#01- DANS LE SENS DU POIL
Scénariste(s) : Frédéric ANTOINE
Dessinateur(s) : Yohann MORIN
Éditions : Boomerang
Collection : X
Série : Biodôme
Année : 2011 Nb. pages : 40
Style(s) narratif(s) : Gags en une ou quelques planches
Genre(s) : Humour, Héros animalier
Appréciation : 4 / 6
|
Dignes rejetons de Wally et de Léo...
Écrit le mardi 02 avril 2013 par PG Luneau
Le monde de la BD a toujours été joyeusement peuplé d’animaux de toutes sortes! Que voulez-vous : toutes ces bêtes, petites ou grosses, ont toujours eu la cote auprès des jeunes! Et comme c’est pour eux que la BD a d’abord été créée, l’exploitation de personnages animaliers s’est toujours avérée rentable!
Un moyen rapide d’avoir accès à plusieurs animaux en même temps, et même de faire se côtoyer des animaux d’écosystèmes différents, c’est de choisir un zoo comme emplacement principal! Plusieurs y ont pensé! Et le zoo étant un lieu de captivité, la notion de recherche de liberté a souvent miroitée, en filigrane, dans ses œuvres. Songez à Wally Gator, dans les dessins animés de notre enfance, ou à Léo, bête à part, le fallacieux léopard orangé de Roger Mas, dans nos vieux Pif gadget… Plus récemment, Dupuis nous a donné Pedro, le coati…
Frédéric Antoine et Yohann Morin ont choisi cette voie pour leur dernière série d’humour, mais l’ont implantée dans un lieu hautement connu des Montréalais (et des Québécois en général!) : le Biodôme de Montréal (même s’il n’est jamais expressément nommé – et que l’organisme se défend bien, en exergue, d’entériner les propos exprimés dans l’album!)!! Cette institution bien de chez-nous, établi dans l’ancien vélodrome du stade olympique, réuni cinq écosystèmes différents : la Forêt laurentienne, la Forêt tropicale humide, le Golfe du Saint-Laurent et les deux Pôles. Une des plus grandes vedettes de l’endroit, et des plus impressionnantes, c’est son lynx. Habituellement difficile à observer (parce que toujours caché au fond de son habitat), il prend maintenant le devant du pavé grâce aux mots de Fred Antoine et aux pinceaux de Yoh Morin!
En effet, c’est véritablement le lynx Baxter qui est le héros des gags de la série Biodôme! Joueur de tours invétéré, gouailleur et bon vivant, c’est toujours lui qui entraîne son complice, Marco, dans ses coups pendables et ses manigances impossibles. En effet, ce dernier, avec ses propensions aux grimaces, aux jeux de mots faciles et aux gaffes majeures, passe plus pour un simple d’esprit un peu barjot que pour la tête pensante du duo : une étiquette on ne peut plus appropriée, pour une loutre!!
Déjà sous-titré Baxter et Marco, du nom de ses deux protagonistes principaux, ce recueil de gags (de longueurs variant d’une demi-planche à cinq pages) nous expose les facéties de ces deux joyeux lurons, mais nous présente aussi les autres bénéficiaires de l’endroit (des manchots, un castor, un anaconda, un paresseux, un caïman, deux tamarins, alouette…), ainsi qu’une bonne demi-douzaine d’employés (principalement des animateurs-techniciens animaliers), chacun avec son caractère bien typé, comme c’est souvent la cas dans ces séries humoristiques.
Parlant des gags, ils sont assez efficaces, dans la moyenne du genre : si je n’en suis jamais venu à me taper sur les cuisses, la plupart m’a amusé… et un seul m’a laissé perplexe (celui de la p.26)! Sur un total de 26 gags, c’est pas si mal… et je suis sûr que les jeunes à qui ça s’adresse s’emballeront plus que moi, à bien des niveaux!
Il existe un tome #2, et les gags viennent (ENFIN!!) de commencer à paraître dans le magazine des Débrouillards! Voici donc une belle visibilité en perspective, et c’est tant mieux! En effet, en cette période trouble pour la BD populaire québécoise (avez-vous lu l’intéressant billet de Jean-Dominic Leduc à ce sujet, dans le Journal de Montréal?), le temps est venu, comme le conclut Jacques Samson, le plus éminent spécialiste de la BD au Québec, de miser sur les jeunes, de manière à les éduquer à la BD, à les sensibiliser à ce qui se fait ici… afin d’en faire des ados et des adultes bédéphiles aguerris et connaisseurs, et assurer une relève… En ce sens, la série Biodôme est un pas dans cette bonne direction! Dès huit ans.
Plus grandes forces de cette BD :
- la grande expressivité des dessins. À cet effet, je crois que l’illustration de la couverture ne peut pas être plus probante!! ;^)
- ma charmante dédicace, faite lors du lancement de l’album, chez Planète BD. Yohann et Frédéric ont été très gentils et le Baxter qu’ils m’ont laissé est franchement mignon : je l’adore! ;^)
- la montréalitude! Dès la première vignette de la p.1 (et même avant, puisque cette illustration a été reprise pour illustrer les pages de garde!!), Yohann nous montre le vélodrome, facilement reconnaissable avec son toit boursouflé d’une trentaine de fenêtres bombées! C’est chez-nous! Qu’est-ce que c’est agréable de reconnaître son environnement dans une BD!! Et ce, même si tout le reste de ce qui entoure le bâtiment n’a absolument rien à voir avec l’environnement du véritable Biodôme!! ;^)
- les couleurs, vraiment très très vives, comme je les aime. Chapeau aux trois coloristes (et bédéistes à leurs heures!) : Jean-Philippe Morin, Estelle Bachelard et Miguel Bouchard!
- plusieurs personnages bien loufoques, principalement parmi les animaux. Outre ma petite préférence pour l’irrévérencieux Marco, j’ai eu un petit coup de cœur particulier pour les deux tamarins lions aux allures de savants fous, et pour Virgile, le caïman affecté d’un trouble obsessionnel compulsif… et d’une paire de lunettes à la Harry Potter!! Dommage que l’aspect T.O.C. de sa personnalité n’ait été exploité que dans un seul gag : je trouverais dommage que Fred n’ait introduit ce trait de caractère que pour l’utiliser le temps d’une planche et ensuite le laisser tomber! Car, passé la page en question (p.11), on revoit plusieurs faut Virgile, mais ses troubles obsessionnels, pour leur part, restent lettres mortes! :^(
- le clin d’œil aux Nombrils, à la p.31. Qu’est-ce que c’est rafraîchissant de retrouver Vicky et Jenny, les deux nombriliques héroïnes de Delaf et Dubuc, en visite au Biodôme!! C’est agréable de constater que les bédéistes québécois se clignent les uns les autres (comme Delaf et Dubuc l’avait fait avec Pascal Colpron, leur collaborateur aux décors et auteur de Mon petit nombril!)!.
Ce qui m’a le plus agacé :
- certains persos que j’ai trouvés un peu trop clichés. Par exemple, avec l’infirmière sadique à l’accent allemand, on tombe dans le déjà-vu à fond la caisse! Même chose avec le gorfou dur de la feuille qui déforme tout ce que les gens disent autour de lui. Cette idée, on l’a vue bien des fois depuis ce très cher Tryphon! Et bien que je n’ai rien contre le fait de reprendre une formule gagnante, je trouve qu’Ici, Fred Antoine n’a pas su trouver les gags qu’il fallait pour rendre ce personnage intéressant… bien qu’il reste visuellement tout à fait charmant.
- la réutilisation d’un même dessin pour plus d’une vignette. Je sais bien que les ressources actuelles (les ordinateurs et leurs logiciels de dessin, pour ne pas les nommer!!) permettent maintenant aux dessinateurs de facilement reprendre un même dessin, et ce, autant de fois qu’ils le désirent! Mais, de grâce, faites-leur au moins quelques modifications!!? Personnellement, ça me déçoit de constater qu’une image (en l’occurrence, le si beau plan général du Biodôme dont je parlais au troisième boulet de ma section précédente) soit reprise intégralement, sans aucun changement (à la p.37), si ce n’est un petit bout d’autobus d’effacé et les couleurs du soleil qui se font plus petites! Je sais que je vais me faire tirer des roches en disant ça, car je commence à saisir (grâce à mon copain Marsi, bédéiste) tout le temps et l’implication que demande leur travail monacal, mais je ne peux m’empêcher de trouver que les illustrateurs qui utilisent ce stratagème (comme je l’avais dit dans ma critique du quatrième tome des Forêts d’Opale) sombrent un peu trop dans la facilité…
|