#18- LES EXILÉS DE KIFA
Scénariste(s) : Roger LELOUP
Dessinateur(s) : Roger LELOUP
Éditions : Dupuis
Collection : X
Série : Yoko Tsuno
Année : 1991 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récits complets
Genre(s) : S.F.
Appréciation : 4 / 6
|
Un classique qui garde la forme
Écrit le vendredi 26 mai 2023 par PG Luneau
Tomes lus : #18- les Exilés de Kifa
#19- l'Or du Rhin (1993)
#20- l'Astrologue de Bruges (1994, 72 p., 4,5 /6)
#21- la Porte des âmes (1996, 4,5 /6)
Question de garnir un peu ma lettre Y, qui fait un peu pitié en comparaison des autres lettres, dans mes archives (et je ne vous parle pas de la lettre X !!??), j'ai décidé de me replonger dans les aventures de cette très chère Yoko Tsuno. Il y avait déjà 13 années que je ne m'y étais pas astreint, il était temps que j'y replonge, non? D'autant plus que, même avec ces 4 albums que je lisais pour la première fois, je suis encore loin d'atteindre les plus récents titres de la série! :^O
C'est quoi?
On ne présente plus Yoko Tsuno, cette électrotechnicienne aux aventures futuristes! Elle a été l'une des premières héroïnes dignes de ce nom, dans les années '70! Les quatre tomes que j'ai lus nous la présente dans les trois contextes dans lesquels on est habitués de la voir évoluer, soit la planète Vinéa avec son amie Khâni (#18 et 21), l'Allemagne avec son amie Ingrid (#19) et lors d'un saut temporel, avec son amie Monya (#20).
Dans les Exilés de Kifa, (t. #18), Yoko, Khâni et toute la bande sont intriguées par divers phénomènes (une sonde d'un modèle désuet, l'hologramme d'une morte, la présence d'un petit robot jouet...) qui les mènent tous vers Kifa, une ancienne ville spatiale délabrée tournant en orbite autour de Vinéa. Elles y découvriront une cité en décrépitude avancée, mais pas totalement abandonnée. Ce sera une aventure où l'on découvrira que la technologie très poussée des Vinéens peut facilement se connecter aux ondes cérébrales humaines, même à notre insu!
Dans l'Or du Rhin (t. #19) Yoko s'engagera au service d'Ito Kazuky (rencontré dans le tome #9) pour lui servir de traductrice lors d'un voyage en train en Allemagne au cours duquel il fera des affaires. Il faut dire que Yoko avait fortuitement découvert l'interprète officielle de ce riche homme d'affaire alors qu'on venait tout juste de tenter de la tuer! Bien des factions diverses se croiseront dans ce train, et bien des tractations louches s'y trameront. Yoko et ses amis (tout comme les lecteurs!) auront fort à faire pour démêler tous ces écheveaux!
Puis, pour empêcher la peste bubonique de réapparaître à notre époque, notre belle héroïne et sa bande devront remonter le temps jusqu'à la Belgique moyenâgeuse, rien de moins, et négocier avec un puissant alchimiste peu scrupuleux qui se fait appeler l'Astrologue de Bruges (t. #20)! C'est dans cet épisode qu'un nouveau personnage se joindra officiellement au groupe d'amis de Yoko.
Et dans la Porte des âmes (t. #21), Yoko et compagnie retournent sur Vinéa pour, cette fois, y explorer les nuées d'Ultima, une zone gazeuse qui serait hors du temps !? Encore ici, le groupe fera la rencontre de Vinéens d'un autre temps, aux coutumes assez troublantes.
C'est comment?
Les premiers mots qui me viennent spontanément en tête suite à ma lecture sont touffu et complexe. En effet, les intrigues sont, de manière générale, non seulement très emberlificotées, mais elles sont narrées de façon si expéditive que les informations nous arrivent par pavés, et elles sont un peu difficiles à intégrer. Aussi vous conseillerais-je d'être en forme et bien alertes quand vous vous plongerez dans ces albums et, pourquoi pas, de prendre des petites notes de lecture!
Ceci dit, les mots suivants sont ingénieux et fascinant. Leloup a le tour d'imaginer des mécanismes, des concepts ou des phénomènes sociétaux complètement originaux, différents et souvent très songés! Vinéa est un univers étonnant, si intrigant qu'on serait tenté d'aller le visiter à notre tour! Et pour ce qui est des aventures se déroulant sur Terre, ce sont les idées et les réalisations des gens que Yoko croisent qui sont totalement déroutantes! Bref, on ne peut que louer l'imagination extraordinaire de Roger Leloup, une imagination débordante qui détonne de tout ce qu'on peut retrouver ailleurs!
Mais, ultimement, c'est le mot humain qui reste en tête lors qu'on suit Yoko dans ses aventures. Quelle héroïne dévouée et compatissante! Elle n'hésite pas à travailler pour l'homme qui a ruiné son père simplement parce qu'il semble malade et dans le besoin... Forte et déterminée, elle doute néanmoins parfois d'elle-même, ou regrette de ne pas avoir fait les bons choix. Et elle est si ouverte sur le monde (sur LES mondeS, en fait!), et ouverte aux autres, et à leurs façons différentes de voir la vie, qu'elle est un parfait modèle de compassion. Et ça, ça fait du bien, dans le monde où l'on vit!
Au final, quand je compare ces commentaires-ci à ceux mentionnés dans mes autres critiques sur cette série, force est de constater que, tant sur le plan des forces que des faiblesses, cette série demeure très fidèle à elle-même! C'est déjà une belle réalisation, ça, non? À lire, dès 12 ans.
Mes bémols
- quelques petites faiblesses dans le dessin morphologique. Si le dessin technique de M.Leloup est d'une perfection fabuleusement maniaque, ses anatomies laissent quelques fois à désirer. Dans le haut de la p.26 du t. #18, par exemple, le pouce de Pol est littéralement du mauvais côté! Ou à la p.15 du t. #21, on peut voir une Yoko aux yeux si exagérément écarquillés qu'elle semble hydrocéphale!! Bon, ce n'est rien en comparaison de la dégradation faramineuse que l'on peut constater depuis les 4 ou 5 derniers albums que M. Leloup s'est entêté de sortir (nous en reparlerons sans doute!), mais quand même!
- la touffeur un peu trop intense des scénarii. Ça reste, album après album, le bémol le plus marquant de la série. Ça oblige à ce que les actions déboulent les unes après les autres à une vitesse infernale. Ça ne nous laisse pas le temps de souffler, ce qui est un moindre mal, mais ça ne nous laisse pas le temps d'assimiler ce qui se passe non plus... ce qui est plus grave! De plus, ça ne laisse pas suffisamment d'espace pour expliquer les motivations des gens, par exemple, ou pour les explications finales, qui sont toujours précipitées, donc trop verbeuses! Je viens de penser à une solution pourtant toute simple: changer le format des récits! Si M. Leloup étalait ses récits sur 54 ou 60 pages, au lieu des sempiternelles 48 planches, il pourrait les rendre beaucoup plus facile à assimiler!
- toujours quelques incohérences, quelques oublis ou des petits manques de clarté. Parfois, c'est léger: un accrochage qui semble trop artificiel, ou le fait que Yoko et Ingrid se vouvoient malgré qu'elles soient maintenant amies depuis longtemps... Mais d'autres fois, c'est majeur! Deux exemples: dans le t. #19, un homme meurt empoisonné... mais on découvre qu'il a simulé sa mort! Le problème, c'est que le médecin à qui on a demandé de confirmer sa mort est nul autre que... son assassin !? Comment a-t-il pu ne pas se rendre compte qu'il était vivant? Deuxième exemple, tout aussi majeur: dans le t. #20, deux hommes étranges apprennent à Yoko qu'ils l'ont déjà croisée... en 1548! Yoko utilise donc la machine temporelle de Monya pour retourner à cette époque et accomplir son destin. Elle croisera effectivement les deux hommes... Mais on ne nous explique jamais comment ces deux hommes du XVIe siècle se sont retrouvés à notre époque !?!? Dans ce dernier cas, avouez qu'il s'agit d'un bogue majeur, puisqu'il anéantit toute la trame narrative de l'album en question!:^O (** Voir les explications de Kirika, dans les commentaires, ci-bas**)
- le caractère figuratif des faire-valoir. Je le mentionne presque à chaque critique: non seulement Pol et Vic sont accessoires dans toutes ces aventures, mais ils sont des accessoires négligés et inutiles!! C'est vraiment dommage, car le premier est l'élément comique du groupe, et l'autre est l'amoureux de Yoko... Mais voilà: les récits sont tellement chargés que Leloup n'a pas de place pour digresser vers les blagues ou les amourettes de son héroïne. Encore ici: plus de pages aiderait grandement!
Les plus grandes forces de cette BD
- des incipits qui démarrent sur les chapeaux de roue! Leloup a vraiment le sens du punch pour agripper son lecteur dès la première planche! Il est d'ailleurs champion dans l'art de l'accroche de bas de page, talent qu'il a développé en travaillant dans Spirou, où ses récits étaient publiés par petits chapitres: il fallait le plus possible un punch ou un suspense à toutes les 4 pages, pour garder le lecteur en alerte jusqu'à la semaine suivante!
- des décors fabuleusement précis. Architecture et véhicules, réels ou fictifs, ont toujours été la force de Leloup, et c'est encore le cas dans ces tomes. Ce maniaque de précision technique faisait même, très souvent, des maquettes des villes ou des astronefs qu'il avait à dessiner, question de bien les maîtriser sous toutes leurs coutures et sous tous leurs angles!
- de bonnes idées de thèmes. J'ai déjà explicité tout ça dans le corps de mon texte principal. Allez le relire si vous ne vous en souvenez plus! ;^D
- une petite évolution pour un des faire-valoir! En effet, il se passe ENFIN quelque chose pour Pol: le voilà en amour !! L'arrivée de Mieke, dans le t.20, débute un nouveau chapitre dans la vie de l'éternel gaffeur-râleur: il se prend à devenir protecteur et tendre... et ça étoffe bellement (enfin!) sa personnalité! Bravo!
- un dossier-anniversaire super complet et très intéressant! À la fin du 20e album de la série, les éditions Dupuis ont intégré un dossier de 24 pages intitulé: le Monde fabuleux d'un personnage hors du commun, Yoko Tsuno: le langage du cœur. On y présente une analyse très complète de tous les points forts de la série (curieusement, on ne parle pas des points plus faibles! ;^). Tout y passe: l'héroïne et les personnages secondaires, les thématiques récurrentes, les valeurs et les univers représentés... Abondamment illustré, il nous permet de voir l'importante évolution graphique des personnages, qui ont bien changé, de 1970 à 1994!
À lire aussi : mes critiques des tomes #10, 11 et 17.
|