#01- LE TRÉSOR DES MOAÏ
Scénariste(s) : Pascal BRESSON
Dessinateur(s) : Curd RIDEL
Éditions : Glénat
Collection : X
Série : Ushuaïa - les Aventures de Nicolas Hulot
Année : 2010 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Aventure, Adaptation littéraire, Humour, Aventure policière, Documentaire, Fantastique mythique, Récit de voyage, Hommage
Appréciation : 4 / 6
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De la belle aventure... mais pas toujours très crédible!
Écrit le dimanche 19 août 2018 par PG Luneau
Tomes lus : #01- le Trésor des Moaï
#02- la Peur blanche (3,5 / 6)
S'il y a un mot qui ne trouve aucune résonnance de mon côté de l'Atlantique, c'est bien le mot Ushuaïa!! Jamais je ne l'avais entendu!!? Il faut dire que je ne regarde ni TV5, ni le canal Découverte! Mais une courte visite sur le Net m'a donné une bonne idée de ce qu'il en était.
Ushuaïa, c'est d'abord et avant tout une émission documentaire française au cours de laquelle l'animateur Nicolas Hulot parcourt différents écosystèmes à travers la planète afin de faire découvrir à tous les splendeurs de la nature. Une espèce de mélange entre les chroniques de l'Oncle Pierre et Destination voyage, avec Robert Viau, quoi! (Bon, là, je sais, ces références ne s'adressent qu'à ceux de mes lecteurs qui ont 55 ans et plus... et qui ont une bonne mémoire, en plus!! Désolé, je n'en ai pas d'autres! ;^)
Bref, les bédéistes français Pascal Bresson et Curd Ridel se sont plu à imaginer des aventures qui auraient pu se passer en marge des tournages de ces reportages in situ. Des aventures à la Tintin ou Indiana Jones, dans la plus pure tradition du genre! Et afin de se donner le plus de maniabilité possible, les auteurs ont choisi de nous présenter non seulement le (j'imagine) célèbre écologiste, mais aussi toute son équipe de production! Ça fait en sorte que, comme dans la vraie vie, l'animateur peut s'appuyer sur plus d'une douzaine de personnes pour l'aider à résoudre les mystères qu'il rencontre... ou pour le sortir du pétrin! ;^)
Car des mystères, il en rencontre, le Nicolas! Dans le premier tome, on le retrouve sur la belle île de Pâques, aussi célèbre que méconnue. Malgré l'hostilité à peine voilée de la plupart des natifs, l'équipe tourne le reportage prévu, sur les tortues géantes... Mais intimidation, sabotage, assauts et même disparitions seront au rendez-vous!! :^O C'est que cette île en cache peut-être plus qu'il n'y paraît!!
Puis, dans l'aventure suivante, c'est dans le Grand Nord arctique que Nicolas et ses comparses se retrouveront. L'esprit de l'ours blanc, troublé par tous les bouleversements (climatiques ou autres) qui l'entourent, semble vouloir se manifester à l'animateur-vedette : rien ne va plus dans le grand désert glacé! D'autant plus qu'un cruel et machiavélique braconnier russe saccage tous les ours, sans égard aux quotas ou aux réglementations! Encore ici, menaces, attaques diverses, blizzard et chute dans l'eau glacial de l'Arctique ne sont que quelques-unes des péripéties qui chambouleront le tournage de nos nouveaux copains!
Comme vous le voyez, ce n'est pas l'action qui manque dans cette très jolie petite série... Ça bouge, ça court, ça cherche, ça se bat... Non, ce serait plutôt le réalisme, la clarté et la fluidité qui font parfois un peu défaut! :^( Si le premier tome nous réserve des revirements-surprises intéressants, qui peuvent nous faire oublier certaines situations plus ou moins claires, le tome #2 ne peut quant à lui compter que sur la beauté de ses images, de ses couleurs... et sur la tronche incroyable de ses deux petits oursons, mimi tout plein! Dommage, j'aurais vraiment aimé pouvoir m'accrocher à des situations plus réalistes...
Serait-ce pour cette raison que la série s'est arrêtée, après la parution du tome #3 (que je n'ai malheureusement pas!), en 2012? Ou bien est-ce dû au fait que monsieur Hulot, le «personnage» de cette série, se soit lancé en politique, allant même jusqu'à être nommé Ministre de l'Environnement sous le gouvernement d'Emmanuel Macron, il y a quelques mois à peine?? Toujours est-il que la série, qui reste une merveille pour les yeux de tous les lecteurs âgés de 10 ans ou plus, semble être en suspens depuis 6 ans...
Ce qui m'a le plus agacé :
- l'usage de l'ordinateur, qui est parfois un peu trop apparent. C'est particulièrement notable lorsque Ridel l'utilise pour rapetisser un item et le disposer en arrière-plan: certains détails y sont encore tellement nets et précis qu'ils ne peuvent qu'être le résultat du rapetissement d'un dessin qui aurait été préalablement exécuté dans un format plus grand. Ces changements d'échelles créent de petits débalancements dans la perspective ou dans notre interprétation des images...
- quelques petites bévues perspectiviennes. J'en ai dépisté deux. Dans le tome #1, à la p.6, les chevaux, qui sont sur un plan plus éloigné que le couple, seraient d'une taille titanesque, si on se fie à la perspective!:^S Et dans le #2, au bas de la p.11, c'est la motoneige rouge qui semble souffrir un peu d'un angle de vue bancal...
- les visages des personnages réalistes... c'est-à-dire de presque tous les principaux protagonistes! Si Ridel excelle dans les visages plus cartoonesques (il le prouve encore dans les premières pages du premier tome), il a beaucoup plus de difficulté avec les visages réalistes. Ses hommes ont des traits parfois trop parfaits (qui font figés) ou, d'autres fois, qui manquent d'homogénéité et de constance. Rajoutez à cela que certains personnages épisodiques se ressemblent (par exemple, les hommes de mains mexicains vs les deux fils du shaman, dans le tome #1) et vous comprendrez que l'on doive, à quelques reprises, se rabattre sur les vêtements pour confirmer l'identité de certains personnages! Pour ce qui est des femmes, elles ont systématiquement la lèvre supérieure exagérément gonflée et noire opaque (??!), ce qui leur donne comme une moustache à la Chaplin!!?? C'est à n'y rien comprendre!
- une certaine maladresse dans la façon de formuler les messages écologiques... On dénote un peu trop de phrases creuses ou de sentences moralisatrices bien appuyées. Dès la p.11 du premier récit, Hulot croisent des jeunes à l'aéroport et leur fait un petit sermon sur l'importance de respecter la nature... Dans le tome #2, on a droit à: «... il y a encore tant de choses à découvrir!» à la p.8, puis, en toute fin d'album, à «À nous de préserver ce précieux capital naturel, à nous aussi de témoigner de la beauté de cette vie en sursis...» Autant ces messages ont une réelle importance, autant il aurait été plus judicieux, à mon sens, de les formuler moins platement, de manière à les faire passer avec plus de subtilité...:^S
- les péripéties, qui manquent de crédibilité, qui s'enchaînent mal ou qui manquent de fluidité. C'est la grosse lacune de la série. Monsieur Bresson trouve de bons punchs, mais n'arrive pas à nous les transposer de manière à ce qu'on y croit, soit par manque de logique, soit parce qu'ils sont mal racontés ou encore parce qu'ils s'enchaînent mal les uns aux autres! J'ai plein d'exemples: pourquoi le vieux Moaï révèle-t-il son secret à Nicolas (#1, p.32)? S'il ne fait aucunement confiance aux Occidentaux, comme il le dit si bien, il n'a aucun intérêt à s'ouvrir ainsi (sinon, accessoirement, afin d'éclairer le lecteur!?)... Et dans le tome #2, c'est encore pire: l'attaque de l'ourse polaire, au tout début, comment survient-elle? Personne n'avait vu la bête approcher? Comment Hulot s'en sort-il? Il ne fait que tomber et la bête passe à côté?!? Pourquoi les Russes n'en profitent-ils pas pour la tuer, cette grosse bête? Ils avaient bien là un mobile cohérent!!? Puis l'accident d'Akiak, dans le bas de la p.9: il est totalement improbable!!? Il passe par-dessus son engin sans raison (ce qui est presque impossible!)... et ce dernier ne lui passe pas sur le corps, par la suite??:^P Et aux p.31 et 33, comment les Russes peuvent-ils NE PAS ENTENDRE les véhicules qui foncent sur eux?? Là encore, c'est impossible!!? Sans compter l'arrivée inopinée de Nicolas, qui était suspendu à une montgolfière deux secondes plus tôt!!? Et les conditions dans lesquelles Nic redonne ses petits à la maman ourse sont tellement irréalistes: ils libèrent la bête sans aucune précaution, sans aucune protection!!?? C'est grotesque! Non, vraiment, elle est bien difficile à croire, cette histoire au Nunavut!
- une petite coquille. À la p.8 du second tome, il est écrit dans la 3e bulle de la 3e vignette: «Ça nous ___ rappelé l'Afrique!». Manifestement, ou il manque un mot, ou il y a un accent aigu de trop!:^)
Plus grandes forces de cette BD :
- la brillance exceptionnelle des couleurs! Sans rire, je crois que c'est d'abord et avant tout la grande saturation des couleurs qui m'a décidé à me procurer ces albums!? Comment voulez-vous ne pas craquer pour le bleu capiteux de la couverture du tome #1?? ;^) Pierre Schelle et Sandrine Fricot, qui se sont partagé la tâche de colorer les planches de monsieur Ridel, ont fait un boulot tout simplement fantastique, principalement dans le premier tome (le #2 se déroulant sur la blanche banquise, c'est forcément moins évident d'en jeter plein la vue côté couleurs! ;^). En fait, c'est la première fois que j'accorde un demi-point de plus à des albums juste à cause de la coloration. Bravo, monsieur-dame les coloristes! ;^)
- le petit clin d'œil à Largo Winch, dans le tome #1!! En effet, on nous présente Bruno, le médecin du groupe, comme un grand amateur de cette série BD. Il est même en train de lire le tome Dutch connection de cette série, très facilement identifiable de par sa couverture bien visible! ;^)
- la précision quasi-photographique des décors, accessoires et véhicules représentés de façon réaliste. Wow!! Monsieur Ridel parvient à nous dessiner des motoneiges, des jeeps, des autobus, des caméras, des équipements de plongée high-tech et des tonnes d'autres bâtiments ou objets avec un réalisme vraiment très impressionnant! Ses animaux sont aussi particulièrement bien réussis, tant les baleines que les chèvres, les requins, les morses, les narvals et les ours polaires! J'ai adoré... avec un coup de cœur tout spécial pour les deux trop mignons petits oursons, bien évidemment! ;^)
- la volonté d'exploiter une phrase dite par Nicolas Hulot en personne, phrase qui apparaît en quatrième de couverture: «L'émerveillement est le premier pas vers le respect... ». Toutes les aventures suivent le pas de cette épigramme, et l'émerveillement en question transpire tout au long des récits: les décors sont splendides, on se croirait en voyage. Cet aspect est très bien rendu.
- le petit côté documentaire, tout à fait dans la foulée de l'émission Ushuaia. Ainsi, par la bande, on découvre quand même certaines beautés de la nature, on en apprend un peu sur la faune, la flore et les habitudes des habitants des régions visitées. J'ai personnellement pu apprendre, par exemple, ce qu'est un octodon et un amphiprion, grâce à ces lectures! ;^)
- la grande bande de personnages. Il y a tellement de gens autour du héros(j'en ai dénombré une douzaine!?!), chacun avec leur spécialisation, qu'on finit par y croire! Surtout que mes petites recherches sur le Net m'ont permis d'en identifier plusieurs comme faisant EFFECTIVEMENT partie de la véritable équipe de tournage de l'émission!:^O Si certains sont plus passifs, on s'attache néanmoins à Laurent le plongeur, Christian le pilote de l'hélico, Georges le photographe... et, surtout, aux deux membres par lesquels les situations comiques surviennent, soient Bruno le médecin et Petit Chou, le genre d'homme à tout faire! ;^)
- les méchants n'y vont pas de main morte! Que ce soit le personnage qu'on lance d'une falaise de plus de 20 m dans le tome #1, ou le cruel massacre animalier (totalement gratuit!) du tome #2, les dangers sont bien réels pour nos héros! On n'épargne pas les jeunes lecteurs, et c'est très bien ainsi...
- la richesse des détails dans la page de garde du tome #2. Il s'agit en fait de l'agrandissement d'une des vignettes de l'album, mais elle nous permet de constater à quel point monsieur Ridel est d'un naturel généreux!! ;^0
- l'utilisation des termes actuels, comme inuit ou Nunavut. Enfin, nos amis européens sortent un peu de leur sempiternel archaïsme et ne parlent plus d'Eskimaux (bien qu'on y fasse encore allusion, à un certain moment dans le récit!)...
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