#01- LA MAIN DE LA SORCIÈRE
Scénariste(s) : Nathan PAGE
Dessinateur(s) : Drew SHANNON
Éditions : la Pastèque
Collection : X
Série : Jumeaux Montaigu
Année : 2021 Nb. pages : 342
Style(s) narratif(s) : Récit complet (Roman graphique)
Genre(s) : Thriller ésotérique, Fantastique mythique, Humour mordant, Aventure policière, Hommage
Appréciation : 5.5 / 6
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Coup de coeur à saveur sixties!
Écrit le mercredi 29 mars 2023 par PG Luneau
Tome lu : #01- la Main de la sorcière
C'est quoi?
La série-télé les Enquêtes de Nancy Drew, débutée il y a quelques années, remettait au goût du jour la populaire série de romans-jeunesse des années 60-70, qu'on avait connue en français sous le titre des Enquêtes d'Alice Roy... mais les scénaristes ont ajouté une forte dose de surnaturel qui n'était pas vraiment dans les romans originaux, plus policiers que fantastiques. Les rares fois où la magie semblait être en cause, Alice et ses amies Bess et Marion finissaient toujours par découvrir le pot aux roses et par capturer le «méchant»...
Dans la nouvelle série de romans graphiques les Jumeaux Montaigu, c'est de l'autre très populaire série de l'époque, soit les Hardy Boys, que MM. Page et Shannon semblent s'être très fortement inspirés, en y ajoutant eux aussi de grosses louches de magie, mais en gardant toute l'esthétique et l'ambiance '60!
Dans ce passionnant premier album, on fait la connaissance de Peter et Alastair Montaigu, deux jumeaux approchant de l'âge adulte et vivant à Port-Hurlus, une petite bourgade maritime de la Nouvelle-Angleterre (fort probablement non loin de Salem!). Orphelins, ils ont été élevés par David et Shelly Faber, de grands amis de leurs défunts parents, avec leur fille Charlie, qui a sensiblement le même âge qu'eux. Lors d'un après-midi à la plage, ces deux jeunes hommes et leur demi-sœur sont témoins d'un étrange phénomène météorologique au-dessus du phare local. Forts de leur récent statut de détectives amateurs émérites, les deux garçons foncent voir ce qui s'y trame, dérangeant ainsi une cérémonie occulte emplie de magie et de mystère.
Mais ne dérange pas impunément les ombres qui veut! D'autant plus que cet étrange événement pousse les gars à s'interroger sur leurs origines... Les Faber n'ont plus le choix que d'expliquer à leurs protégés et à leur fille à quel point leur famille en entier a des accointances avec les puissances inexpliquées!
Mais que vient faire la disparition de la fille du riche notable de la place dans toute cette affaire??! Pete, Al et Charlie, aidés de Rowan, l'assistant de leur père, mettront tout en œuvre pour que les forces qu'ils ont troublées retrouvent leur tranquillité d'esprit (au sens propre!! ;^)... et, peut-être, retrouver la belle Rachel!
C'est comment?
S'il est vrai que j'ai été attiré par le propos dès que j'ai lu le résumé de ce bouquin, en librairie, jamais je ne m'attendais à embarquer autant dans l'histoire! Surtout quand j'ai réalisé que l'aventure policière style Hardy Boys à laquelle je m'attendais prenait des tournures fantastiques majeures! Mais à partir du moment où j'ai compris que toute cette magie était distillée avec intelligence, dans un souci de cohérence, j'ai littéralement DÉVORÉ l'album! Il est vrai que j'étais sous le charme incontournable des jumeaux, touchants, drôles, intrépides et si charismatiques... et ce, malgré la simplicité du trait de Drew Shannon! Car si le dessin reste très ordinaire (correct, mais sans plus... ce qui cadre tout à fait avec l'époque et le style, toutefois!), c'est sans contredit la justesse et l'intelligence du scénario de Nathan Page qui m'ont conquis.
Non, vraiment, que voilà un roman graphique que je recommande en bloc à tous, dès 14 ans. Un coup de cœur comme il y a longtemps que je n'en avais pas eu!
Mes bémols
- la lisibilité des textes. Tout au long de ma lecture, j'ai été agacé par la petitesse des points et des virgules, qui fait en sorte qu'on ne peut les voir, et encore moins les différencier! C'est la première fois de ma vie que je constate de l'importance de la ponctuation à ce point! À de nombreuses reprises, j'ai dû relire les mêmes phrases à deux ou trois reprises pour en valider les différents sens, en fonction de «si tel signe est un point ou s'il est une virgule». Bref, ça a été assez agaçant. Dans le même ordre d'idée, je soulignerais que l'ordre ou le sens de lecture des phylactères est, à quatre ou cinq reprises assez peu évident à comprendre, et que le fait d'écrire le résumé en noir sur fond bourgogne, sur le rabat de la couverture, n'est pas l'idée du siècle. Soyez prévenus, amis lecteurs: assurez-vous d'avoir ET vos meilleures lunettes, ET un éclairage hors-pair!:^(
- une petite erreur que je qualifierais de «coquille graphique». Tout au long de l'album, on revient sur le premier exploit des jumeaux, c'est-à-dire la découverte du petit chien perdu de la nouvelle Mme Bradford, exploit qui leur a valu une photo dans le journal local! Cette photo, on la voit dès la première vignette de l'album... mais le petit chien au museau mince et effilé que l'on y aperçoit (p.5) ne ressemble pas du tout à celui qu'on nous présente à plusieurs reprises par la suite (p.18, 70, 293...) avec ses petits poils barbets qui lui encadrent joliment la gueule. Une coquille, donc, que manifestement personne n'a décelée avant la publication!
Les plus grandes forces de cette BD
- les personnages, foisonnants, à commencer par les deux frères. S'il y a une belle brochette de personnages secondaires (dont les Bradford, père et fille, et quelques policiers, qui s'insèrent en antagonistes, mais aussi le chouette Rowan, ou Mme Faber, camionneuse professionnelle!), ce sont définitivement les jumeaux qui remportent la palme des persos les plus cool du livre! Alastair (le brunet) est le fonceur, le déluré du duo. Il n'a peur de rien et n'hésite pas à mettre sa vie en péril... tout en crânant et en étalant sa supériorité de manière hilarante! Pour sa part, Peter (le blondinet) est un peu plus intérieur, d'une tendre douceur qui plait aux filles... mais ses questionnements sur son orientation sexuelle le travaillent intérieurement, et les manifestations de Stonewall, qui résonnent à la radio, l'obligent à y faire face. Ils forment vraiment une paire soudée, et on sent bien tout l'amour fraternel qu'ils ont l'un pour l'autre. Bravo! Oh! J'allais oublier: j'ajoute un point supplémentaire pour Maurice, le chat des Faber, qui porte... des lunettes??!!?;^D
- la reconstitution des années '60. Disques et choix musicaux, événements et personnalités mentionnés, mentalités, tout y est conforme! De Woodstock en passant par Stonewall et par les premiers pas sur la lune, l'été de 1969 a été, on ne peut le nier, passablement riche en évènements marquants! Les péripéties vécues par les frères Montaigu et leurs proches ne viennent que s'ajouter à cette déjà longue liste...
- la construction narrative... et le grand nombre de pages! On prend le temps d'installer intelligemment les choses, sans se perdre dans aucune fioriture. Ainsi, on peut passer plusieurs pages sur une situation plus intimiste, ce qui nous la fait apprécier encore plus.Mais, on peut aussi se retrouver face à un non-dit mystérieux qui ne trouvera son explication que plusieurs pages plus loin. C'est finement bien construit, tout se tient et se comprend, ce qui n'est pas le cas de tous les récits qui utilisent la magie comme trame de fond! Ici, au final, on comprend la raison de chaque événement, et tout s'emboîte avec brio. Un tour de force: bravo, M. Page!
- la manière dont la magie nous est présentée. Oui, les deux jumeaux trouvent des traces assez classiques de rituels magiques (cercles incantatoires, chandelles, etc.). Mais c'est surtout lorsqu'on apprend que leurs parents adoptifs sont mages eux-mêmes, tout comme l'étaient leurs parents biologiques, que ça commence à prendre une tournure intéressante! De fait, les jumeaux et leur demi-sœur doivent commencer leur formation en magie, et c'est là qu'on est confrontés aux explications données par David, le père, et Rowan, son assistant, sur ce qu'est la magie et comment elle fonctionne. Ces cours «théoriques» confrontent les trois jeunes élèves... et les lecteurs, car ils présentent une vision de la magie à mille lieues des fameuses «boules de feu» qui font tant rêver les joueurs de Donjons et Dragons! Alastair l'apprendra à ses dépens!
- le sarcasme, omniprésent dans les dialogues entre les deux frères, même les plus banals. J'ai rarement eux autant de plaisir en lisant des dialogues dans une BD, vraiment! Et ça m'a confirmé à quel point j'ai un penchant pour ce type d'humour bien mordant!
Le petit plus
- voilà qu'on annonce la parution du tome #2 en français, toujours chez La Pastèque, pour cet été. La couverture de ce 2e tome, intitulé la Musique du diable, et son résumé sont facilement accessibles sur le Net! Je suis impatient de lire ça!
- j'ai rapidement été amené à faire le rapprochement entre cette série et une autre, que j'ai adorée, il y a une dizaine d'années, et dont j'ai abondamment parlée ici : les Démons d'Alexia, d'Ers et Dugomier! En effet, non seulement ces deux séries mettent la magie et la sorcellerie au cœur du quotidien de gens de notre époque (ou des années '60, dans ce cas-ci), mais un des personnages majeurs est... le même!!??! Je vous jure : David, le père adoptif des jumeaux, intellectuel bien portant arborant fièrement une belle barbe blanche bien fournie, est le parfait sosie de Gabriel, le directeur du Centre de Recherche des Phénomènes Surnaturels dont fait partie Alexia, un intello, lui aussi, portant une barbe identique!!?? Voyez par vous-même :
David, des Jumeaux Montaigu
Gabriel, des Démons d'Alexia
Et les deux camouflent des pouvoirs fabuleux mais inaccessibles aux non-initiés! Fascinant, non?!
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