#05 - SEPT GUERRIÈRES
Scénariste(s) : Michaël LE GALLI
Dessinateur(s) : Francis MANAPUL
Éditions : Delcourt
Collection : 7
Série : 7
Année : 2007 Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Aventure, Historique
Appréciation : 3.5 / 6
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6-1+1=7 !??!
Écrit le dimanche 27 juin 2010 par PG Luneau
La collection «7» est une idée au concept assez intéressant : David Chauvel, scénariste réputé travaillant pour Delcourt (Octave, Popotka le petit Sioux pour les plus jeunes, Ring circus, Arthur et bien d’autres pour les adultes) a demandé à six autres scénaristes de rédiger chacun un récit d’aventure mettant en scène un groupe de sept personnages. Chacun de ces récits allait être dessiné par un dessinateur différent. Vous voyez le topo? Sept scénaristes, sept dessinateurs, sept récits de chacun sept personnages… Concept, je vous dis!! Heureusement, les récits n’ont pas que sept pages!! Au bout du compte, la collection présente une belle brochette de genres littéraires : on tâte parfois du fantastique, parfois de l’historique ou de la S.F…. mais toujours de l’action et de l’aventure! Et chaque titre présente le groupe : Sept psychopathes, Sept missionnaires, Sept pirates, Sept prisonniers, Sept voleurs, Sept yakuzas…
Dans le tome qui nous intéresse aujourd’hui, on est en présence de Sept guerrières. Quoi que la couverture pourrait nous faire penser à de l’heroic fantasy, avec peut-être des dragons ou des magiciens, on a en fait affaire à un récit d’aventure qui se veut réaliste. Le petit royaume (fictif, j’ai l’impression) de N’Nas Amon est en déroute. Sa capitale subit un siège de la part des Perses et des Byzantins, et son armée a été décimée. Seuls quelques mercenaires retiennent encore les envahisseurs, mais leur loyauté risque de basculer à tout instant. La reine n’a plus qu’une seule alternative pour sauver son fils et assurer la descendance royale : l’envoyer, sous bonne escorte, jusqu’à la cité secrète de Jabbaren… après avoir traversé les lignes ennemies!
À qui confier cette mission de la plus haute importance? De tous les mercenaires travaillant encore sous ses ordres, seules les valeureuses guerrières sarmates trouvent grâce aux yeux de la reine. Aussi choisit-elle six de ces farouches combattantes pour accompagner et protéger son grand garçon. Comment réagira la belle amante de celui-ci en voyant son amoureux partir pour toujours en compagnie de six belles amazones?
Précisons le d’emblée, cet album m’a un peu déçu. Si le dessin avait l’air super léché, il s’est avéré correct, mais sans plus. Disons que certains traits de visages (yeux, mentons et pommettes anguleux, chevelure en pics…) et certains procédés graphiques (comme les lignes de mouvement en rayons solaires) donnent un aperçu de l’influence que les mangas ont dû avoir sur le travail de monsieur Manapul, plus habitué à dessiner des comic books.
Puis, le scénario, qui en soit est intéressant, se perd parfois dans des dédales de gros fils blancs plus ou moins bien cousus… le plus gros étant le souterrain qui passe sous l’immense baie qui sépare la basse ville du palais royal !!? Il a beau être long, ce tunnel, il y a des limites au potentiel technologique des ingénieurs miniers du VIe siècle! D’autant plus que le dit tunnel regorge de pièges (trappe à empaler, boule de feu, flèches, trappe à ensabler…) très «Indiana Johnsiens», mais carrément irréalistes. En fait, ce long passage (une dizaine de planches) m’a semblé être la narration d’une banale partie de «Donjons et dragons» sans grande originalité !! Et que dire de sa pertinence quand on réalise la facilité avec laquelle la belle amoureuse rejoint le groupe de fuyards en passant par la ville!! Si on rajoute à ça le fait qu’on connaît le punch final dès la page 11, on se retrouve devant bien peu de choses, en somme.
Bref, un tome plutôt ordinaire, qui se mériterait un 3/6 si ce n’était des belles couleurs et des ambiances mystérieuses de ce Moyen-Orient du VIe siècle, qui font quand même rêver un peu. Je monte donc ma note d’un demi-point. Ce n’est certes pas le meilleur de la collection. Et pour ceux que le titre de ma chronique a intrigués, je vous encourage à poursuivre votre lecture : l’explication se trouve plus bas!!
Plus grandes forces de cette BD :
- une idée intéressante. La thématique du royaume en déroute, du prince à sauvegarder et de la fuite me semble riche en potentiel et fort intéressante. Dommage que monsieur Le Galli se soit tant accroché les pieds dans des imbroglios peu crédibles.
- la véracité historique sous-jacente. Tout au long de ma lecture, je me suis interrogé sur ce qui était vrai et ce qui ne l’était pas. Le royaume de N’Nas Amon, a-t-il vraiment existé? Je n’en ai pas trouvé trace dans le Net. Les Sarmates, par contre, ont déjà vécu au Moyen-Orient. Il s’agit effectivement d’un peuple réputé pour les qualités guerrières de ses femmes, Ce serait même possiblement de là que proviendrait le mythe des Amazones, ces redoutables chasseresses qu’Héraclès aurait combattues. Bref, ce récit m’aura donné le goût de creuser un peu pour parfaire certaines connaissances historiques.
- une habile manière de parler de la fidélité, de l’amitié et de l’amour entre femmes. Ces guerrières, vierges et liées entre elles par une cérémonie presque maritale, en viennent à développer des sentiments amoureux pour leurs comparses. Toutefois, cet amour peut parfois s’interposer et nuire à la loyauté irréprochable de ces combattantes. Ici, il engendre de beaux dilemmes et certaines tensions psychologiques, ce qui donne un peu de profondeur à l’histoire.
- certains beaux panoramas. L’arrivée à la cité de pierre de Jabbaren, calquée sur la très célèbre Pétra, est assez impressionnante, de même que le plus que splendide ciel étoilé qui suit la tempête de sable. De toute beauté!
- le symbole en filigrane sur le dos de la couverture. Quand on possède les sept albums de la collection et qu’on les dispose côte à côte, on peut voir apparaître… le chiffre sept, bien sûr! Ça fait joli dans votre bibliothèque!
Ce qui m’a le plus agacé :
- on connaît le punch final dès la page 11!! L’auteur pense-t-il vraiment nous faire une grande révélation, à la page 61, en nous exposant le plan B de la reine?!?! J’espère que non, puisqu’on le voit en toute lettre… pardon, en toute image, à la page 11!! Si c’était ça, le gros punch de l’histoire, il aurait dû se faire plus discret dans les premières planches!!
- trop de personnages visuellement très proches. Bon, il y a la rousse, la blonde et celle avec les cheveux courts et blancs, à la sauce manga. Mais les trois autres, plus leur cheftaine (au début du récit) et la belle Izza-Maya, l’amoureuse abandonnée, ont toutes de beaux cheveux sombres (qui passent du noir au brun ou au roux, selon l’éclairage!!), longs et tressés. Rajoutez à cela qu’elles n’ont absolument aucun signe distinctif et vous comprendrez la raison de mon désarroi… ainsi que l’une de celles pourquoi j’ai été un peu déboussolé tout au long de ma lecture. On peut parfois s’en sortir quand on confond deux personnages entre eux, mais cinq, ça commence à faire beaucoup!
- une certaine fausse représentation. En effet, monsieur Le Galli a triché un peu sur la contrainte du groupe de sept aventuriers imposée par la collection : ce n’est pas sept guerrières que la reine engage, mais bien six! C’est la blonde du prince qui les suit en cachette qui devient la septième… Et encore, elle ne les rejoindra qu’après la mort de l’une d’entre elles, ce qui fait qu’elles ne seront encore que six! Précisons cependant que d’autres auteurs de la collection ont triché un peu dans le même sens…
- les émotions qui passent mal. Étant donné la grande quantité de personnages principaux, on n’a pas vraiment le temps de s’attacher à eux. C’est pourquoi, quand l’une ou l’autre de ces dames meurent en mission, il nous est assez difficile de ressentir vraiment le chagrin de ses compatriotes. La charge émotive qu’engendre ce genre de tournures scénaristiques est plus efficace dans une série où l’on a eu le temps de s’attacher aux héros et à leurs proches.
- une erreur dans l’appellation d’un des personnages. Non seulement elles se ressemblent presque toutes, mais en plus les auteurs ont le culot de se tromper dans leur nom!! En effet, à la page 38, on demande à Yevan et Belyaka d’entreprendre une mission périlleuse. Ce à quoi la rouquine s’exclame : «Yevan, sors les arbalètes!!»… mais c’est elle, Yevan, la rouquine !! C’était l’une des rares que je parvenais à identifier! On veut nous rendre fou, ma parole!!
- plusieurs maladresses graphiques. Par exemple, le couteau lancé à la page 59 est très mal disposé par rapport à celle qui l’a lancé, ce qui fausse la perspective. Ou la proportion des personnages, dans la dernière case de la page 37, laisse supposer que le bateau est exagérément énorme! De plus, de manière générale, les combats ne sont pas très faciles à suivre… Qui donne des coups à qui? On s’y perd facilement!
- le revirement final. Pourquoi c’est la guerrière aux cheveux blancs qui disjoncte?? Depuis le premier décès, on sentait venir ce genre de finale, avec la grosse dépression de Tanaïs qui était «mariée» à Kobyak… La blondasse peroxydée fait deux petites crisettes, chiale un peu tout du long… et c’est elle qui pète les plombs?!! On a voulu faire une tentative de brouillage de pistes? Les personnages sont déjà assez embrouillés et «embrouillants», ce n’était pas nécessaire d’en remettre!
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