SOURIS!
Scénariste(s) : Raina TELGEMEIER
Dessinateur(s) : Raina TELGEMEIER
Éditions : Scholastic
Collection : XX
Série : Souris!
Année : 2004 Nb. pages : 218
Style(s) narratif(s) : Roman graphique (Comics)
Genre(s) : Blogue, Quotidien, Humour, Autofiction
Appréciation : 5 / 6
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Comment mordre dans la vie... même avec un appareil dentaire!!
Écrit le samedi 23 août 2014 par PG Luneau
Un soir, au retour d’une réunion de jeannettes, Raina décide de faire une petite course amicale avec une copine… Grand mal lui en prit : un malencontreux faux pas la fait basculer, et la voilà qui atterrit face la première sur le trottoir, ce qui privera son sourire de ses deux palettes centrales!! :^O
Un accident banal, en soi… Mais quand on a 11 ans et qu’on désire plus que tout sortir du monde de l’enfance et se faire reluquer par les jeunes garçons de son âge (idéalement les plus beaux!! ;^), c’est un véritable drame! Surtout que l’histoire de sa restauration ne sera pas de tout repos : elle sera truffée de toutes les complications possibles et imaginables!!
Mais soyez rassurés, Raina s’en sortira tout de même! La preuve? Elle deviendra dessinatrice… et décidera de raconter son épopée sous forme de BD!!! Eh oui! C’est à une autofiction que la bédéiste Raina Telgemeier nous convie ici. Un récit biographique au cours duquel l’épopée dentaire de l’héroïne deviendra un prétexte pour nous servir un superbe portrait de la préadolescence, incluant la découverte de soi et le sacro-saint désir d’acceptation par ses pairs.
Ainsi, avec la jeune Raina, on s’attardera à tous ces micro-événements qui marquent la transformation d’une jeune fille en jeune femme : le perçage de ses oreilles, ses premiers émois pour un garçon, son premier soutien-gorge, ses amies qui changent aussi, l’acné qui envahit son visage, ses intérêts qui se précisent, son premier béguin plus sérieux (qui l’obligera à flusher cavalièrement le gars du premier émoi!!), l’amour à sens unique, l’entrée au secondaire et les petites humiliations scolaires qui s’en suivent, son désir de se trouver un groupe d’amis qui lui ressemblent… mais qui la pousse à présenter parfois une facette un peu altérée de sa personnalité!… Bref, c’est toute cette période, de 11 à 15 ans, qui trouve ici un parfait miroir! En fait, on retrouve dans Souris! les parfaites prémices au Glorieux printemps de Sophie Bédard, cette tétralogie qui se concentre plutôt, avec tout autant de justesse et d’humour, sur le vécu des jeunes de 15 à 17 ans!! ;^)
Mais quelle délicieuse petite bulle de bonheur que cet album!! Je ne sais pas si c’est à cause du dessin, tout simple et joyeux, mais très parfaitement contrôlé (un merveilleux mélange des styles d’Émile Bravo et de Lynn Johnston!), des belles couleurs vives ou de la franche honnêteté de l’auteure, mais on succombe irrémédiablement au charme et à l’humour de ce court roman graphique… et ce, peu importe notre âge ou notre sexe!!
Raina est pourtant une jeune fille tout ce qu’il y a de plus saine, d’une normalité à faire peur!?! C’est peut-être d’ailleurs pour ça que je m’y suis un peu reconnu!??! ;^) En somme, son récit est si simple et léger qu’on ne peut que le trouver sympathique!! ;^)
Aussi, ne vous laissez pas décourager par la couverture (ma foi, assez ordinaire!) de ce petit bijou, et laissez-vous plutôt tenter par cette chouette tranche de vie, dans la lignée de ma série-fétiche, For better or for worse (de Lynn Johnston, justement!! ;^)
Pour tous, dès 11 ans… mais peut-être un peu plus pour les jeunes filles de 11 à 15 ans! ;^)
À lire aussi : la critique de mon amie Allie…
Plus grandes forces de cette BD :
- la jolie double page de titre, avec sa vue panoramique de San Francisco. J’ai bien aimé reconnaître cette ville (à cause d’Alcatraz, dans la baie!) avant même qu’elle ne me soit nommée! (Que voulez-vous, je suis bébé… un peu!! ;^)
- l’aspect autobiographique. Évidemment, un tel récit réaliste nous permet toujours de nous identifier aux personnages. Mais dans ce cas-ci, le fait de savoir que c’est l’auteure elle-même qui nous raconte son vécu réel, c’est doublement invitant : c’est encore plus personnalisé, on a vraiment l’impression d’être proche d’elle, d’être un de ses amis.
- le style de dessin, très jeune, souple et coloré. Je l’ai dit plus haut, il me rappelle un peu celui d’Émile Bravo, un de mes illustrateurs préférés! D’ailleurs, j’ai cru, il y a quelque temps, que c’est lui qui avait illustré les rééditions de la célèbre série de romans le Club des Baby-sitters… mais j’apprends maintenant que c’était elle, Raina Telgemeier!!! ;^)
- la vivacité des couleurs, toutes en à-plat rehaussées de quelques ombrages. Ça donne un résultat très vif, très gai, très festif, qui plaira aux jeunes.
- quelques effets de mise en pages. La double page du tremblement de terre nous offre des vignettes aux cadrages éclatés, d’une belle énergie. De même, l’idée de présenter les planches de son souvenir d’enfance sur des pages jaunes, comme des feuilles jaunies par le temps, s’avère très intéressante!!
- une très belle diversité de plans et d’angles de vue. C’est disposé de manière très dynamique, et parfois intercalé d’illustrations pleine page, à raison de 2 ou 3 par chapitre!
- l’absence de temps mort! Évidemment, on est à mille lieues des récits d’explosions, de courses-poursuites ou d’échanges de coups de feu, mais les (més)aventures de la pauvre Raina roulent à un rythme soutenu : l’héroïne ne s’apitoie jamais très très longtemps sur son sort, malgré tout!
- toutes les informations qu’on découvre sur le monde de la dentisterie, de l’endodontiste au périodontiste en passant par l’orthodontiste!! Comme le dit si bien Raina : «Je ne savais même pas qu’il existait autant de «dontiste»!!» Je ne savais pas, non plus, que des dents pouvaient s’enfoncer dans les gencives, qu’on pouvait «plâtrer» des dents, ni qu’on pouvait aller au toilette en plein milieu d’un traitement de canal (comme à la p.34), avec tout l’attirail accroché après la bouche!!? Grâce aux déboires de Raina, c’est tout un monde qu’on explore doucement!! ;^)
- la représentation très juste du monde de la préadolescence. J’avoue que, d’un premier abord, j’ai trouvé un peu spécial de voir une jeune fille de 12 ans tripper autant sur le dessin animé la Petite sirène… jusqu’à ce que je me rappelle que c’est le propre de cet âge de vouloir avoir des privilèges et des responsabilités d’adulte… mais tout en restant attiré par certains trucs enfantins!! Et je dois dire que j’ai littéralement croulé de rire, à la p.156, quand j’ai appris que certaines jeunes filles se cherchaient des amis de gars simplement pour «s’entraîner» à flirter!! C’est trop mignon!! ;^)
- l’humour, bien présent dans toutes les péripéties! C’est vraiment sympathique de constater que Raina n’hésite pas de nous montrer ses petites malchances, en toute humilité!! Mes best of? À la p.108, quand sa prothèse tombe, et à la p.153, quand son prof intercepte les petits papiers qu’elle écrivait à sa copine… un classique des salles de classe!! ;^)
- de belles réflexions, subtiles, qui permettront peut-être à certains adolescents de relativiser leurs attentes et leurs perceptions. Celle de la p.162 est particulièrement intéressante : la jeune héroïne rêve de son premier baiser en le voulant parfait, avec la personne parfaite, dans un environnement parfait… mais elle réalise qu’avec ses boutons d’acné, son appareil dentaire et ses cheveux gras, elle est loin d’être aussi parfaite, elle-même, qu’elle le voudrait!!? ;^) Ce genre de contraste devrait ouvrir les yeux à certains jeunes qui s’en mettent peut-être un peu trop sur les épaules!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la couverture, plutôt fade, qui ne laisse rien supposer de la beauté du graphisme, à l’intérieur. L’idée de mettre des broches au légendaire Bonhomme sourire est amusante et originale… mais se limiter à ça, sur un fond turquoise (?!), ça me semble très peu accrocheur! En tout cas, moi, ça ne m’attirait pas du tout! À moins qu’il s’agisse d’une approche qui se veuille conceptuelle, en ceci qu’elle reflète l’état de la jeune héroïne, très mignonne derrière sa façade plus ordinaire??!! J’en doute! ;^)
- la typographie des textes. Les lettres y sont toutes en grosses majuscules carrées, qui donnent un effet trop officiel, pas assez ludique.
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