#01- HISTOIRES À LUNETTES
Scénariste(s) : Michel Ledent dit MIDAM
Dessinateur(s) : Frédéric Séron dit CLARKE
Éditions : Dupuis
Collection : Humour libre
Série : Durant les travaux, l'exposition continue...
Année : 1998 Nb. pages : 46
Style(s) narratif(s) : Gags en une planche
Genre(s) : Humour songé, Humour mordant, Humour morbide, Humour fantaisiste, Humour social
Appréciation : 4 / 6
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Quand deux grands se rencontrent
Écrit le dimanche 13 mars 2011 par PG Luneau
Midam et Clarke, travaillant de pair?! Wow! J’étais très curieux de voir ce que le papa de Kid Paddle et celui de Mélusine, deux séries jeunesse très vendeuses, pouvaient bien avoir à dire à un lectorat plus adulte. C’est pourquoi j’ai été bien heureux de tomber, en bouquinerie, sur les trois tomes originaux de la série Durant les travaux, l’exposition continue…
Dans cette série de gags en une page, ces deux géants du neuvième art exposent leur vision, un brin déjantée, de certains de nos travers quotidiens. Sur un ton vitriolique du plus bel effet, ils nous présentent toute une galerie de personnages hétéroclites, aux prises avec l’idiotie de leurs pairs ou l’absurdité des aléas de la vie. Le seul point commun entre tous ces gens? Tous, mais absolument tous, portent des lunettes… même les extraterrestres et les marionnettes!! Serait-ce là la manière que ces auteurs ont trouvée de nous dire que chacun de nous voit le monde avec ses propres lunettes, selon son propre point de vue?? En tout cas, c’est sans doute pour cela que le premier tome s’appelle justement Histoires à lunettes… Ces lunettes sont d’ailleurs si marquantes que Dupuis vient tout juste de rééditer la série, dans un format plus petit, mais sous une nouvelle appellation : la série nouvelle mouture s’appelle dorénavant Histoires à lunettes, et le tome #1, l’équivalent de celui-ci, s’intitule Par-delà le point focal !?
Nos deux créateurs ratissent large. On côtoie grâce à eux un guide de musée on ne peut plus barjot, des médecins et des scientifiques qui se croient tout permis, des clercs au teint aussi beige que leur personnalité et des patrons dictatoriaux impossibles à contredire. De l’absurde, du bizarroïde, des gags de situation, de la critique sociale, un peu de morbide… c’est à l’humour sous toutes ses formes qu’on nous convie. Évidemment, tout cela est très inégal. Certains gags m’ont poussé aux larmes (du à peu près jamais vu!), d’autres ont complètement échappé à l’apparente petitesse de mon esprit… et, par conséquent, m’ont laissé de glace. De manière générale, toutefois, j’ai bien aimé, au moins autant que la série Cosa Nostra, autre création plus récente de Clarke.
Plus grandes forces de cette BD :
- la maquette de la défunte collection Humour libre. Jean-François Lejeune, de chez Dupuis, avait conçu, à l’époque, un modèle de couverture dépouillé mais agréable. J’aimais bien cette uniformité qui standardisait toutes les séries de cette collection (Green manor, Sales petits contes, Adam, Lolo et Sucette…), consacrée à un humour plus sombre, plus adulte que ce à quoi le magazine Spirou nous habituait.
- l’efficacité des dessins de Clarke. Encore une fois, ce génie de la ligne claire parvient à nous rendre délirantes les tronches pourtant tout ce qu’il y a de plus anodines de ses personnages. C’est d’ailleurs souvent leur banalité et leur impassibilité face aux absurdités les plus grossières qui les rendent si impayables.
- le clin d’œil à Kid Paddle, à la page 5. Est-il nécessaire de rappeler que Midam, le scénariste du présent album, est aussi le père du très populaire Kid?!
- le concept des perso à lunettes. Au début, c’est somme toute assez discret. Ce n’est que vers les pages 7 ou 8 que j’ai réalisé que tous les personnages portaient des lunettes! Ce n’est qu’alors que je suis retourné voir dans les pages précédentes et que j’ai réalisé que c’était là le concept! Le gag prend toute son ampleur quand on se retrouve dans l’intimité d’un laboratoire où travaillent des extraterrestres, des espèces de bonhommes patatoïdes, portant aussi des lunettes!!
- l’humour à toutes les sauces. C’est fou, les différents types d’humour qui existent!! Clarke et Midam sont passés maîtres dans la plupart d’entre eux! Bien sûr, dans le lot, plusieurs tombent à plat. J’en reparle plus bas. Toutefois, certains gags m’ont particulièrement plu, comme ceux des pages 13 et 30. Pour ce qui est de ceux des pages 4 et 16, ils sont parmi les quelques uns, plus songés, qu’il m’a fallu relire à deux fois… mais une fois bien assimilés, quelle rigolade!! Je juge que le tiers de l’album va du très bon au désopilant… Pour ce tiers-là, et malgré les deux tiers restants qui sont beaucoup plus faibles, la lecture en vaut la peine.
- les personnages récurrents. Certaines situations reviennent à cinq ou six reprises dans le recueil, et ces répétitions constituent déjà, en soi, un élément cocasse. Je pense notamment au pauvre professeur Jenkins et à son patron, le professeur Médart, aux médecins de l’institut médico-légal qui s’amusent avec leurs cadavres ou à ces malheureux hommes amnésiques qui se réveillent avec un message enregistré pour les aider à se rappeler qui ils sont… Cette dernière série de gags constitue, à mon avis, le summum de l’album! Elle m’a fait pleurer de rire!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le titre, fort sibyllin. Je ne vois pas trop le lien entre les travaux, l’exposition, les lunettes et les gags… Ça doit être pour cette raison que tout ça a été changé pour la récente réédition!
- les décors minimaux. Pour canaliser notre attention sur les tout petits détails qui changent, d’une vignette à l’autre, Clarke mise presque toujours sur un décor très dépouillé, pour ne pas dire inexistant. J’en comprends le but, mais ça fait souvent un peu vide, tout ce minimaliste.
- les nombreux gags trop songés, à relire plus d’une fois (comme ceux des pages 7 ou 20), ceux qui tombent à plat (comme les pages 10, 15 ou 43) ou qui me restent incompréhensibles (comme celui de la 17). Il y a quand même près de la moitié des gags qui ne m’ont même pas fait sourire en pensée!! C’est beaucoup!! Heureusement que les quelques bons gags sont vraiment très drôles!
- ça se lit très très vite. Il ne vous faudra qu’une quinzaine de minutes pour lire cet album, vingt si vous êtes un lecteur malhabile! C’est donc un investissement plus ou moins rentable, qu’il vaut mieux emprunter en bibliothèque. Personnellement, je suis très heureux d’avoir pu le trouver à moitié prix, dans une bouquinerie!!
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