#01 - YOTSUBA
Scénariste(s) : Kiyohiko AZUMA
Dessinateur(s) : Kiyohiko AZUMA
Éditions : Kurokawa
Collection : X
Série : Yotsuba
Année : 2003 Nb. pages : 226
Style(s) narratif(s) : Courts récits (Manga)
Genre(s) : Quotidien, Humour tendre
Appréciation : 4 / 6
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Mignonne boule d'énergie au Pays du Soleil levant
Écrit le lundi 26 mars 2012 par PG Luneau
Fort de ma décision de retenter le coup avec les mangas jeunesse (voir ma chronique les Mangas et moi, un lent apprivoisement…), j’ai décidé d’étrenner ce nouvel élan de japonisation en me laissant guider par les commentaires élogieux de ma bonne amie blogueuse, celle avec qui j’ai tant de connivences littéraires, la charmante Kikine… et j’ai jeté mon dévolu sur la petite Yotsuba!!
Quelle «trognonne» de jeune fille, celle-là!! Comment une enfant peut-elle être si énergique et commettre tant de petits impairs tout en restant adorable??! C’est sûrement là ce qui fait tout son charme, j’imagine! En effet, personne ne peut rester indifférent face à cette petite puce pleine de vitalité pour qui la moindre cigale est source d’émerveillements infinis!
L’album débute alors que cette petite choupette (le Net nous apprend qu’elle a six ans… bien que je sois sceptique!?!) arrive, avec son père, dans sa nouvelle demeure, à la ville. À voir l’étonnement béat de la jeune fille face au grand nombre de maisons, de voitures et de gens, on en conclut rapidement qu’elle vient d’un coin reculé, assez loin de la «trépidance» urbaine!! Sans perdre trop de temps, son père et elle découvrent leur nouveau quartier et font la connaissance de leurs voisines directes, les Ayase, trois gentilles sœurs qui vivent avec leur mère.
Chacun des sept chapitres de ce premier tome nous présente un micro-événement qui, à travers les yeux de Yotsuba, devient une aventure ou une bulle de bonheur! À voir son ébahissement total devant le fonctionnement d’une sonnette de porte, pendant l’exploration d’un centre d’achats ou lors d’une averse, on ne peut faire autrement que de ressentir sa joie profonde et sa belle énergie si communicative! Quiconque a déjà eu des enfants ou, comme moi, a travailé auprès de cette clientèle reconnaîtra ces moments de grâce si attendrissants. Monsieur Kiyohiko Azuma rend parfaitement l’exubérance de son personnage grâce à la brillance de ses immenses yeux et aux sourires gigantesques que Yotsuba arbore presque en permanence!
Bien sûr, je me dois d’apprivoiser certains codes élémentaires du manga. Ainsi, le noir et blanc ne m’a pas particulièrement dérangé (malgré que les couleurs de la couverture nous donnent un très intéressant aperçu d’à quel point la couleur pourrait magnifier d’autant le produit final!). Puis, je me suis aussi assez bien accommodé du sens de lecture japonais, avec non seulement ses pages inversées, mais aussi ses images, et son ordre de lecture des phylactères dans chaque vignette. J’ai été surtout étonné par les très nombreux non-dits et les temps morts, qui m’ont parfois un peu déboussolé. Je commence à réaliser que les Japonais (et les Asiatiques en général, je suppose), ont vraiment une autre façon de narrer les choses… Ça me rappelle que j’avais déjà été confronté à quelques reprises à cette lenteur toute poétique, à ces silences, en lisant des romans ou des contes japonais… Ici, en compagnie de cette charmante petite tornade, je dois avouer que ça ne me déplait pas! Regardez avec quelle désinvolture elle offre ce gros bouquet de tournesols, sur la couverture… tournesols qu’elle vient manifestement d’arracher du parterre d’un quelconque voisin!!!
Bref, j’ai très hâte de voir les réactions de mes élèves quand je leur présenterai cette gamine. J’aurais tendance à dire, à priori, que cette série pourra plaire aux jeunes dès 8 ou 9 ans, bien qu’à cet âge, ils n’auront pas tous le recul nécessaire pour comprendre les impacts cocasses de l’impulsivité de l’héroïne… Toutefois, soyez assurés que l’auteur a bien pris la peine d’insérer ici et là quelques gags ou quelques mots d’esprit très amusants… que seuls les adultes dépisteront! Donc, je recommande cette série familiale à tout le monde, vraiment, convaincu que tous y trouveront leur plaisir.
À lire aussi : la critique de Kikine.
Plus grandes forces de cette BD :
- la couleur des cheveux de l’héroïne, sur la couverture. Quelle audace, tout de même, de lui faire une chevelure vert tendre!?! Il fallait oser!! En tout cas, pour ma part, puisque c’est une couleur que j’apprécie beaucoup, je trouve ça original et très joli!
- le réalisme très précis des décors. Les architectures sont dessinées avec une minutie fabuleuse, presque photographique, tout à fait dans le style de Jirô Taniguchi. Cet hyperréalisme étonne d’ailleurs, aux côtés des traits plus semi-caricaturaux des personnages! Phénomène étrange, la juxtaposition de ces deux styles presque dichotomiques donne un résultat tout à fait intéressant! Ici encore, il fallait oser!
- indéniablement, la candeur et la fraîcheur de la petite héroïne! Qu’est-ce qu’elle est irrésistible avec ses grands yeux et son sourire Pepsodent!! Certains aspects de sa personnalité sonnent très juste, comme sa grande spontanéité (j’adore quand elle s’invite chez les gens et demande de la glace!), sa tendance à toujours crier et à toujours courir!
- j’aime beaucoup le personnage de Jumbo. D’abord, parce qu’il se démarque physiquement (bien évidemment, et encore plus au Japon!!), mais aussi parce qu’il a des manières et un sens de l’humour très particuliers. Je pense notamment quand il découvre Fûka chez Yotsuba et qu’il accuse amicalement son pote Koiwai d’avoir des visées sur cette jeune fille, ou quand il se moque des réactions de la mère Ayase et de ses trois filles face à sa grandeur, au chapitre 4. Ça semble être un bon diable que j’aimerais côtoyer!
- l’humour, pour tous les goûts. Comme je le disais plus haut, l’auteur fait d’amusantes (bien que subtiles) allusions à de possibles rapprochements entre le père de Yotsuba et les trois jeunes voisines. Ces remarques sont finement placées, juste assez évidentes pour que les lecteurs adultes les perçoivent mais sans qu’elles ne soient offensantes pour les jeunes lecteurs. C’est très habile de la part de monsieur Azuma d’avoir pensé à intégrer ces clins d’œil pour adultes!
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’apparence de Koiwai, le père de Yotsuba. On jurerait qu’il a seize ans!! Il pourrait être le petit copain de chacune des sœurs Ayase sans que rien ne jure, graphiquement parlant!! Mais est-ce parce qu’il est effectivement très jeune?? Serait-il une espèce de fils-père (en opposition aux filles-mères!)?? Si tel est le cas, ce serait très original, mais j’aurais aimé qu’on me piste plus précisément en ce sens!
- certains aspects du caractère de Yotsuba. Par exemple, j’ai bien de la difficulté à croire qu’une enfant de six ans (selon Internet!) ne sache pas ce qu’est une balançoire ou une sonnette d’entrée, ni comment ça fonctionne!! Quand bien même qu’elle vient d’un coin très reculé, elle doit en avoir déjà vues, ne serait-ce qu’à la télé ou sur les images d’un livre! Son comportement, dans le parc, au chapitre #1, est digne d’un enfant de deux ou trois ans, maximum! Et curieusement, à l’opposée, elle trouve tout nul, exactement comme une adolescente de quatorze ou quinze ans, blasée de la vie, de l’univers et du reste. Ça donne une psychologie un peu complexe, finalement!! ;-)
- les traits du visage qui deviennent ridiculement archi-caricaturaux dès qu’un personnage subit une émotion intense! Si ces exagérations passent bien pour la jeune héroïne, elles sont tout à fait grotesques une fois appliquées aux visages bien plus réalistes des adultes qui l’entourent! J’ai vraiment détesté ça! De plus, l’auteur abuse aussi de l’énorme goutte de sueur qui coule inlassablement de la tête de tous ses personnages adultes quand ils vivent un malaise : il n’y a pas une planche où ce code n’est pas utilisé!!
- la surabondance d’onomatopées! Va pour les bruits, mais de là à inventer un son (Pfwit pfwit!) pour indiquer qu’un personnage tourne la tête d’un côté et de l’autre en cherchant quelque chose, il y a une marge!! Dans les vingt premières vignettes du chapitre #2, on nous gratifie de pas moins de 17 onomatopées, dont un gros POC pour sonoriser l’ouverture de deux paupières!! Était-ce vraiment nécessaire?!
- ma méconnaissance en matière de nomination japonaise. À ma connaissance, le nom de famille est dit avant le prénom au Japon, comme dans plusieurs autres pays asiatiques. Aussi, dois-je dire monsieur Kiyohiko ou monsieur Azuma, pour parler de l’auteur?? De plus, j’ai cru remarquer que les personnages ne se présentent qu’en donnant leur nom de famille, de cette façon : «Bonjour, je suis Koiwai.» Ce n’est que plus tard, en voyant ce mot sur le panneau à côté de la sonnette, que j’ai compris qu’il s’agissait du nom de famille du père de Yotsuba, et non de son prénom!! J’aimerais mieux comprendre, question de ne pas commettre d’impairs!
- la présence du symbole des euros sur les étiquettes de prix, au supermarché!! J’ai de la difficulté à croire que les Européens n’auraient pas pu comprendre si les traducteurs avaient laissé le symbole des yens!!? C’est du chauvinisme, ou bien on veut nous faire croire que le récit se passe dans une petite ville belge ou française??! Dans les deux cas, c’est d’un ridicule!...
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