#01- EN ROUTE POUR LA GLOIRE
Scénariste(s) : Diego ARANEGA
Dessinateur(s) : Diego ARANEGA
Éditions : Dargaud
Collection : Poisson-Pilote
Série : Victor Lalouz
Année : 2006 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Gags en demi-planche
Genre(s) : Humour mordant
Appréciation : 3.5 / 6
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le Roi des loosers pathétiques
Écrit le dimanche 13 décembre 2009 par PG Luneau
Quel pathétique fini que ce Victor Lalouz!! Déjà, sur la couverture, avec sa grosse tête dégarnie, ses lunettes énormes et son corps de chicot, il ne paye pas de mine. Entouré comme il l’est par les membres du groupe Village People, il sourit béatement, croyant sans doute démontrer la même virilité qu’eux… et sans se douter que leur virilité a des tendances un peu particulières!!
Puis, à la lecture, on réalise que… c’est pire que pire!! Plus on le voit interagir avec les gens de son entourage (ses collègues de travail et son psy, exclusivement), plus il sombre dans les abîmes du pathétisme. Quel insignifiant! Quel ignare! Quel idiot! Mais comment fait-il pour quand même tailler sa place dans l’univers somme toute assez compétitif de la radio? C’est très simple : il est si crétin que tout le monde croit qu’il joue un jeu, qu’il se crée un personnage d’imbécile heureux, qu’il joue la carte du second degré… Mais nous qui avons accès à ses pensées, nous savons bien qu’il n’en est rien : il est VRAIMENT stupide au cube, égocentrique, parfaitement incapable d’être à l’écoute des autres… et totalement obsédé par cet autre univers auquel il n’a évidemment pas encore goûté : le sexe!!
Malgré tout, il tient sa capsule radiophonique au cours de laquelle il répond (par des absurdités et des clichés tirés de magazines à deux sous) aux questions que ses auditeurs, de plus en plus nombreux, lui posent. Amoureux de la belle Nina (qui ne veut absolument rien savoir de ce nabot insipide!), il fantasme quotidiennement en imaginant toutes sortes de scénarii et se fait croire, à tort, qu’il gagne des points auprès d’elle!
Avec son psychiatre, c’est encore pire : il passe son temps à chercher des réponses inoffensives aux questions vicelardes du psy… mais tombe toujours sur la pire réponse possible, nous dressant ainsi, involontairement, un horrible (mais tordant!!) portrait de ses parents et de son éducation!
Le neuvième art nous a déjà habitués à plusieurs antihéros qui ont fait leurs preuves, le grand Gaston en tête. Mais si Lagaffe était looser, il n’en demeurait pas moins amusant et sympathique de par sa créativité, sa serviabilité et son ingéniosité. Victor, lui, est enfoui si profondément dans le crétinisme, qu’il se contente de nous fait sortir le pire de nous! En effet, je réalise avec stupeur que ce qui me plait le plus dans la lecture de tous ces gags en demi-planche, c’est de rire méchamment de ce plouk, tout simplement!!! Adieu compassion, vive le défoulement jubilatoire. Totalement antichrétien comme attitude… mais qu’est-ce que ça fait du bien!
Bref, c’est une agréable découverte que ce petit bonhomme déconnecté, qui vit dans sa gigantesque bulle de fausses joies. Bien sûr, vous l’aurez compris, les déboires de ce looser obsédé ne s’adressent pas aux enfants, contrairement à ce que le style graphique très caricatural pourrait laisser croire. D’ailleurs, c’est ce côté qui m’a personnellement le plus dérangé : je trouve les dessins de monsieur Aranega carrément laids! Ses personnages aux corps ridiculement effilés et aux gigantesques têtes en forme de hamburger me déplaisent royalement! Heureusement que l’humour mordant est suave à souhait, car si ça n’avait été que des dessins, je n’aurais jamais eu le courage de poursuivre ma lecture jusqu’à la fin. D’où ma note relativement moyenne pour cette série que j’aurais adorée si elle avait été dessinée par quelqu’un d’autre!! Dommage!
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture, avec ce crétin de Victor qui se retrouve dans un wagon de métro entouré par quatre brutes bien baraquées. Vêtues en motard, en policier-patrouilleur, en «marine’s» et en gars de la construction, ils représentent évidemment les membres du populaire groupe Village People.
- les titres de chaque gag. Souvent, ils constituent un jeu de mots en soi. Sinon, c’est le contraste ou l’adéquation avec le gag illustré qui donne tout leur sens aux titres, les rendant presque toujours désopilants.
- le personnage principal, antihéros par excellence. Malgré toutes ses tares génétiques et ses lacunes sur le plan des habiletés sociales, le pauvre bougre espère devenir une star!!... Probablement pour s’assurer d’avoir à portée de la main tous les nichons auxquels il rêve béatement !?!
- l’humour absurde, très second degré… ou plutôt les réactions très «premier degré» de Victor qui, aux yeux de ses proches, passent pour être de l’humour au second degré… Est-ce à dire que tout cela constitue du troisième ou du quatrième degré pour nous, lecteurs ?!?
- l’illustration de la page de garde. Je n’avais pas réalisé, au début de ma lecture, que le psy s’était équipé de maïs soufflé et de boisson gazeuse, comme s’il était au ciné! Il est vrai que, quand Victor lui raconte ses rêves, ses fantasmes ou ses cauchemars, on n’est pas très loin du délire!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la pauvreté des décors. Généralement, les personnages (déjà laids!) se retrouvent devant de grands à-plats de couleur uniforme, fade et vide. Rien pour raviver l’œil.
- le graphisme des personnages filiformes. Bouba et Sami ont l’air de Filopat et Patafil, des personnages d’une petite série d’animation boboche de mon enfance : on dirait des bonshommes allumettes dont on aurait à peine doublé les contours! Je me demandais à chaque fois comment leur grosse tête faisait pour ne pas s’affaisser en fracassant les minuscules vertèbres cervicales qui la soutenaient !!
- le langage franchouillard branché. Bien qu’il fasse très «in», surtout dans le contexte d’une station de radio, j’avoue que les «Kivalaséki?», les «Tu déchires!» et autres «Les auditrices te kiffent, man!» m’ont un peu tapé sur les nerfs. Heureusement, il n’y avait pas trop d’abus.
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