JIMMY ET LE BIG FOOT
Scénariste(s) : Pascal GIRARD
Dessinateur(s) : Pascal GIRARD
Éditions : la Pastèque
Collection : X
Série : Jimmy et le Big Foot
Année : 2009 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Quotidien, Récit psychologique
Appréciation : 3.5 / 6
|
le Dur impact d'un «web-vedettariat» imposé, en région!
Écrit le mardi 17 mai 2011 par PG Luneau
Le pauvre Jimmy ne l’a pas facile. Comme tous les adolescents de son âge, il découvre la vie et tous ses aléas. Mais quelle idée il a eue, aussi, de se filmer pendant qu’il dansait en faisant le fou?! Et, surtout, quelle idée il a eue de montrer cette vidéo à son «chum» Fréchette ?!? C’était évident que ce dernier allait se faire un devoir de diffuser ce petit bout de film ridicule sur You Tube!!! Depuis, Jimmy vit un véritable enfer! 956 932 personnes ont visionné l’amusante vidéo, et Jimmy ne peut plus faire deux pas sans se faire interpeler ou ridiculiser par un quidam qui le reconnaît!! C’est ainsi que le pauvre gus découvre une terrible lapalissade : le Saguenay-Lac-Saint-Jean, c’est petit!! Surtout quand notre plus grand souhait est de se fondre dans l’anonymat d’une foule!
Aussi, quand son oncle réussira à filmer, avec son cellulaire, une créature qui pourrait s’apparenter à ce que les crypto-zoologues appellent un Big Foot, Jimmy mettra tout de suite cette nouvelle vidéo en ligne, souhaitant que le focus change enfin de cible afin de pouvoir se concentrer sur l’essentiel : son coup de cœur pour la belle Jolène! Mais c’était bien mal connaître le destin, qui se fait toujours un malin plaisir de compliquer les choses!!!
Pascal Girard, celui qui a écrit le scénario le Boulon d’or, dans le collectif Québec, un détroit dans le fleuve, nous offre encore cette fois une petite histoire des plus réalistes. Le parcourt du jeune Jimmy est très crédible, très collé aux émotions de tout adolescent digne de ce nom. J’ai vraiment l’impression que tous les Québécois retrouveront dans ce récit des réminiscences de leurs propres jeunes années… et probablement qu’il en sera de même, dans une certaine mesure, pour tous les adultes et les adolescents de la planète! Ces années d’apprentissage de la vie, avec les innombrables découragements, les rêves, les désirs, les gaffes, la gêne ou les malaises qui les caractérisent, n’ont-elles pas quelque chose d’universel ?!! Et monsieur Girard a vraiment le don de nous présenter des personnages aux réactions, aux mimiques et au vocabulaire tout ce qu’il y a de plus naturels!
À l’aide d’un dessin naïf à l’extrême (peut-être même un peu trop?) et d’une mise en planche exclusivement basée sur un gaufrier parfait, de douze carrés par page, Girard expose la routine de cet ado qui se cherche, sans ambages ni flafla. On parcourt tout l’album comme un jeune de quatorze ou dix-sept ans vit sa vie, avec ses petits hauts et ses petits bas, sans réelle surprise.
Votre ado aimera probablement ce charmant petit album… mais peut-être l’oubliera-t-il tout aussi vite, comme on oublie ces vedettes du Net qui passent, telles des comètes éphémères dans le paysage du Web!
Plus grandes forces de cette BD :
- l’objet-livre, par son format et son fini satiné. C’est sobre, simple et gentil, à l’image du récit.
- la page de garde, avec le personnage qui danse. Elle nous rappelle le fameux Star Wars kid, que le Net a rendu si populaire… et qui a inspiré l’album, de l’aveu même de l’auteur!!
- ma petite dédicace, toute mignonne. Comme j'ai acheté mon bouquin au Salon du Livre de Montréal, à l’automne dernier, et monsieur Girard a eu la gentillesse de me le dédicacer! Cet artiste, tout aussi sobre et discret que ses histoires malgré sa taille de géant, fait des dédicaces à l’image de sa personnalité : un crayon feutre à la pointe ridiculement fine, deux ou trois petits traits magiques, un résultat tout pâlot, tout discret… et un tout petit texte autour, lisible presque exclusivement à la loupe : «pour pierre-greg merci pascal». C’est moi qui vous remercie, monsieur Girard!
- la québécitude des décors. Sans être à même de vérifier, j’ai la quasi-certitude que certains des bâtiments dessinés (le centre Price, les dépanneurs, l’école secondaire Kénogami…) sont effectivement de vrais édifices de ville de Saguenay ou des environs. C’est original, d’avoir situé ce récit en région! Ça fait écho à tout ce qu’on peut trouver qui se déroule dans les grands centres!
- la justesse du texte! Ici, on lit vraiment du québécois, on reconnaît l’oralité de notre langue : nos expressions («Mon mononcle…») et, surtout, notre façon de «tourner» les phrases. C’est, et de loin, le texte que j’ai lu jusqu’à maintenant qui reflète le mieux notre «parlure», sans pour autant trop abuser de syntaxes fautives ou d’anglicismes inappropriés. Bravo pour ce tour de force, monsieur Girard!
- la justesse du ton. Comme je le disais plus haut, l’adolescence est véritablement très bien rendue. Je m’y suis retrouvé, et je mettrais ma main au feu que la presque totalité des Québécois s’y reconnaîtra aussi.
- la modernité du récit. C’est plaisant de voir, en BD, qu’Internet, les téléphones cellulaires et les ordinateurs portables deviennent partie intégrante de notre quotidien. Ça nous change du terroir dans lequel, dans ce médium comme dans les autres, on s’est longtemps confinés!
- la page de garde de la fin!! Elle se veut identique à celle du début, à un détail près : la face du danseur est attifée d’une tête de Big Foot, comme dans l’histoire!! Ce détail est un petit clin d’œil vraiment amusant, que certains lecteurs qui referment leur bouquin trop rapidement, une fois terminée, rateront sûrement!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la petitesse des caractères calligraphiés. Si les dessins sont tout petits, tout fins, il en va de même pour la typographie! Malheureusement, certains mots sont difficiles à décoder!! Généralement, dans les phylactères, ça va… C’est sur les affiches qui décorent les murs que Girard joue avec nos yeux… et nos nerfs!! Il m’a fallu sortir ma loupe pour découvrir le nom de l’école secondaire… et elle m’a permis, finalement, de lire le commentaire que Jimmy lance en quittant le dépanneur, à la sixième vignette de la page trois : j’ai même cru y déceler une faute d’orthographe, comme quoi il n’est pas si judicieux de forcer ses lecteurs à utiliser leur loupe!!
- les couleurs, un peu fadasses. Elles forment un tout cohérent, qui donne une belle unité à l’ensemble, mais je trouve personnellement que ça manque un peu de punch. Question de goût, j’imagine.
- le caractère un peu trop simpliste des dessins. S’ils donnent une certaine fraîcheur, une jeunesse, une naïveté à l’œuvre, ces petits traits fins en décourageront plusieurs, qui n’y trouveront pas leur compte ou qui croiront que le récit s’adresse aux tout-petits, ce qui ne saurait être, compte-tenu des rêves et fantasmes érotiques du héros!
- la finale et l’épilogue, un peu trop ouverts à mon goût. Sans trop vous en dévoiler, je peux vous dire qu’on se retrouve pas mal «Gros-Jean comme devant» à la fin du récit… à l’instar de Jimmy!! Et si la présence d’un épilogue vous rassure, ne vous réjouissez pas trop vite, car même après la lecture de celui-ci, on reste un peu dans le brouillard. Avis à ceux qui aiment les happy ends clairs et joyeux, à la Disney : vous serez un peu déçus!
|