#02- LE CLAN DES SUPRÉMATISTES
Scénariste(s) : Jean-François Bergeron dit DJIEF
Dessinateur(s) : Jean-François Bergeron dit DJIEF
Éditions : Soleil
Collection : X
Série : White Crows
Année : 2012 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : S.F.
Appréciation : 5.5 / 6
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De la S.F. trop parfaite... pour durer!!?
Écrit le samedi 20 avril 2013 par PG Luneau
Sur Primor, capitale intergalactique des mondes connus, la belle Shelly Morimoto s’habitue peu à peu au fait de maintenant vivre chez son père et s’intègre doucement à son nouveau milieu. Elle découvre bien assez vite que les Humains ne sont vraiment pas les gens les plus appréciés du coin!! D’abord auprès des autres étudiants, à l’université, puis au cours d’une petite escapade qui l’a conduite jusque dans les bas-fonds du secteur 4, elle réalise que les siens sont vraiment relégués au second rang, contraints à vivre dans la misère quand ils ne sont pas tout simplement intimidés ou battus par tout un chacun!
Pourtant, parallèlement à ses constatations, le Haut Conseil des Constelnations vient de prendre une surprenante décision qui bouleversera peut-être un peu tout le monde! En effet, les membres de ce vénérable Conseil ont enfin décidé d’inclure la race humaine en leur sein!!? Si une telle nouvelle peut permettre d’envisager des jours meilleurs pour nos semblables, ce n’est pas bien long qu’elle déclenche aussi des représailles assez violentes : manifestations monstres de protestation, vandalisme, insultes et assauts… Frank Willis, le père de Shelly, est appelé à devenir le garde du corps personnel de la nouvelle ambassadrice humaine, venue pour officialiser le tout. Il n’aura donc plus beaucoup de temps pour encadrer sa fille, emportée dans la tourmente de cette tension sociale… Surtout que la fille en question, rappelons-le, garde, bien enfoui en elle, un secret «de fabrication» des plus étonnants!!
Encore une fois, je suis aux anges!! White Crows continue à m’émerveiller, à me faire rêver, à m’éblouir! Tout comme pour le tome #1, le scénario est d’un niveau de complexité idéal (ni trop simpliste, ni trop casse-tête), savant mélange de suspense, de revirements surprises, d’action virile et de découvertes stimulantes…sans oublier un peu de réflexion sur notre place dans l’univers (des êtres supérieurs? Mais en quoi??!)… et de belles pointes d’humour!
Le dessin?? Impeccablement parfait, tout simplement!! C’est vraiment, à mon sens, le travail de Djief le plus abouti, le mieux maîtrisé… et vous savez déjà, pour avoir lu mes critiques sur ses séries le Crépuscule des dieux ou Saint-Germain, à quel point j’aime son graphisme!! Ici, non seulement sa technique est parfaite, mais l’imagination et la créativité qu’il met à profit sont à leur summum : la S.F. permet, en effet, cet abandon, et Djief en profite à fond pour nous en jeter plein la vue!! De plus, ses couleurs, très chaudes, et ses effets spéciaux (pour tout ce qui est holographies, explosions, phénomènes surnaturels, etc.) font merveilles!! Vraiment, j’adore…
J’adore tant et si bien que Djief m’a littéralement coupé les jambes lorsqu’il m’a dédicacé cet album, dimanche passé, au Festival de la BD francophone de Québec!! C’est qu’il m’a annoncé, comme ça, tout bonnement… que ce tome serait le dernier de la série!! Et oui : Soleil n’a pas été satisfait des ventes du tome #1, alors fini White Crows!!! Je n’en croyais pas mes oreilles, et j’ai encore de la difficulté à le croire, une semaine plus tard!! Quelle catastrophe!! Juste au moment où d’intéressants nouveaux personnages venaient tout juste de faire leur apparition, où la situation prenait forme peu à peu et où on commençait à comprendre en quoi les Corbeaux blancs du titre allaient avoir un lien avec l’histoire de Frank Willis, le dur à cuire, et de Shelly, sa douce fleur bleue!? Mais non!! Soleil, racheté depuis quelques temps par Delcourt, ne juge pas le tout suffisamment lucratif, donc il tire la plug!! Jamais plus le si sympathique Vecteur, ce robot ménager aussi efficace que gaffeur, ne viendra ajouter son amusant grain de sel dans les escapades de Shelly. Jamais plus Willis (et sa face de Bruce!) ne sauvera la veuve, l’orphelin et le monde en allant faire son épicerie. Jamais plus la belle Shelly n’en fera à sa tête en transgressant les interdictions de son paternel pour vivre sa vie de jeune adulte à sa manière!
C’est vraiment désolant, pour ne pas dire révoltant! Y aurait-il moyen de renverser la vapeur?? Pourrait-on forcer les éditeurs à revenir sur leur décision?? Ce serait sûrement étonnant, mais j’écrirai sans doute quand même une lettre à ces plouks qui ne savent pas reconnaître les bonnes choses! Ça ne nous donnera probablement pas de tome #3, mais ça soulagera ma conscience… et mon trop plein d’amertume!! Qui sait? Si vous écrivez, vous aussi, chez Soleil, pour réclamer le retour de cette perle de série qu’est White Crows (et qui s’adresse, soit dit en passant, aux gens de plus de douze ans), peut-être que le poids du nombre ferait son petit effet??! On ne peut qu’espérer!
Plus grandes forces de cette BD :
- les couleurs et les effets spéciaux. Et c’est Djief lui-même en personne qui les réalise!! Déjà, sur la couverture, on peut voir l’intéressant effet des éclairs ultralumineux sur le fond violet… d’autant plus qu’ils trouvent écho dans le court-circuit qu’on aperçoit sur le tatouage du bras droit de la pauvre Shelly! Tout l’album est sous une dominance d’orangé, de rouge et de jaune. Même les scènes aux ambiances plus froides contiennent des verts avec tellement de jaune que ça reste quand même chaud! Et j’adore les traits de lumière évanescente qu’on retrouve parfois, comme au bas de la p.25, quand la voute à particules est en action!
- ma sublime dédicace : Vecteur à la popote! Djief a non seulement la gentillesse de toujours nous demander ce qu’on aimerait qu’il nous dessine, mais il a de plus l’extrême générosité de répondre à ces demandes et le talent fabuleux de pouvoir le faire de manière fulgurante!! C’est génial! Comme j’ai eu droit à un beau Frank dans mon tome #1, je m’enlignais pour demander une Shelly. Mais comme elle apparait, en pied, sur cette couverture, je me suis dit que j’opterais pour un personnage secondaire. L’amusant Vecteur s’est donc imposé d’emblée… Et pour ce qui est de ma belle Shelly, que je me réservais pour la dédicace du tome #3, et bien je n’ai plus qu’à en faire mon deuil!! ;^(
- l’humour et les clins d’œils! J’ai vraiment beaucoup apprécié le tablier de Vecteur (I love HAL), à la p.5 (et dire que les Français n’ont pas pu apprécier ce gag car le fameux HAL du film 2001, l’Odyssée de l’espace ne portait apparemment pas ce nom, dans la traduction française du film!! C’est du moins ce que Djief m’a raconté lors de notre dernière rencontre!!!). De même, j’ai trouvé fort chouette de découvrir un des mémorables Shingouz de Valérian, parmi la foule, au bas de la p.8!!... J’imagine, de plus, tous les autres caméos, calques, allusions ou parodies qui m’ont échappé!!
- les pistes de développements à venir… même s’ils ne viendront finalement pas (bou hou hou!!)!! En effet, avec l’entrée en scène du vieux Gurney, on fait allusion, pour la première fois, au concept de Corbeaux blancs, ces White Crows qui donnent leur nom à la série. C’est subtil et encore très flou, mais ça nous permet de savoir que l’auteur était cohérent en ne perdant pas de vue son but ultime… même si la partie est finie (bou hou hou!!) !!
Ce qui m’a le plus agacé :
- les dialogues, parfois un peu forcés, surtout au début. En effet, les échanges entre Shelly, son père et leur robot, aux p.5, 6 et 7, manquent un peu de naturel. Ils ont été conçus pour re-situer les lecteurs qui ont lu le tome #1 et bien encadrer ceux qui débutent par ce tome #2… mais ça sonne artificiel! On sent la mécanique des répliques : celle-ci vise à nous faire comprendre que Shelly est la fille de Frank, cette autre, que Shelly possède des éléments robotisés… Le tout manque encore un peu de subtilité.
- l’absence de véritables «races» extraterrestres vs la surabondance d’E.T. En fait, je ferais à Djief le même reproche que je faisais à Arleston et Pellet pour leur série les Forêt d’Opale : la grande diversité de formes, de couleurs et de physionomies de tous les figurants de la série est fabuleuse, et démontre d’une incroyable créativité… mais on ne croise jamais deux individus ayant l’air d’appartenir à la même espèce!!? Ce petit détail, à mon sens, est un indice important de la cohérence d’un univers fictif. Disons que le créateur invente un personnage secondaire extraterrestre, un humanoïde avec trois tentacules roses sur la tête et une corne de rhinocéros à la place du nez, par exemple. Comment se fait-il qu’on ne rencontre jamais, nulle part dans aucun des deux albums, d’autres figurants ayant ces attributs? Le dit personnage est-il le dernier survivant de son espèce?? Ce serait étonnant! Est-il le seul présent de son espèce à Primor? Ça, c’est déjà plus logique… Mais alors, pourquoi chaque figurant semble être le seul membre de son espèce dans la capitale intergalactique?? Ça, ça fait très étrange… je dirais même que ça fait si étrange que très peu crédible!! Messieurs les auteurs : pour plus de cohérence, pensez à réexploiter, dans vos prochains albums (sauf dans ce cas-ci, bien sûr : bou hou hou!!) les chouettes E.T. que vous avez conçus dans vos albums ou vos planches antérieurs!!
- la disparition de la série!! BOU HOU HOUH!!!!! J’en ai assez parlé (et pleuré!!), vous comprenez certainement ma peine… et il n’y a plus rien à y ajouter… Du moins, rien qui ne soit pas grossier à l’égard des éditeurs!! ;^p
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