#02- L'ÉTREINTE DU TIGRE
Scénariste(s) : Patrick WEBER
Dessinateur(s) : Emanuele TENDERINI
Éditions : les Humanoïdes associés
Collection : Dédales
Série : Oeil de Jade
Année : 2007 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (2/2)
Genre(s) : Aventure policière, Historique
Appréciation : 3 / 6
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Que celui qui n'a rien à cacher lance la première pierre!
Écrit le samedi 15 mai 2010 par PG Luneau
C’est un peu ce qu’on aurait envie de crier aux différents personnages de cet imbroglio chinois! Voyez plutôt :
Suite au meurtre de l’intendant Lo, l’enquêteur impérial Wang s’est retrouvé avec, sur les bras, le cadavre d’un marchand tibétain de passage dans le gros bourg campagnard de Yantai. Puis, à la fin du tome un, il se ramasse avec la mystérieuse disparition de la digne épouse de Feng-Taï, un riche marchand local. On dit que c’est Tigre blanc, un genre de justicier masqué, qui tient séquestrée la femme ET l’enfant qu’elle porte en elle afin de soutirer une grosse rançon au papa. Comment faire pour retrouver cette disparue avant qu’on ne mette la main sur Tigre blanc? Car, après tout, ce fameux justicier au nom de félin n’est autre… qu’une femme!... Et, qui plus est, la maîtresse de l’enquêteur!! Ce dernier ne veut évidemment pas la voir croupir dans les geôles impériales!!
C’est pourquoi Wang mettra tout en œuvre pour éclaircir la situation, qui s’avèrera un véritable nœud d’embrouilles. Il devra de plus concurrencer Shun le Sanglant, un mercenaire sans scrupules que Feng-Taï a engagé parce qu’il trouvait que l’enquête officielle pour retrouver sa femme n’avançait pas assez vite! À travers ses recherches, Wang découvrira qu’il n’est pas le seul à avoir des choses à cacher!
On se trouve donc en présence d’une enquête intéressante, avec quelques révélations inattendues, d’autres plus prévisibles, quelques situations un peu tirées par les cheveux (comme quand le jeune fils de Wang se fait passer pour un médecin!), mais pas plus que dans les autres enquêtes du même genre. En fait, le principal attrait de celle-ci, ce n’est pas l’enquête en tant que telle (qui est correcte mais qui ne bouleverse pas le genre), mais le dépaysement géographique et historique. Il est intéressant de prendre contact avec certaines façons de faire de l’époque, de voir certains objets inusités dans leur cadre réel et non exposés dans un musée. De plus, on apprend (enfin!) pourquoi la série porte le nom d’Œil de jade.
Bref, cette histoire en deux tomes saura sûrement plaire aux amateurs d’Agatha Christie et de Chine antique malgré la qualité moyenne de ses dessins.
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture est jolie. La forêt de bambou et la lame de l’épée en très gros plan lui donne un certain raffinement… Dommage que la face de tigre, en reflet sur la lame, rappelle les horribles chandails en coton ouaté avec des loups hurlants à la lune que l’on retrouve malheureusement dans tous les marchés aux puces!
- certains personnages suscitent un peu d’émotion. La jeune Ting est charmante avec ses petites demandes terre à terre qui nous plongent dans le quotidien de Wang. Le perfide Shun le Sanglant est détestable dès son entrée en scène. Le gros Chang, avec son allure porcine qui sied merveilleusement bien à son caractère avide et trouillard, est risible de bêtise. Si ces personnages secondaires nous font réagir en suscitant charme, dégoût ou mépris, c’est probablement qu’ils sont bien cernés!
- le contexte historique. Comme je m’y connais peu en matière d’Asie médiévale, j’ai pris un certain plaisir à observer l’architecture, les objets, les vêtements et les coiffures de l’époque, ainsi que certains aspects du mode de vie des Chinois d’alors.
- la résolution finale de l’intrigue est agréable. Tant la confrontation du coupable que sa mort, à la dernière planche, tout cela est bien rendu, avec punch et un certain sens du suspense, comme on aime bien que ça le soit à la fin d’un polar : «Et le coupable est… (tambours et trompettes!) : Untel!» «Oh wow! C’est le seul que je ne soupçonnais pas!»
- le graphisme et les couleurs. De manière générale, ils se sont améliorés. Monsieur Tenderini contrôle plus ses coups de crayon, qui commencent à être un peu moins anguleux. Il semble y avoir de l’espoir…
Ce qui m’a le plus agacé :
- tous les combats sont illisibles! Que ce soit celui de la page 14, celui des pages 19 et 20 ou pire encore, le combat final de la page 45, ils sont tellement décousus qu’on n’y comprend absolument rien! Les plans et des angles de vue sont mal choisis, et leur enchaînement semble tout à fait aléatoire, ce qui n’aide en rien!
- l’incongruité de plusieurs personnages. J’ai de la difficulté à donner du crédit au fils de Wang qui s’entête à suivre son père dans ses filatures, malgré les risques. Il ne semble pas avoir le cran qu’il faut pour ce genre de boulot, et il m’apparaît trop jeune pour que son père accepte de le prendre comme son assistant, surtout pour certaines missions plus périlleuses. Mais il y a pire : la psychologie tordue de la femme de Feng-Taï! Que la dame simule son propre enlèvement afin de se soustraire de la morne vie que lui offre son mari, je veux bien, mais qu’elle aille jusqu’à se couper le doigt, juste pour parfaire l’illusion et le pousser à payer une rançon, ça me laisse complètement perplexe… C’est tout à fait absurde, en fait! Bien trop fort pour être crédible, non?!
- l’attachement de Wang pour Tigre blanc. Leur relation prétendument amoureuse n’est pas assez étoffée pour être crédible. C’est bien dommage puisque c’est la pierre angulaire de tout le récit! C’est peut-être parce qu’on ne fait que nous dire que la dite relation a débuté antérieurement, dans une autre province, sans qu’on en soit témoin, pas même en «flash-back»… Leurs retrouvailles, en partie fruit du hasard, sont elles aussi assez étonnantes. Je n’ai vraiment pas accroché à cet aspect du récit. Ce n’est pas les petites phrases introspectives de Wang, sur la première planche du tome #2, où il parle de ses «démons intérieurs» en faisant allusion à sa relation avec Tigre Blanc, qui parviennent à donner de la crédibilité ou de la profondeur à cette histoire «d’amour»!
- les décors sont très inégaux. Parfois, ils sont très riches et détaillés… mais à partir du dernier tiers, ils deviennent vides et monochromes… Est-ce que le dessinateur était à la bourre à cause de sa date de tombée et qu’il s’est mis à tourner les coins ronds!?!
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