#01- CRÉPUSCULE
Scénariste(s) : Antoine DOLE
Dessinateur(s) : VINHNYU
Éditions : Glénat
Collection : Seinen manga
Série : 4life
Année : 2018 Nb. pages : 214
Style(s) narratif(s) : Récit complet en 2 tomes (Manga)
Genre(s) : Thriller fantastique, Horreur
Appréciation : 4.5 / 6
|
Manga français à la sauce horrifique
Écrit le samedi 05 novembre 2022 par PG Luneau
Tomes lus : #01- Crépuscule
#02- Aube (2019, 224 p. 3,5/4)
Antoine Dole, c'est nul autre que Mister Tan, le prolifique et amusant auteur de Mortelle Adèle, une des séries jeunesse les plus en demande actuellement. Grand professionnel devant l'éternel, il se fait un devoir, depuis quelques années, de régulièrement venir faire la promotion de ses albums auprès de son public québécois, qui l'adule de plus en plus. La preuve : plus moyen de l'approcher, lors des séances de dédicaces tellement la file de jeunes lecteurs qui veulent le rencontrer est longue!
Mais ce toujours charmant jeune homme se plait parfois à changer de registre et à commettre quelques romans pour ado, certains petits albums autonomes ou de petites séries plus courtes, comme Zoé Super, 109, rue des Soupirs, ou celle-ci, 4life (qu'il avait eu la gentillesse de me dédicacer il y a quelques années, alors que sa popularité n'était pas encore totalement démente!). J'avais bien hâte de lire ce manga entièrement français puisqu'illustré par Vinhnyu, un mangaka d'origine asiatique mais ayant grandi en France (il dit lui-même avoir grandi en écoutant le Club Dorothée !?!)
C'est quoi?
Cali, Mina, Tam et Sara sont quatre bonnes copines qui se sont connues dans un club de mangas. Le récit débute alors qu'elles ont chacune enfilé leur costume de costumadière préféré (quel joli mot pour franciser le terme cosplayeuse!) et qu'elles se dirigent, en bus, vers une convention de mangas comme il s'en tient maintenant dans toutes les grandes villes du monde. Mais voilà : elles n'atteindront jamais le site, car leur autobus se retrouve impliqué dans un accident mortel! Toutes survivront, toutefois, mais sans être tout à fait les mêmes : c'est comme si leur costume leur avait transmis des pouvoirs! Et puis le monde dans lequel elles se réveillent n'est plus tout à fait le même, lui non plus... Il s'avère de plus en plus étrange, de plus en plus menaçant, de plus en plus horrifiant... Finalement, les 4 amies n'auraient peut-être pas dû s'en sortir... Mais s'en sont-elles vraiment sorties? Et s'en sortiront-elles??!
C'est comment?
Euh... J'avoue rester un peu perplexe... En fait, j'en ai tellement apprécié les prémices que j'ai été amèrement déçu par le traitement, puis par la tangente prise par le récit... J'aurais préféré que le récit évite de sombrer dans le classique enchaînement de combats incompréhensibles, tant au niveau de leur motif que de leur déroulement. En effet, à partir de la fin du tome #1, on tombe dans une suite d'enchevêtrements de combats illisibles, comme trop souvent avec les shonen manga (pourtant, ce manga flirte avec les shojo manga, ceux principalement destinés à un lectorat féminin... mais est édité dans la collection Sonein manga, visant les jeunes hommes!?). On se retrouve donc assez vite avec les traditionnels (trop) gros plans de coups de poings (ou, en l'occurrence ici, de coups de rubans !??!!), de coups de feu, de propulsions violentes dans toutes les directions causées par des jets d'énergie provenant d'on ne sait où, le tout dans une sauce d'horreur ma foi assez bien relevée!
Moi qui ne trippe ni dans l'horreur, ni dans ces orgies de combats sans but ni fin, j'ai réellement été pris de court! J'en ai été d'autant plus peiné que j'ai adoré l'idée des costumes qui insufflent leur personnalité à celles qui les portent, de même que le mystère sur l'état de santé de Sara. En fait, j'ai l'impression que toute l'idéation était bonne, mais que les auteurs ont voulu étirer la sauce tout en tentant de masquer les trous par des combats aussi interminables qu'inintéressants. Bref, je suis plutôt déçu... Et c'est bien dommage, car je l'aime d'amour, ce Mr Tan!...
Mes bémols
- le personnage de Tam. Ce qui m'a le plus agacé, c'est la dichotomie entre le réalisme avec lequel Vinhnyu a dessiné les trois autres personnages plus âgés, et le petit côté chibi et ridiculement enfantin qui caractérise les traits de Tam. Oui, elle est un peu plus jeune que ses trois comparses, mais est-ce une raison pour que ça transparaisse jusque dans le style de dessin? Pourtant, l'occasion était belle de nous offrir une proposition corporelle hors-norme... Mais on nous la présente de manière infantilisante, presque comme une déficiente, avec un «pouvoir» un peu fade et sous-exploité, et on la dénigre tellement tout au long du récit que je ne crois pas que les jeunes filles plus rondes voudront s'identifier à elle... Dommage!
- le manque de clarté dans l'enchaînement des dessins. Précisons d'abord que si le dessin comporte plusieurs petites erreurs de proportions, ça reste très acceptable (les illustrations qui annoncent chacun des chapitres sont, par ailleurs, magnifiques!). Par contre, c'est au niveau de la mise en page que c'est plus dérangeant. Comme je le disais plus haut, les combats sont, comme trop souvent dans les mangas, totalement illisibles! Les gros plans, les champs/contre-champs et les onomatopées s'enchaînent de façon trop rapide, sans nous permettre de comprendre les gestes posés par les personnages. Ce manque de fluidité tue même l'émotion, parfois: j'aurais pu m'émouvoir beaucoup plus lors du sacrifice de Mina si je n'avais pas été occupé à essayer de décortiquer ce qu'elle faisait! Je suis peut-être trop cartésien mais, personnellement, j'ai besoin de comprendre pour apprécier... Heureusement, le duel final, du blanc contre le noir, était mieux réussi!
- l'ambigüité du fin fond de l'affaire... Dès la deuxième moitié du tome #1 et tout au long du tome #2, Sara tente de comprendre ce qui se passe, pourquoi tout le monde est aspiré par les entités du Noir. Surtout, elle cherche à trouver un sens aux appels sibyllins que le Noir lui lance. Pourquoi est-elle la seule à les entendre? Pourquoi a-t-elle l'impression qu'elle est la seule à pouvoir y changer quelque chose? Le problème, c'est que c'est si ambigu, si mystérieusement amené, si flou... que je ne suis pas sûr du tout de pouvoir répondre à ces questions, même une fois ma lecture achevée! S'il y avait quelque chose à comprendre (et j'ose espérer que c'est le cas!), c'est présenté de façon trop hermétique pour moi... Et je ne crois pas que ce ne soit dû qu'à mon insatiable cartésianisme!
Les plus grandes forces de cette BD
- l'idée de base. Quel bon pitch: un gros accident de la route qui déclenche des changements chez les protagonistes ET sur l'univers qui les entoure! Puis, on se doit de trouver la clé de l'énigme avant que n'arrive la Fin de tout... Un bon point aussi pour l'originalité du titre, et son double sens homophonique : 4life: Four lifes (4 vies, pour les 4 personnages) et For life (Pour la vie, ce pour quoi elles luttent, dans tous les sens du terme!).
- L'efficacité de l'angoisse et de l'horreur!! C'est vrai, je ne suis pas un grand fan d'horreur, parce que trop facilement impressionnable. Mais, sans en connaître beaucoup en la matière, je dois avouer que les ambiances et les créatures du Noir sont, dans cette série, d'une efficacité redoutable! Tout est mis en place pour que l'on se sente oppressé, au même titre que les quatre protagonistes. Mais ce sont surtout les situations cornéliennes dans lesquelles elles sont parfois plongées qui contribuent le plus à faire monter le degré d'angoisse! Certaines scènes sont d'une intensité atroce! Dole n'a pas peur d'éliminer ses personnages, ni de le faire de façon abominable, qui ébranlera le lecteur. Si le propos m'a parfois un peu rappelé la série (vraiment!) jeunesse les Enfants d'ailleurs, de Bannister et Nykko, c'est sans compter ici le caractère vraiment beaucoup plus hard core!
Autres
Bref, ce manga n'est pas à mettre entre toutes les mains. Moi, au départ, j'avais l'impression qu'il pouvait s'adresser aux jeunes du primaire. Ne tombez pas dans le même panneau! En effet, vu le niveau d'horreur atteint et le caractère assez sexy de certains personnages (dont Cali, aux formes généreuses, fumant une cigarette en sous-vêtement dès la page... 1 !?), je suis d'accord avec la catégorisation que Glénat a faite en éditant cette série dans sa collection Seinen manga. Elle ne s'adresse clairement pas aux moins de 15 ou 16 ans!
|