 39 à 43, 46 et 47 ou 76 et 77).
- la longueur du récit. Avec ses 98 pages (!!), cette histoire frôle presque le roman graphique! Ça permet aux auteurs de prendre le temps de placer leurs pions, de mettre en place leur intrigue et de laisser aller les choses, ce qui n’est somme toute pas si fréquent en BD!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le dessin de Lacaf, pas encore tout à fait maîtrisé pour ce qui est des visages et des personnages. Il me semble qu’il abuse des lignes, que ce soit pour les cheveux, les rides ou les replis cutanés! C’est vraiment à une orgie de bariolures qu’on a droit, parfois, et l’encrage est à l’avenant, un peu trop prononcé : cela durcit tous les traits.
- les trop nombreuses cascades impossibles. Déjà, un vieillard qui court sur les toits et qui descend les murailles les deux doigts dans le nez avec une corde, ça pousse un peu fort! Mais quand il remonte ces mêmes murailles, tout aussi facilement, à la seule force de ses avant-bras, en se hissant à l’aide de ses deux dagues qu’il utilise comme crampons en les plantant, à chaque «avancée», dans les joints entre les briques… à presque 300 mètres d’altitude!?! Holà, capitaine!! On aime l’aventure, mais on n’est pas dupes pour autant… Évidemment, le cinéma américain nous sert ce genre d’exagérations ad nauseam… mais ce n’est pas une raison pour les cautionner!!
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