#04- PIRATES DE LA BAIE D'HUDSON
Scénariste(s) : Jean-Sébastien BÉRUBÉ
Dessinateur(s) : Jean-Sébastien BÉRUBÉ
Éditions : Glénat
Collection : Glénat Québec
Série : Radisson
Année : 2012 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (4/4)
Genre(s) : Biographie, Western / Amérindiens / Nlle-France
Appréciation : 4.5 / 6
|
la Conclusion des aventures héroïques d'un vire-capot... rescapé de justesse!!
Écrit le dimanche 30 mars 2014 par PG Luneau
Ouf!! Il n’y a pas à dire : la parution du dernier tome de la série Radisson est, en elle-même, une épopée presque aussi extravagante que les aventures de ce fascinant héros québécois!!
Pour faire une histoire courte, rappelons qu’à l’origine, le plus célèbre de tous nos coureurs des bois avait donné assez de matière au jeune Jean-Sébastien Bérubé pour qu’il en fasse au moins cinq tomes. Bérubé a été sage et il a finalement construit son scénario pour pouvoir le boucler en quatre… Mais voilà que les ventes du tome #3 n’ont pas satisfait les gens de Glénat-Québec, qui ont tout bonnement décidé de «tirer la plogue»!!! Sans tenir compte des nominations et des prix reçus par les divers tomes de la série (dont le prestigieux Bedeis causa, en 2010, pour le premier opus), ses éditeurs lui ont annoncé qu’ils préféraient mettre fin au projet, et que le quatrième et dernier tome ne serait pas publié!! Tant pis pour la conclusion de la biographie illustrée de ce fascinant personnage… et pour le respect des fans qui suivent la série!!?
Mais c’était sans compter sur la puissance des médias et du web!! En effet, cette annonce a soulevé une telle vague de protestations de la part des lecteurs et des gens du milieu que la jeune filiale québécoise de cet important joueur qu’est Glénat s’est finalement ravisée!! Pour notre plus grand bonheur, elle a su faire preuve d’un minimum de considération face aux lecteurs! Et c’est pourquoi nous pouvons donc lire le récit des dernières années de vie de ce cher Pierre-Esprit Radisson!!
Et quelle fin de vie!!? Plutôt mécontents des entraves administratives que le gouvernement de la Nouvelle-France voulait leur imposer, Des Groseillers et lui ont tôt fait de mettre leur patriotisme de côté… et d’aller proposer leurs services à leurs ennemis de toujours : les Anglais!!? Les deux beaux-frères (et amis!) séjourneront donc quelques temps à Londres, rien de moins, le temps de se faire des contacts. Radisson tombera même sous le charme d’une jolie brunette, nulle autre que la fille d’un des frères Kirke, ceux-là même qui ont combattu Champlain en essayant de s’emparer de Québec, plus de trente ans plus tôt!!?!
Le mariage de notre héros sera à l’image de ses aventures auprès des Anglais (et de tout le reste de son existence, à bien y penser!! ;^) : compliqué et épique!! Tant et si bien que lorsque le pauvre homme décidera de rentrer au bercail et de revenir dans le giron des dirigeants français, il devra abandonner sa femme dans la Blanche Albion!!
S’ensuivront d’incroyables aventures sur les pourtours de la Baie d’Hudson, où les forts, tant français qu’anglais, poussent comme des champignons… Pierre-Esprit Radisson et Médard Chouart des Groseillers, en bons héros flamboyants qu’ils ont toujours été, valseront de l’un à l’autre, tentant tantôt de maintenir la paix, tantôt de profiter des uns ou des autres. Bien malins ceux qui devineront avant la fin dans quel camp ces deux habiles vire-capots finiront!! ;^)
Comme dans les tomes précédents, le trait mince, stylé et juste assez nerveux de monsieur Bérubé continue d’égayer ses pages, nous transportant tantôt dans les terres sauvages des abords de la Baie d’Hudson, tantôt dans les salons londoniens (et bien souvent sur de gros voiliers d’époque, aussi!), le tout baignant principalement dans d’invitantes teintes automnales.
Quand je pense que nous sommes passés à deux doigts de ne jamais voir ces splendides planches!!?? Quelle tragédie ça aurait été!!? Maintenant, le cycle est complété. Radisson est mort (en 1710!) et enterré et monsieur Bérubé doit se pencher sur de nouveaux projets, tout en se remettant des horribles douleurs qui l’ont empêché de dessiner pendant presque deux ans!! J'ai appris que sa prochaine oeuvre porterait sur un voyage qu’il a fait au Tibet et qui l’avait beaucoup inspiré… Gageons que ce sera tout aussi passionnant! ;^)
À lire aussi : mes critiques des trois premiers tomes, ici, ici et ici.
Plus grandes forces de cette BD :
- ma dédicace. Lors du Salon du livre de Montréal, il y a un an et demi, monsieur Bérubé a gratifié mon album du joli buste d’Elizabeth Kirke, fille de John Kirke… et future épouse de Radisson! Elle ajoute une jolie touche de féminité et de glamour, après tous ces albums passés dans les bois, à la rude : vive l’élégance londonienne! ;^)
- la narration, par les personnages (en p.4), de ce qu’ils viennent de vivre au cours des derniers mois. C’est une belle façon de résumer ce qui s’est passé dans l’ellipse entre les deux albums. Toutefois, ça nous donne juste envie d’en savoir plus sur ces événements… Peut-être Bérubé avait-il prévu raconter tout ça en détails, mais qu’il a dû utiliser ce stratagème narratif pour répondre aux exigences de ses éditeurs?? Heureusement pour nous, la dernière page de l’album, avec ses notes biographiques plus détaillées, nous aide à y voir un peu plus clair!
- l’espèce de franglais parlé par les personnages anglophones. J’ai particulièrement adoré quand le colonel Carteret appelle des Groseillers «Gooseberry»!! ;^) Je me demande maintenant s’il s’agit d’une touche d’humour imaginée par monsieur Bérubé ou si cette appellation est véridique!?!
- certains aspects historiques fascinants. La rencontre entre notre héros et l’un des frères Kirke m’a littéralement jeté par terre! Je me rappelais de ces Anglais comme étant les ennemis de Champlain. Quand on m’a parlé d’eux, dans mes cours d’histoire, au primaire, je les avais vraiment catalogués comme les «méchants»… mais je ne savais pas qu’ils avaient eu d’autres liens avec notre histoire : Radisson est devenu le gendre de l’un d’eux!? Ce n’est pas rien! J’ai aussi bien aimé retrouver les noms d’autres personnages célèbres, comme Colbert ou Frontenac… De plus, j’ai apprécié en apprendre un petit peu plus sur la fondation de la Compagnie de la Baie d’Hudson, avec à sa tête… le Prince Rupert (d’où la rivière Rupert, dans le nord du Québec)!! D’une certaine façon, ce récit m’a presque autant rappelé mes cours d’histoire que ceux de géographie!!
- la belle réplique de la p.9 portant sur le fait qu’en Nouvelle-France, à l’époque, on accordait au moins autant d’importance au mérite qu’à la lignée de sang, contrairement à ce qui se faisait (et se fera encore longtemps!) sur le Vieux Continent. Voilà une tradition dont les «Canadiens français» n’ont pas hésité à s’émanciper rapidement!
- les flamboyantes couleurs, surtout dans la portion du récit qui se déroule à la baie d’Hudson. Elles dépeignent vraiment bien les vivifiants automnes québécois et leurs magnifiques couchers de soleil! ;^)
- quelques informations étonnantes. Vous le saviez, vous, que le foie de l’ours polaire est toxique??! Je suis très heureux d’en être maintenant informé : ainsi, le jour où je me retrouverai sur une banquise avec pour seule nourriture une carcasse d’ours blanc, je ne tomberai pas dans le panneau!! ;^)
Ce qui m’a le plus agacé :
- la carte des pages de garde. Bien que très complète, elle ne nous aide que très partiellement à comprendre le chemin parcouru par Radisson et ses hommes. En effet, aucune flèche ne nous indique, sur les trajets tracés, dans quel sens se sont faits ces voyages, et aucune date ne nous précise en quelle année ou vers quel mois nos héros se trouvaient à tel ou tel endroit. C’est dommage : il manque tellement peu de choses pour que l’efficacité de cet outil soit décuplée!
- quelques passages assez verbeux. La narration se fait un peu trop sentir, parfois, notamment aux p.10 et 11… Mais quand on connaît les contraintes qui ont été imposées à monsieur Bérubé, on peut comprendre qu’il ait dû choisir de survoler certains moments-charnières, pour se centrer sur l’essentiel. D’où les longs narratifs…
- la complexité de la situation entre les Gillam (père et fils) et Bridgar. Je n’ai pas trop saisi comment il se faisait que chacun d’eux se trouvait dans la Baie d’Hudson à l’insu des autres. Et qui a la préséance? Qui y était illégalement? Pourquoi? J’aurais aimé que les raisons politiques de cet imbroglio me soient plus clairement expliquées.
- un phylactère un peu confondant, au tout début de la p.40. Malgré que monsieur Bérubé ait débuté son texte avec le nom de la personne à qui on s’adressait, le fait que l’appendice pointe cette même personne m’a quand même un peu mélangé… Mais il s’agit là d’un infime détail : un rien me trouble, vous le savez bien! ;^)
|