#02- IL FAUT SAUVER LA PYTHIE SALPETRIA
Scénariste(s) : Delphine Maraninchi dite MADY, Ludovic DANJOU, Philippe FENECH
Dessinateur(s) : Philippe FENECH
Éditions : Vents d'Ouest
Collection : X
Série : Ulysse!
Année : 2012 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit complet... à suivre
Genre(s) : Fantastique mythique, Humour parodique
Appréciation : 4.5 / 6
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Coincés entre le Mais-si et le Pro-fête!
Écrit le jeudi 16 avril 2020 par PG Luneau
Plusieurs années après avoir critiqué le tome #1 de l'éphémère série Ulysse!, voilà que je profite du confinement planétaire pour en lire le second (et, malheureusement, ultime) tome : Il faut sauver la pythie Salpetria. C'est un tome qui peut très bien se lire de façon autonome, mais tout à fait dans la continuité du premier! En effet, Ulysse y poursuit son retour vers Ithaque en compagnie de ses comparses Momo (qui n'est en fait, on l'a appris à la fin du premier tome, que le génial Homère, enfant!), Ti'Piak, Hélamèr et Salpetria, la pythie du titre.
En ce début d'album, une attaque de pirates force nos amis à faire une escale sur une île où la population est farouchement divisée en deux clans opposés, en perpétuel conflit. En moins de temps qu'il n'en faut pour dire ouf!, Salpetria se fait enlever par le cyclope qui sévit sur l'île. N'écoutant que leur grand cœur, question de libérer les habitants de l'île du joug de ce monstre (mais, aussi, beaucoup, pour retrouver leur pythie!), Ulysse et Momo se feront conduire par les chefs des deux factions (Mais-si le pessimiste et le Pro-fête, qui répète tout 5 fois!?) d'abord chez les Amazones, qui vivent dans un racoin difficilement accessible de l'île, puis chez le fameux cyclope... Mais la route sera semée d'embûches... D'abord, les deux chefs de clan ont toutes les misères du monde à se supporter. Puis, un labyrinthe comportant énigmes, portes secrètes, pièges et créatures monstrueuses sépare nos amis du territoire des Amazones. Sans compter l'absence de soutien divin, puisque c'est Salpetria leur lien avec Athéna! Bref, heureux qui, comme Ulysse... ;^)
Vous l'aurez peut-être compris, cette épopée à l'image d'un scénario de jeu de rôle à la Donjons & Dragons est d'abord et avant tout un prétexte pour critiquer avec beaucoup d'humour les divergences religieuses et toutes les chicanes qui en découlent. Avec les partisans du Mais-si contre ceux du Pro-fête, l'allégorie est assez claire, d'autant plus que ces deux clans se chamaillent en présence d'un tiers-groupe, dirigé par le Maussade!! ;^) Encore cette fois-ci, comme c'était le cas dans le tome #1, les jeux de mots et les détournements de sens sont légions, et ne visent qu'à nous faire sourire, tout au long d'une aventure qui se veut tout de même enlevante et bien ficelée.
C'est vraiment dommage que cette série n'ait pas su trouver son public et qu'elle ait été arrêtée. J'en aurais pris encore plusieurs, moi, de ces aventures!
À lire aussi : la critique de Yaneck.
Mes bémols :
- le look définitivement trop féminin du héros! M. Fenech a choisi de le revêtir d'un superbe plastron métallique doré... mais affublé de deux énormes excroissances pectorales qui lui font une poitrine à la Dolly Parton tout ce qu'il y a de plus féminine! Ajoutez à cela la jupette et les longs cheveux blonds (Grèce antique oblige!), tout du long j'ai eu l'impression d'être en présence d'une jolie femme très costaude.:^S
- quelques petits bogues graphiques. La jambe droite du cyclope, par exemple, à la 10e vignette de la p.33, est vraiment bizarrement positionnée: j'ai perdu plusieurs secondes à la conceptualiser, pour réaliser que son pied y semble bien plus long que son tibia!! Autres exemples, certains manques de clarté: dans la fluidité des actions du bas de la p.34 (d'où sortent ces poils? De l'angle où Ulysse semble tomber, comment peut-il s'y accrocher?) comme dans les proportions de la p.39 (où l'échelle graphique entre les héros, la salle où ils se trouvent, le cyclope et la tour en entier semble totalement élastique). Ça m'a parfois déconcerté lors de ma lecture...
- le manque de conformité orthographique. Si on nous présente le vieux comme s'appelant Hélamèr, en p.2, pourquoi le baptiser Hélamer à la p.4?? Est-il installé au pays depuis si longtemps qu'il en perde son accent? (Tiens, cette folie des jeux de mots semble contagieuse! ;^D)
Les plus grandes forces de cette BD :
- les superbes traits de Fenech. Grâce à sa maîtrise du style semi-caricatural, ce dessinateur parvient à rendre tous ses personnages hyper sympathiques! C'est un plaisir pour les yeux! Ma sublime dédicace (que je vous remets ici, tant elle me subjugue!) en est la preuve ultime s'il vous en fallait une!
- le foisonnement de détails et de clins d'œil. Prenez le temps de bien observer les décors, la forêt du haut de la p.8 ou la grille d'entrée des jardins de Poséïdon, par exemple. Quand ce ne sont pas des petits gags cachés, ce sont de mignons petits animaux qui enjolivent l'ensemble! Bravo pour votre minutie, M. Fenech! Et que dire du nombre de clins d'œil: à Joe Dassin (p.6), à Histoire de jouets (p.18), à King Kong (p.41 à 43), à Maya l'abeille (p.42)... et j'en passe des tonnes, dont tous ceux en lien avec la thématique religieuse (voir plus bas).
- l'allégorie sur les conflits religieux. Quelle belle façon d'aborder, avec humour (ce qui est toujours très délicat), la problématique des conflits entre chrétiens, juifs et musulmans! Cette idée du père décédé et de ses deux fils qui se déchirent sa région (le Mais-si et le Pro-fête), sous l'œil affuté du Maussade, j'ai trouvé ça finement amené. Chapeau à l'équipe de créateurs!
- les jeux de mots, les jeux de mots, les jeux de mots et les jeux de mots (vous l'ai-je dit: les jeux de mots?)... Ils doivent occuper au moins le quart du récit! Ça ne finit plus: il ne se passe pas trois phylactères sans qu'il n'y en ait un nouveau!? J'avais bien raison, dans ma critique du premier tome, de comparer Mady, Danjou et Fenech à Goscinny. Leur humour s'étend à tous les styles: jeux de mots subtils, d'autres plus faciles, certains en lien avec notre modernité (la Dent bleue de Salpetria qui lui permet de rester en contact avec sa déesse, ou les célèbres Amazones, en manque de stock mais «...les gens qui ont acheté cet article ont également acheté...»). Bien sûr, plusieurs sont en lien avec la thématique religieuse, comme «Prends, ceci est mon cor.» (p.26) ou «Rhaa! Ma dent!» (p.44). Tous ces punchlines sont, sans contredit, LA plus grande force de ce trio de bédéistes. Mon préféré? «Un père, des fils et pas un saint d'esprit...» (p.9)! J'adore! ;^D
- une intrigue bien ficelée et enlevante. J'ai bien apprécié les épreuves que les personnages principaux ont eu à résoudre pour sortir du labyrinthe les menant au territoire des Amazones. Les énigmes y étaient chouettes et mettaient nos neurones à contribution. Ces épreuves ajoutaient du suspense, c'était intéressant. J'ai aussi beaucoup aimé le punch final (que je tairai ici, bien sûr!). J'ai surtout apprécié le fait que les auteurs nous ont laissé plusieurs indices, tout au long de l'album, pour nous pister. On ne pouvait peut-être pas vraiment découvrir le pot-aux-roses par nous-mêmes, mais on avait tout en main pour savoir qu'un tel pot existait! C'est une preuve de scénario bien réfléchi! Bravo encore!
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