#01- GLORIEUX PRINTEMPS
Scénariste(s) : Sophie BÉDARD
Dessinateur(s) : Sophie BÉDARD
Éditions : Pow Pow
Collection : X
Série : Glorieux printemps
Année : 2012 Nb. pages : 152
Style(s) narratif(s) : Romans graphiques à suivre (1 & 2 /4)
Genre(s) : Quotidien, Récit psychologique
Appréciation : 4.5 / 6
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Portrait de la vie au secondaire... comme si on y était!
Écrit le mardi 03 septembre 2013 par PG Luneau
Tomes lus : #1 et 2
Ah! La belle époque de nos années au secondaire!... Celles où un bouton au milieu du front ne nous gênait pas trop… perdu qu’il était parmi tous les autres!!! ;^) Cette période fatidique où chacun voit son corps d’enfant prendre sa forme à peu près définitive, où notre caractère se trempe au contact des autres et prend ses plis, bons et mauvais… Dans mon cas, cet âge-charnière est plutôt loin (et je ne veux entendre aucun commentaire!! ;^)… Mais dans le cas de la bédéiste Sophie Bédard, c’était presque encore son quotidien quand elle a commencé le premier tome de sa série Glorieux printemps : elle n’avait que 20 ans!! Ses souvenirs ne dataient que de quatre ou cinq ans, autant dire qu’ils étaient on ne peut plus frais!! Et c’est tant mieux, car c’est justement ce monde qu’elle veut nous raconter, avec une verve, un regard et un recul étonnants chez une si jeune auteure!!
Mais le plus drôle, c’est que malgré les années, les styles et les modes qui passent, changent et évoluent… eh bien les situations, les émotions et les impacts restent exactement les mêmes!! Les travaux d’équipe, les jobs d’été, les rumeurs qui courent, les cliques, les émois de tous les «premiers» : premiers flirts, premières brosses, premiers contacts, premiers baisers... «Plus ça change, plus c’est pareil!» oserais-je dire… au risque de passer pour un «vieux»… Ce que je suis, finalement, aux yeux de cette belle jeunesse pimpante!!
Grâce à mademoiselle Bédard (que j’ai eu la chance de rencontrer au dernier Festival de BD de Québec, nous pouvons donc revivre notre propre adolescence en suivant le quotidien d’Émilie et de Micheline, deux amies d’enfance au tempérament diamétralement opposé! Ces jeunes de quinze ou seize ans vivent des hauts (très haut!) et des bas… très bas!!! Mais n’est-ce pas là le propre de l’adolescence, cette exubérance extrême?! Chaque embûche ne devient-elle pas une fin du monde en soi?? Chaque petite réussite ne nous mène-t-elle pas au top of the world? En tout cas, à côtoyer Émilie et Mimi, on en devient vite convaincus, et on en a plein la vue! Car leurs histoires ne sont pas simples!…
Émilie est aux prises avec une mère neurasthénique des plus désagréables qui lui fait la vie dure. Discrète et plutôt blasée, cette jeune fille ne se résout pas à verbaliser son amour pour le beau Raphaël et doit supporter les avances incessantes d’Antoine, le weirdo du groupe! Sa copine Micheline, pour sa part, est beaucoup plus extravertie. Peut-être même un peu trop!! Sa propension à toujours dire tout haut ce qu’elle pense de même que son incapacité à garder un secret provoquent souvent des conflits compliqués, même à l’égard d’Émilie! D’une hilarante intensité, cette Mimi est véritablement le bulldozer de la bande, celle qui fait bouger les choses et qui n’a pas peur de brasser ses camarades!
Au fil des pages, on les voit traverser leur secondaire IV (l’équivalent de votre seconde, copains français!), de septembre à l’hiver dans le tome #1, puis du printemps aux vacances d’été dans le suivant. Les deux prochains tomes devraient porter sur leur secondaire V (donc la première des lycéens français!), et se centrer un petit peu plus sur Matthieu (le copain plutôt contemplatif des deux filles) et sur Antoine (le weird), sans toutefois délaisser les autres!! Et heureusement, car malgré que je ne sois pas du tout le public cible pour cette série, j’ai tout de même très hâte de savoir ce qu’il adviendra de cette chouette bande de copains pas toujours très tendres, qui s’écorchent et se raccrochent les uns aux autres au rythme (trépidant!!) de leurs instincts.
Merci, mademoiselle Bédard, de me permettre de me replonger dans mes propres souvenirs! Bravo encore pour la justesse et la finesse de votre écriture!!
Dès 14 ou 15 ans.
(P.S. : Pow Pow annnonce déjà la sortie du tome #3 pour cet automne!… Autant dire dans les semaines à venir!! Chic chic chic!!)
Plus grandes forces de cette BD :
- l’uniformité des jaquettes de la maison d’éditions Pow Pow. Toutes du même format, en carton souple brun, replié, ces couvertures (souvent imprimées à la main !?!?!) constituent littéralement la marque de fabrique de cette jeune maison qui nous a donné, entre autres, Yves, le roi de la cruise, Motel Galactic, Apnée et Mile ends. J’aime bien, aussi, que mademoiselle Bédard garde toujours le même type de présentation, chacun des tomes étant illustré d’un des personnages centraux en plan rapproché!
- la couverture du premier tome, comme telle! J’adore ce vert tendre, et la représentation d’Émilie, toute en souplesse, en courbes fluides et contrôlées. Ça augure très bien pour une si jeune artiste!
- la présentation des quatre principaux protagonistes, sur l’encart de la couverture. Même si le descriptif qui l’accompagne s’avère plus ou moins clair, elle permet néanmoins d’avoir une petite idée de qui est qui AVANT notre lecture.
- la grande diversité de personnages. En bout de ligne, c’est plus d’une dizaine d’étudiants qu’Émilie et Micheline côtoient régulièrement, sans compter leur famille respective, puis les profs… Ça fait du monde à la messe! Je vous conseille peut-être même de vous dresser une petite liste afin de les démêler, car il arrive parfois qu’on fasse connaissance avec certains pour ne les retrouver que 30 ou 40 pages plus loin!... Ça peut devenir confondant.
- le langage très jeune et contemporain. Si vous n’aimez pas les Cool! et les Dude!, vous risquez de grincer des dents!! ;^) Personnellement, je n’en raffole généralement pas. Mais ici, j’ai trouvé que ça passait plutôt bien!?! J’y reconnaissais les expressions de notre jeunesse québécoise! Peu m’était étrangère (sauf peut-être «On se tcho!», «Ça suce qu’on soit plus dans le même groupe!» et «Stie que t’es wack, men!»)… Aussi, rappelez-vous que les oreilles sensibles sont mieux de s’abstenir : ça devient assez vulgaire, par moment!!
- les expressions faciales hyper dynamiques et diversifiées! Jetez un coup d’œil aux différents minois de Micheline, aux p.34 et 35 du premier tome, et vous comprendrez parfaitement ce que je veux dire!! ;^)
- les personnages de Micheline et d’Antoine! À eux seuls, ils méritent qu’on lise ces deux tomes!! La première est tellement drôle avec ses excès, tant dans ses déprimes et ses peines d’amour que dans ses hights! Son bagout est une véritable bénédiction! On souhaiterait vraiment la connaître… (et oserais-je avouer que je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir, tant physiquement que dans l’énergie, la parfaite sosie d’une autre bédéiste émergente, dynamique et archi-sympathique!! ;^)… Quant à Antoine Patoine, le bizarroïde, ses réactions sont tout simplement hilarantes!! Il a le don de toujours se mettre les pieds dans les plats et, surtout, de poser des questions saugrenues sans aucun rapport avec la situation! Il est délirant : je l’adore!!
- les nombreuses touches d’humour. Sans que la série soit officiellement une comédie, plusieurs épisodes m’ont particulièrement fait rire : celui de la formation des équipes de travail, celui de la comparaison des chiens d’Émilie et d’Antoine, celui quand Mimi, nouvellement monitrice, se retrouve à la piscine avec son «âme sœur»… Plusieurs petits gags m’ont aussi tiré des rires sonores, comme le surnom de Daria pour Émilie (c’est vrai qu’elle lui ressemble!! ;^) ou certains noms de camp choisis par les moniteurs (J’aurais tant aimé penser à prendre le nom de Côtelette, quand j’ai été moniteur : c’est trop génial!!).
Ce qui m’a le plus agacé :
- le titre de la série. Pourquoi Glorieux printemps??!! J’aurais tendance à lâcher un «Pas rap!!» bien senti, si c’était de mon âge!! ;^) Car après tout, le récit s’échelonne sur deux ans, pas particulièrement au printemps… et il ne s’y passe pas grand-chose de glorieux, jusqu’à présent!!?? J’essayerai d’interroger l’auteure à ce sujet!!
- l’absence de décor. C’est là, je trouve, LA faiblesse majeure du travail de mademoiselle Bédard. La très grande majorité de ses vignettes se retrouvent avec des arrière-plans d’un blanc ou d’un gris uniforme, ce qui appauvrit incontestablement l’ensemble.
- la trop grande simplicité graphique de Micheline. Alors qu’Émilie possède une silhouette, une chevelure et un visage bien travaillés, Mimi se retrouve avec un ventre rond, deux seins ronds, une tête ronde (avec une coupe de cheveux toute simple) et deux ÉNORMES yeux, ronds comme des billes! De ce fait, elle détonne pas mal du reste des personnages.
- les R majuscules, tout au long du texte, alors que tout le reste est en minuscule… Le problème vient surtout du fait qu’ils ressemblent très souvent à des E minuscules, ce qui rend certains mots difficile à saisir.
- certains thèmes, plus chauds, qui apeureront les milieux scolaires! Mademoiselle Bédard m’a bien spécifié, lors de nos discussions, qu’elle avait pris soin de ne pas intégrer ni drogue, ni sexe dans ses albums, question de ne pas se faire mettre à l’index par les bibliothèques des polyvalentes ou des collèges… Toutefois, elle parle une ou deux fois de masturbation, et on assiste à une (désopilante!!) beuverie… Sans parler des insultes souvent très crues que tous s’envoient par la tête, à la moindre contrariété! Personnellement, je n’y ai rien vu de révoltant… mais j’ai bien l’impression que plusieurs institutions n’apprécieront pas trop cette représentation un peu trop fidèle des écarts de leur clientèle et hésiteront à placer cette série sur leurs rayons… Ce qui serait bien dommage!!
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