#02- LE VOL DU CORBEAU, TOME 2
Scénariste(s) : Jean-Pierre GIBRAT
Dessinateur(s) : Jean-Pierre GIBRAT
Éditions : Dupuis
Collection : Aire libre
Série : Vol du corbeau
Année : 2005 Nb. pages : 56
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (2/2)
Genre(s) : Aventure, Quotidien, Drame de guerre
Appréciation : 3.5 / 6
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Au fil de l'eau, sur la péniche...
Écrit le samedi 04 décembre 2010 par PG Luneau
Alors que l’Himalaya, la péniche de René et d’Huguette, poursuit sa route vers Montceau-les-mines, question d’aller y chercher du matériel pour les Boches qui l’ont réquisitionnée, François et Jeanne n’ont qu’à bien se tenir! En effet, un officier allemand veille maintenant en permanence sur la péniche!! La vie à bord devient plutôt tendue, surtout quand on réalise que l’homme en question parle très bien français (c’est un Alsacien!!) et que les combats qu’il a dû mener sur le front oriental le perturbent dangereusement et lui bousillent la raison. Les «troubles post-traumatiques» ne datent pas que de la guerre du Golfe!
Pour sa part, François tente tant bien que mal d’aider Jeanne qui s’inquiète beaucoup pour sa sœur qui manque à l’appel. Tous les soirs, il quitte la péniche pour mener ses petites combines peu catholiques tout en tâchant de dénicher des indices ou des informations sur le sort qui a été réservé à cette jeune résistante communiste. Il va même jusqu’à confronter le commissaire de police qui les avait coffrés à l’origine, Jeanne et lui, pour le faire parler! Mais ce faisant, il laisse Jeanne seule avec l’Allemand-Alsacien, qui se fait de plus en plus pressant… et ce n’est certes pas René ou sa famille qui va pouvoir tenir tête à ce malabar en cas de pépin!
Cette conclusion du Vol du corbeau débute en mouton. En effet, jusqu’à la page 22, tout se déroule à une allure de péniche, pourrait-on dire, à l’image du premier tome. Puis, heureusement, les choses se mettent à bouger un peu. Agressions, attaque aérienne, accouchement, amours naissantes, retour inattendu, arrestations, découvertes et révélations diverses viennent (enfin, diront certains – et non sans raison!) ajouter un peu de piquant à ce récit de guerre.
Pour ce qui est du scénario, j’avoue être resté un peu sur ma faim. Est-ce parce que tout se noue et se dénoue sur le tard? Je ne saurais dire. Chose certaine, si on ajoute les 19 premières planches de ce tome aux 53 du tome #1, on en vient à un total de 72 pages pour introduire une action de 34 pages. C’est peut-être ce déséquilibre qui me laisse un peu pantois, de même que la faiblesse du secret de François, dans lequel j’avais mis beaucoup d’espoir. Heureusement, les dessins sont toujours aussi beaux et les couleurs, toujours aussi bien agencées, valsant encore entre le vert olive plutôt sombre et le jaune tournesol éclatant. Ce n’est pas pour rien que cet album a remporté le prix du meilleur dessin au prestigieux Festival international de la BD d’Angoulême, en 2006!!
Le Vol du corbeau, c’est finalement un récit sobre, tout en douceur, qui nous permet d’apprivoiser tout doucement cette période de l’Occupation allemande en France, à l’aide d’images d’Épinal fort réussies… Mais le tout manque solidement de punch. Dommage.
Plus grandes forces de cette BD :
- le talent de Gibrat pour illustrer les bâtiments et agencer ses décors. Dès la première demi-planche, où l’on voit la péniche voguer doucement sur un canal tranquille, Gibrat nous offre un bon aperçu de tout son talent. Bien que nos héros quittent lentement la ville pour la campagne, où l’architecture se fait plus rare, on sent le trait sûr et l’œil aguerri du dessinateur.
- l’action. Avec la présence de l’Allemand (qui s’avère être un Alsacien!) sur la péniche, puis le canardement suivi des contractions d’Huguette, c’est le début d’un petit effet domino salutaire… mais seulement à partir de la page 23!! Il était temps!!
- l’entrée en scène inattendue de Cécile. En effet, l’arrivée inopinée de la sœur de Jeanne, celle pour qui François et elle déployaient tant de ressources, vient bouleverser le récit. Elle entraîne une double réaction contradictoire dans le cœur de Jeanne (et, par le fait même, du lecteur!) : un vent de soulagement (la sœurette communiste est saine et sauve) mais aussi un suspense un peu paniquant (pourquoi François ne revient-il pas?!). C’est un moment fort du récit.
- la finale, en épilogue. Je ne vous dirai pas si elle est heureuse ou malheureuse, même que je ne vous en dirai rien du tout, question de ne rien trahir, mais je l’ai finalement beaucoup aimé!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’illustration de couverture, qui n’est pas conforme à la scène de l’album. En effet, lorsque Jeanne se retrouve catastrophée avec un fusil à la main, elle est bigrement moins habillée qu’elle ne l’est sur cette couverture!! Je comprends que Gibrat ou ses éditeurs préféraient une couverture plus présentable, plus grand public… mais alors pourquoi avoir opté pour cette scène? Ce n’est pas comme s’il n’y en avait pas d’autres!!
- une petite erreur de perspective, dès la page 4. À la cinquième vignette, j’ai vraiment l’impression que le soldat allemand est assis dans le vide!! La rambarde semble un peu trop loin pour lui supporter le popotin, non?
- le dévoilement de l’identité du délateur qui a balancé Jeanne. Curieusement, je n’ai pas été particulièrement bouleversé pour cette révélation. C’est pourtant une des pierres angulaires du récit, ce qui déclenche tout le reste! Était-ce parce que je m’y attendais, inconsciemment? C’est triste car j’aurais aimé adorer!!
- le titre, qui reste un mystère total pour moi. Est-ce parce que le corbeau est un animal rapace et profiteur? Ça serait en référence à François, voleur ET égoïste? Ou en lien avec l’image du corbeau comme symbole du «blackmailing», cette pratique qui fait en sorte qu’on salisse la réputation de quelqu’un en lui écrivant des lettres dénonciatrices, généralement vraies et embarrassantes, pour le mettre dans le jus? Tout cela est des plus flous!
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