#02- GLOIRE ET CRACHATS
Scénariste(s) : Stéphane DOMPIERRE
Dessinateur(s) : Pascal GIRARD
Éditions : Québec Amérique
Collection : Code bar
Série : Jeunauteur
Année : 2010 Nb. pages : 136
Style(s) narratif(s) : Strips
Genre(s) : Humour songé, Humour mordant
Appréciation : 3.5 / 6
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Plus de crachats que de gloire, ou Quand on est blasés du gars blasé...
Écrit le jeudi 08 mars 2012 par PG Luneau
J’avais bien aimé ma lecture de l’album Jeunauteur - Souffrir pour écrire, écrit en 2008 par Stéphane Dompierre, alors jeune romancier de la relève, et illustré par le non moins émergent Pascal Girard. J’avais embarqué avec désinvolture dans le récit des déboires de ce Jeunauteur en pleine rédaction de son premier roman, et j’avais bien ri de ses travers, de sa naïveté et, surtout, de son autodérision! Il me semble que l’humour y était fin, et je me rappelle avoir remis le petit album (qui ne fait que 14 x 18 cm!) à la copine qui me l’avait prêté (merci, Joëlle!) en lui soulignant combien j’avais trouvé le tout bien sympathique et particulièrement réjouissant. C’est donc avec un souvenir plus que positif et un certain enthousiasme, pour ne pas dire un enthousiasme certain, que je me suis plongé dans le deuxième tome de cette série, qui m’attendait depuis de trop nombreux mois dans ma pile d’albums québécois à lire (PAL).
Et bien disons qu’un trop grand engouement crée inévitablement de trop grandes attentes! En effet, j’étais tellement dubitatif quand j’ai terminé ma lecture du tome #2 que je me suis rué sur le tome #1 pour le relire, ce que je fais très rarement vu l’ampleur de ma PAL! M’étais-je fourvoyé à ce point? Pour confirmer mes doutes, j’ai même demandé à deux bons amis de lire les deux tomes (ils se lisent tous deux en un rien de temps : même si le premier tome fait dans les cent pages et le second tape les 136, il y a très peu de texte). Malheureusement (pour l’œuvre, mais heureusement pour ma confiance en mon jugement!), ils en sont venus à la même conclusion que moi : ce deuxième opus est rudement plus banal que le premier!
Est-ce l’effet de surprise qui n’y est plus? Cette fraîcheur du néophyte qui s’est essoufflée? Pourtant, monsieur Dompierre demeure encore très ancré, comme dans toutes ses œuvres, sur la chose masculine et caricature ici, comme il aime souvent le faire, une certaine réalité propre aux jeunes trentenaires célibataires branchés, style Plateau Mont-Royal. Mais alors que le premier album nous sensibilisait surtout aux angoisses d’un Jeunauteur malhabile et dépassé par son quotidien, ce tome-ci se concentre exclusivement sur la solitude du jeune homme, que sa copine a choisi de quitter à la fin du livre #1. C’est donc à une cascade de gags assez clichés à laquelle on assiste : le gars tout seul avec son ordi, tout seul avec ses «amis» Facebook, tout seul à la toilette (!?!), tout seul avec sa cafetière sauvage qu’il n’arrive pas à apprivoiser, tout seul en séance de dédicaces dans les salons du livre où il passe totalement inaperçu… Si ce sarcasme passait bien dans le contexte de la solitude de l’écrivain face à la page blanche (de son ordinateur), il devient vite lassant et même morbide dans ce nouveau contexte… Je n’ai vraiment pas apprécié les trop nombreuses scènes où le pauvre diable dialogue avec le petit chat du tableau qui orne sa salle de bain, chat qui s’anime, jase avec lui et finit même par quitter le domicile familial… tant il s’ennuie, lui aussi?? Si j’ai été content, de prime abord, en constatant que l’album comportait une trentaine de pages de plus que le premier, je dois finalement avouer que j’ai surtout eu l’impression, au bout du compte, que l’auteur ne faisait qu’étirer sa sauce… Et j’en suis venu à comprendre le petit chat fugueur!
Heureusement, les dessins de Pascal Girard sont toujours aussi efficaces de minimalisme et de sobriété (c’est d’ailleurs grâce à eux si j’accorde un 3,5 à cet album qui mériterait peut-être plutôt un 3/6). En très peu de traits, il réussi à installer une ambiance, une émotion ou, plus souvent, une absence d’émotion qui sied bien à l’humour recherché par monsieur Dompierre. Souvent, les quatre cases (qui forment toujours un damier parfait) sont quasi identiques, à nous de trouver ce qui a été modifié : un œil, un rictus… À noter que j’ai considéré cet album comme un recueil de strips parce que même si les quatre cases ne sont pas enlignées à la suite, elles forment un gag (enfin… dirons-nous!) très court, au dessin rudimentaire, au plan unique.
Je ne sais pas s’il y aura un troisième opus… mais le punch final nous laisse entrevoir une possible évolution vers une histoire d’amour!! Si c’est le cas, j’espère sérieusement que le scénariste saura se renouveler! Malgré toutes mes réserves, je lirai probablement ce potentiel troisième tome, en espérant très fort replonger dans le plaisir bon enfant que m’avait procuré le tome #1… Mais la pente à remonter sera bien abrupte : attelez-vous bien si vous voulez me garder parmi vos lecteurs, monsieur Dompierre!
(À noter que malgré ses petits dessins plein de charme, cette série s’adresse à un public quand même assez mature. D’abord, les propos n’intéresseront en rien les enfants. Puis, le pauvre Jeunauteur est assez en manque merci, et il nous le fait savoir à quelques reprises de façon assez salace!! Je déconseillerais donc cette lecture aux moins de quinze ou seize ans.)
Plus grandes forces de cette BD :
- les belles couleurs de la couverture. J'ai vraiment un faible pour ce vert tendre! J'ai même déjà peint mon salon de cette couleur!! Il fallait oser!
- le dessin, simple mais efficace, de Pascal Girard. Tout à fait dans le ton avec ses petites vignettes dépouillées quasiment toujours identiques, à un infime détail près, Girard rend parfaitement les tentatives d’humour décalé de Dompierre, avec subtilité.
- quelques gags, comme celui où Jeunauteur «apprend», quelques semaines après le départ définitif de son ex, qu’elle lui a laissé un chat… !!! … et une laveuse!!! Le punch final est amusant, lui aussi... mais comment cela se traduira-t-il dans un éventuel tome #3?? J’ai malheureusement un peu peur…
- l’idée d’exploiter la table de dédicaces (avec, en arrière-plan, l’affiche de son livre, sur laquelle on retrouve le portrait de sa mère… parce que l’imprimeur s’est trompé!!). Je trouve qu’il s’agissait là d’un lieu inspirant et bien en continuation avec le premier tome. Il me semble qu’un tome complet là-dessus aurait été intéressant, avant d’entamer les gags sur l’écriture du roman suivant, et les angoisses de rester à la hauteur des attentes… quoique ce tome-ci ne traite pas vraiment de ces thèmes-là non plus!! Bref, j’aime l’idée de voir Jeunauteur, hagard, dans les salons du livre… Même si les gags que Dompierre y situe n’ont, au bout du compte, rien de transcendant, ils m’ont semblé une petite coche plus amusants que ceux du reste du livre.
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’humour pseudo songé, essentiellement fondé sur le mal-être du personnage, sa solitude et l’absurdité des solutions qu’il tente (ou non) de mettre en place pour palier son vide existentiel. Suis-je devenu trop vieux ou trop blasé pour me laisser toucher par le sarcasme et le non-sens?? Pourtant non, si je me fie au plaisir que je prends â entendre tous les Marc Labrèche, Denis Drolet et Jean-Thomas Jobin de ce monde!!
- le fait que presque la moitié des gags se passe loin de la table de travail de Jeunauteur. Alors que presque tout le tome #1 s’y passait (92% des gags), notre jeunhéros s’y retrouve de moins en moins souvent puisqu’on le retrouve maintenant dans son salon, dans sa salle de bain (misère!! Qu’est-ce qu’ils étaient pénibles et ennuyants, ces gags-là!) et dans les salons du livre. C’est peut-être une des raisons qui ont fait que j’ai trouvé cet album moins cohérent, plus éparpillé…
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