#04- LE TOTEM DE L'ESPACE
Scénariste(s) : Roland Goossens dit GOS
Dessinateur(s) : Roland Goossens dit GOS
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Khéna et le Scrameustache
Année : 1975 Nb. pages : 46
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Héros animalier, S.F. humoristique
Appréciation : 4 / 6
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le Scrameustache dans nos Laurentides!?!?
Écrit le mercredi 01 juin 2011 par PG Luneau
Eh oui, vous avez bien lu!! Gos nous fait l’insigne honneur de situer un de ses récits au Québec!!! C’est tout ému de retrouver nos paysages et nos compatriotes dans une BD grand public à fort tirage que j’ai débuté ma lecture du quatrième tome des aventures de Khéna et le Scrameustache!!
Alors que Georges Caillau est invité à participer à un congrès de géologues qui se tient au Québec (chic chic!!), Khéna et le Scrameustache découvrent qu’un mystérieux vaisseau spatial fonce vers la Terre. Après de savants calculs, nos deux amis constatent que ledit vaisseau devrait atterrir… au Québec!!! Quel hasard !! (Ici, vous êtes en droit de percevoir mes toussotements sarcastiques!) Il n’en fallait pas plus pour que le duo bien connu accompagne l’Oncle Georges dans son périple! Une fois chez Martin et Janette Paradis, des amis d’Oncle Georges qui l’ont invité à loger dans leur jolie maison de campagne, tout ce beau monde assiste à l’atterrissage du vaisseau en question. Celui-ci, comme commandé à distance, a tôt fait de planter un étrange totem aux rayons destructeurs et de téléporter des créatures et des machines envahissantes qui semblent vouloir imposer leur présence ou, même, envahir tout bonnement notre planète! Nos héros sauront-ils intervenir à temps afin de contrecarrer les plans de ces envahisseurs??
On constatera qu’encore une fois, le récit s’écarte de la trame directrice des tomes 1 et 3, soit l’intrigue sur l’origine de Khéna… Ai-je autant apprécié, ou pas, comme ce fut le cas pour le tome #2 ? Voyez plutôt :
D’abord : était-ce vraiment nécessaire que le récit se passe au Québec? Malheureusement pas! En fait, cette histoire n’a absolument rien de spécifique à notre coin de pays, sauf peut-être quelques expressions québécoises plus ou moins judicieuses! Au final, on aurait tout aussi bien pu être en Suisse, en Australie ou au Nicaragua que ça n’aurait absolument rien changé!! Oui, notre belle forêt laurentienne sert de décor, mais de décor parfaitement accessoire ou interchangeable, et ça, ça a un peu «pété ma balloune», comme on dit chez-nous… D’autant plus que le récit est, encore une fois, un peu décevant.
Après une mise en place assez efficace, qui intrigue en développant des concepts intéressants (sur les totems de la Côte ouest, sur l’invisibilité temporaire, sur des entités énergétiques à la recherche de créatures à parasiter, etc.), on tombe, à partir du milieu de l’album, dans une suite de captures et de libérations un peu répétitives, avec, en guise d’ennemis, deux dinosaures ridicules jouant les Abbott et Costello! Cet enchevêtrement burlesque m’a paru un peu long et, surtout, assez vain! Les méchants sont plus idiots qu’effrayants, et je n’ai pas cru une seule seconde en la possibilité que les «bons» perdent le match! C’est, à mon sens, une très bonne preuve que le récit n’est pas suffisamment bien ficelé.
Je ne lui accorderais qu’un petit 3,5… mais comme nos héros côtoient notre sol québécois, et que j’ai encore foi en l’univers mis en place par Gos depuis le début de sa série, je monte ma note, généreusement et de manière tout à fait chauvine, à 4 ! Mais je commence à grandement espérer que les scénarii se ressaisissent et s’étoffent un peu plus : si rien ne change, ma générosité ne tiendra certainement pas jusqu’au tome #40!!
Plus grandes forces de cette BD :
- une représentation pas trop folklorique du Québec!! Quelle gentillesse de la part de Gos de nous faire cette fleur et de situer son aventure ici!! Et en région campagnarde, en plus! C’est très joli, le petit coin de paradis du couple du même nom!! J’espère juste que Gos savait pertinemment qu’il existait aussi un Québec urbain et très moderne !? Et dommage que l’auteur n’ait pas exploité plus à fond les particularités de nos modes de vie, de notre environnement ou de notre culture! Tout de même, Martin et Janette Paradis sont bien sympathiques, et certaines de leurs expressions sont bien typiques («Fatigue-toi pas!» à la p.7, «Niaiseux!» aux p. 8 et 10, «coincé à mort» à la page 12, l’«endormitoire» de la page 33 ou «la noirceur qui tombe» de la page 45…). En plus, ils boivent du caribou!! On peut difficilement faire plus québécois!!
- quelques jeux de mots. Gos se risque à faire de l’humour à quelques reprises, et dans le lot, certains liens sont bien amusants, comme cet ours (p.16), baptisé Victor Hugo, que Martin Paradis finit par traiter de misérable… Malheureusement, ces jeux de mots n’abondent vraiment pas!
Ce qui m’a le plus agacé :
- quelques expressions prétendument québécoises. Disons que ça part mal, avec la citation de la page de titre : «Faut point courir dans les mouillures, c’est ben mauvais pour les jarrets!». Non seulement je n’ai jamais entendu cette expression, mais le terme «mouillures» pour parler de flaques d’eau (ou de quoi que ce soit d’autres, d’ailleurs!) n’a jamais effleuré mes oreilles, ni mes yeux, de toute ma vie! Jamais entendu, non plus, les «nuisances» dans le contexte de la page 7, le «défuntiser» de la page 34 ou le «C’est ben bougrant, tout ça!» de la page 36…
- la grosseur des fils blancs qui tiennent l’histoire en place. Non seulement le «vaisseau» qui approche de la Terre semble se diriger au Québec, endroit que l’Oncle Georges s’apprête «justement» à visiter dans le cadre d’un colloque de géologie, mais, EN PLUS, son site d’atterrissage est à cinq minutes de la maison de campagne de l’ami qui s’est proposé pour l’héberger pendant ledit colloque!! Tu parles d’un hasard!! À la superficie totale du Québec, vous imaginez-vous l’infinitésimal pourcentage qu’une telle coïncidence arrive??? Je ne suis pas sûr que Gos l’ait réalisé!!
- encore une fois, la banalité du design extraterrestre. La fusée ennemie (p.11) est d’un ordinaire à grincer des dents, et la forteresse que les Accusmalas commencent à construire est d’une architecture troglodyte plutôt banale, qui rappelle les champignons des Schtroumpfs, le charme en moins! Comme je le disais dans ma critique du tome #3, Gos manque d’originalité. Il aurait dû demander conseils à Roger Leloup, son comparse de studio qui planchait alors (et encore!) sur Yoko Tsuno !
- un certain manque d’originalité dans le choix des péripéties, qui tournent en rond. Jusqu’à la page 20, ce n’est pas trop mal… puis arrive les robots. Ça passe encore. L’attaque du raton-laveur, possédé par les entités extraterrestres, peut encore aller, à la limite… Tobor sauve le Scram et Khéna, tandis que les adultes sont rapetissés (?!?) et mis en boîte dans les robots. Ouf… ça commence à déraper… Mais avec l’arrivée des Accusmalas, à la page 28, c’est la débandade totale! Le Scram va libérer Georges et Martin, alors que les Stix parviennent à s’immiscer dans l’esprit de Khéna, nouvellement réveillé! On se court après, on s’espionne de loin… Ça s’étire, et, encore une fois, on passe à côté de tout le potentiel mis en place!! Quel dommage!
- les ridicules personnages dinosauriens! Que de puérilité! Et ils jouent le duo de la matrone et du fieffé pleutre!! Pourquoi tant de burlesque?? Non seulement ils sont roses, mais la femelle porte un bonnet de bergère!!? C’est d’un ridicule! On pouvait difficilement faire plus enfantin comme «invasion». Et leur nom : les Accusmalas! C’est désolant de dissonnance!
- certains aspects non expliqués. Qu’arrive-t-il des totems de la Côte ouest canadienne? Ont-ils été, eux aussi, envoyés par les Stix? Les Britanno-Colombiens subissent-ils, eux aussi, une invasion de robots et de bêtes Accusmalas? Le récit reste muet sur ce point, et c’est bien dommage : il y aurait eu là moyen de donner un peu plus de crédibilité à toute cette histoire à dormir debout!
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