#01- ARTHUR PENDRAGON
Scénariste(s) : François DEBOIS
Dessinateur(s) : Stéphane BILEAU
Éditions : Soleil
Collection : Celtic
Série : Quête du Graal
Année : 2006 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Fantastique médiéval
Appréciation : 5 / 6
|
Arthur et le Graal, encore et toujours...
Écrit le dimanche 23 mai 2010 par PG Luneau
Ah! Arthur Pendragon! Ah! Excalibur! Combien d’encre feront-ils encore couler? Merlin, Lancelot, Guenièvre, Morgane… Tous ces noms qu’on a l’impression de connaître depuis toujours… Comment ne pas être fasciné par leurs déboires, leurs quêtes, leur histoire? Et que dire de Bohor, Ygraine, Léaudagan de Carmélide ou Lot d’Orcadie, des noms qui étaient moins connus des profanes, mais que la désormais incontournable série télé (et BD!!!) Kaamelott nous a rendus familiers!?
Ces légendes immortelles ont été maintes fois adaptées, sous différents angles, tant en films qu’en romans ou en séries télé. Le domaine de la BD n’y a pas échappé non plus. On peut penser à la série Arthur (de Chauvel et Lereculey), au Chant d’Excalibur (d’Arleston et Hubsh), au tout récent Lancelot (d’Istin et Alexe), au méconnu Pendragon (de Hautière et Arranz, aux éditions Paquet), au plus réaliste Merlin (encore d’Istin, avec Lambert cette fois) ou, dans le mode loufoque, à l’autre Merlin (celui de Morvan et Munuera)… Toutes des séries qui me semblent assez intéressantes et dont je vous parlerai sans doute un jour…
Mais aujourd’hui, c’est sur l’excellente série la Quête du Graal, publiée dans la collection Celtic de chez Soleil, que je désire me pencher. Ce premier tome nous présente le jeune Arthur qui, en compagnie de sa mère, Lidoine, de son frère, Keu, et de son tuteur, le sage Merlin, fait le voyage jusqu’au Mont de l’Épée à la demande de ce dernier. Ils y vont pour y rencontrer l’ambitieux Lot d’Orcadie et tous les prétendants au trône de Bretagne qui tentent de dégager Excalibur, la précieuse épée qui s’y trouve enfoncée dans une gangue magique et qui donnera à celui qui la retirera le titre de roi! Chemin faisant, le vieil enchanteur en profite pour leur raconter l’origine mythique de cette épée ainsi que certaines révélations que les fées d’Ynis Avallach lui ont faites sur l’avenir des terres bretonnes. Ainsi, le jeune Arthur (il n’a que seize ans, à l’époque) entend parler pour la première fois d’un certain Graal, qui sauvera leur monde en déroute, et d’Uther Pendragon, un valeureux chevalier qui, grâce à Excalibur, a accompli des exploits impressionnants. Malheureusement, l’impétueux homme a aussi connu la déchéance à cause de ses excès de passion, ce qui lui a fait perdre la précieuse arme… seize ans plus tôt!
Évidemment, quand Arthur tirera l’épée pour protéger sa mère, il sera confronté à l’évidence : Lidoine n’est pas vraiment sa mère! Il est en fait le fruit des amours interdites du fameux Uther et de la reine Ygraine!! Mais le jeune homme a quelques croûtes à manger avant que les autres seigneurs de la région acceptent sa légitimité en tant que roi!
Si l’histoire est assez connue, l’approche choisie par l’excellent scénariste François Debois (auteur, entre autres, des séries Totem et Talisman) pour la raconter est des plus efficaces. Quoiqu’un peu verbeuse au départ, avec ses longues narrations des événements antérieurs à la naissance d’Arthur, sa version a le mérite d’être assez clair et de bien couler, malgré le grand nombre de personnages, tant les protagonistes actifs que ceux dont on raconte les déboires dans les retours en arrière. Les dessins de Stéphane Bileau sont très nets, précis et vifs, aux mouvements bien définis, ce qui rend les nombreuses scènes de combat et d’action fort efficaces. Leur coloration, assistée manifestement par l’ordinateur, est superbe avec ses dominances d’ocre, de verts et de tons cuivrés.
Si le reste de la série est à l’avenant, ça augure très bien pour la suite!!
Plus grandes forces de cette BD :
- les fioritures celtiques du titre-logo de la série. Leur subtile finesse et leur caractère très discret apportent un petit cachet charmant.
- les petites notes explicatives de l’auteur, en exergue. Elles précisent certains choix temporels et géographiques que François Debois a faits pour situer son récit. Elles sont pertinentes, surtout quand on sait que ces récits de tradition orale ont des centaines de versions toutes plus contradictoires les unes que les autres, surtout sur certains détails pointus de moindre importance. Ces justifications du scénariste démontrent, je trouve, le sérieux de ses recherches et l’importance qu’il accorde à la précision. C’est tout à son honneur!
- le dessin de monsieur Bileau. Il est composé d’un heureux mélange de traits fins et de traits larges, plus appuyés. Les contours plus gras permettent à l’œil de bien distinguer les différents éléments composants l’image. Ensuite, on peut s’attarder à analyser la composition de chaque élément, subdivisé et décoré à l’aide des traits plus fins. Ça peut sembler un peu puéril, expliqué comme ça, mais le rendu est très riche et très intéressant.
- la très intéressante légende sur l’origine d’Excalibur et du Graal. Selon Debois, ces deux items arthuriens auraient été forgés tous deux à partir des restes de quatre talismans anciens, apportés par le peuple des Tuatha de Danann : une pierre sacrée, une épée surpuissante, un chaudron enchanté et la lance magique du dieu Lug. Ce faisant, il établit un lien entre la mythologie celtique, méconnue, et les deux célèbres artefacts. Je ne sais si c’est monsieur Debois lui-même qui a eu l’idée de faire ce jumelage, ou s’il s’est basé sur des croyances ancestrales, mais chose certaine, c’est judicieusement expliqué, c’est cohérent et crédible, et j’ai bien aimé découvrir une petite parcelle d’une mythologie que je ne connaissais pas, moi qui suis pourtant friand de ce genre de récits.
- les couleurs et les effets spéciaux. L’album est en effet composé d’une belle variété de couleurs. Chaque séquence est assujettie à une dominance qui cadre bien avec l’ensemble. Les tons terreux sont très présents, évidemment, mais le tout n’est pas sombre pour autant. D’ailleurs, les effets lumineux qui caractérisent la présence de magie enluminent le tout et ponctuent épisodiquement les scènes de touches de couleurs plus éclatantes. C’est principalement frappant lors des apparitions de la diaphane Maëli, la Dame du lac. La luminosité qui se dégage d’elle est très bien rendue par le coloriste, Stambecco.
- les vignettes qui débordent des cadres, avec d’autres vignettes en superposition. Ces effets de mise en page, s’ils ne sont pas nouveaux, sont bien exploités et ajoutent du mouvement et du rythme à un récit déjà enlevant. Bravo!
- certains personnages entourant le jeune Arthur, s’avèrent très intéressants. La jeune Morgane, la fille de la reine Ygraine (et donc demi-sœur du héros), laisse présager un caractère mystérieusement troublant. Quant à Keu, le frère d’adoption d’Arthur, il fera manifestement office de bouffon de service malgré sa grande loyauté. De manière générale, la plupart des personnages secondaires est assez bien campée pour susciter un petit intérêt particulier.
- le côté sombre de Merlin, superbement illustré, ainsi que sa jeunesse éternelle, qu’il cache sous ses traits de vieillard. Son père étant le dieu des bêtes sauvages, il est un peu normal que ce vieux sage ait certaines facettes moins glamour! Monsieur Debois l’exploite bien jusqu’à maintenant, et ça laisse planer un intéressant petit doute quant à la rectitude du célèbre enchanteur. D’ailleurs, pourquoi cache-t-il sa jeune beauté sous des traits de vieillard? On le saura peut-être un jour?!
- les chevaux de guerre enragés, à la dentition proéminente et aux regards hyper expressifs! Même si leurs traits haineux sont un peu excessifs, ils démontrent bien la violence extrême des combats mis en scène. D’ailleurs, avez-vous remarqué que le cheval de la page 34 a très exactement les mêmes traits que celui de la couverture?
Ce qui m’a le plus agacé :
- un astérisque laissé en plan. À trois reprises, au cours du récit, des astérisques nous indiquent que des précisions ou des traductions nous sont données en bas de case ou de page. C’est souvent le cas pour expliquer le sens de mots ou d’expressions en gaélique. Mais à la page 6, sur la superbe double planche qui nous introduit à Ynis Avallach, un astérisque semble nous indiquer une traduction, mais je ne l’ai trouvée nulle part. Bien sûr, on comprend qu’il s’agit du nom local d’Avallon, mais pourquoi avoir mis l’astérisque, alors? C’est embêtant, d’autant plus que c’est le premier que l’on croise lors de notre lecture.
- le manque d’action des premières pages. Après le petit plongeon des pages 3 et 4, on passe en mode verbeux où Merlin nous raconte des légendes et des événements du passé… Il faut attendre 15 pages (!!!) avant que les protagonistes (Arthur, Keu, Lidoine et Merlin) ne vivent personnellement un deuxième événement : c’est difficile, dans de telles conditions, de s’attacher à ces personnages si on ne les voit à peu près jamais! Par contre, il faut préciser que malgré le grand nombre de personnages impliqués dans tous ces retours en arrière, la narration reste fluide et «digérable», ce qui, en soit, est un exploit!
- les É, dans la police de caractères choisie. L’accent leur donne un air plus massif, ce qui nous donne l’impression qu’ils sont tous en caractères plus gras que les autres lettres. C’est subtil, mais ça m’a déconcentré à plusieurs reprises.
- certains personnages un peu surfaits. Le perfide Claudias, roi de la Terre déserte, ressemble un peu trop à Langue-de-Serpent, le vil personnage de la célèbre trilogie le Seigneur des anneaux. De plus, choisir de présenter Guenièvre en «preulx chevalière» est un peu trop au goût du jour. En effet, c’est très à la mode de briser les stéréotypes et de montrer des personnages féminins très émancipées. Je suis peut-être vieux jeu, ou déjà blasé de ces superwomen en armure, mais j’aurais préféré une douce princesse de conte de fée… même si je suis bien conscient que cette astuce scénaristique ouvre la porte à plus de possibilités puisque la belle pourra suivre son Arthur jusque dans ses quêtes personnelles!
- certains personnages secondaires malhabilement exposés. Ban de Benoïc et Bohor de Gannes sont introduits à la page 39, et leur disposition nous laisse croire que le premier est le grand chauve et que le second, que l’on voit mal, de trois-quarts, a de longs cheveux sombres. Or, Bohor tombe dès la page 44… et il appert que c’est le chauve! Quant à Ban, ses flèches viennent sauver la situation lors du grand combat final… mais s’il allait jouer un rôle aussi important, pourquoi ne nous l’avoir jamais montré franchement, de face?! Mauvaise proposition visuelle, ici, de la part de Stéphane Bileau!
|