#01- UNE ÉTRANGE DISPARITION
Scénariste(s) : Jean-Charles KRAEHN
Dessinateur(s) : Jean-Charles KRAEHN, Sylvain VALLÉE
Éditions : Glénat
Collection : Bulle noire
Série : Gil St-André
Année : 1998 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre
Genre(s) : Aventure policière, Thriller
Appréciation : 4.5 / 6
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Quand un gars vraiment pas chanceux se révèle être un véritable James Bond !!?
Écrit le mardi 14 mars 2023 par PG Luneau
Tomes lus : #01- Une étrange disparition (Dessin. : Jean-Charles KRAEHN)
#02- la Face cachée (Dessin. : Jean-Charles KRAEHN)
#03- Fugitif (1999)
C'est quoi?
Il n'y a pas à dire : rien ne va plus pour Gil St-André, patron assez fortuné d'une petite P.M.E. qui cartonne! Un beau soir, son épouse Sylvia part acheter de la harissa au dépanneur du coin... La splendide jeune femme ne reviendra jamais!!??
Devant l'inactivité des policiers (qui, faute de corps ou de preuves d'enlèvement, ne peuvent rien faire), le pauvre Gil prend les choses en main. En compagnie de la belle Djida, une jeune policière stagiaire (qui, elle, l'a pris plus au sérieux - et qui, accessoirement, craque pour lui!), il part à la chasse au prédateur sexuel... car on n'en est pas à la première jolie jeune blonde au corps parfait qui disparaît dans le canton! Ça, c'est le tome #1 : Une étrange disparition.
Puis, il ne sait encore rien de plus sur la disparition de sa femme que c'est sa gamine de 4 ou 5 ans qui se fait kidnapper!! Là encore, Gil devra se débrouiller sans les policiers, à la demande des rançonneurs. Son enquête l'entraînera dans les bars gays de Lyon, et lui révélera que sa femme menait une double vie, des plus olé olé!! Ça, c'est le tome #2 : la Face cachée.
Ensuite, après moult poursuites, bagarres, découvertes de cadavres, tentatives de meurtre sur sa personne et accidents de la route (dont une plongée dans un fleuve!), Gil aura de plus en plus de mal à suivre les méandres des quelques pistes qu'il finit par dénicher... D'abord, parce qu'elles aboutissent très souvent dans des culs-de-sac... mais surtout parce qu'il devient, aux yeux des policiers, le suspect #1 de plusieurs des meurtres dont Djida et lui ont été témoins! Ça, c'est le tome #3 : Fugitif. Il n'y en aura pas de facile pour ce pauvre Gil! Et ce cycle n'est toujours pas terminé!
C'est comment?
Le mot qui m'est le plus souvent revenu en tête au cours de ma lecture, c'est ROCAMBOLESQUE, au sens littéral du terme! C'est qu'il en vit, des revirements exceptionnellement intenses, ce pauvre petit monsieur (financièrement à l'aise, mais quand même!), et dans un laps de temps très serré! Et, malgré une ou deux séances de petites déprimes, il réagit assez bien à toute la violence qu'il découvre autour de lui! Il faut qu'il ait des réflexes d'enfer pour rester aussi redoutablement efficace face aux balles qui fusent, aux magouilles (policières ou autres) ou aux multiples découvertes scabreuses qui parsèment son quotidien! Il parvient même à rattraper et escalader une camionnette en marche... et ce, sans qu'aucun des occupants ne s'en rende compte! Il faut le faire, tout de même!?!
Peut-être découvrira-t-on, dans les tomes ultérieurs, qu'il a une formation d'agent secret, ou de soldat d'élite? Ça serait une bonne chose, parce que jusqu'à maintenant, il est bien difficile de croire qu'un individu lambda puisse réagir à autant d'événements traumatisants avec une efficacité aussi parfaite... et si peu de séquelles!! Un vrai Bruce Willis, le petit monsieur!
Mais, si on accepte d'y croire dans les gros blockbusters hollywoodiens, pourquoi ne pas y croire dans un polar français? Dans le genre, ça reste très efficace, malgré un dessin qui fait un peu 1990... mais un 1990 de très bonne qualité!
Bref, en paraphrasant Marc Drouin et son Pied-de-Poule, si l'action vous intéresse, «enrock-and-rollez-vous-y!» À partir de 16 ans.
Mes bémols
- le style de dessin et de coloration, qui a un peu vieilli. Alors que les couvertures des 2 premiers tomes sont étonnamment modernes et attrayantes, on sent un décalage temporel dès qu'on ouvre un de ces albums. En effet, si le dessin nous donne un peu l'impression de dater, c'est surtout les couleurs (leurs choix, leurs teintes ou la façon dont elles ont été appliquées, je ne saurais dire) qui nous transportent 30 ans en arrière. En soit, ce n'est pas très dérangeant: c'est surtout que ça m'a fait réaliser l'ampleur du contraste avec les BD d'aujourd'hui!
- le personnage de Sabine, la fillette de Gil. Jamais je n'ai croisé un personnage qui m'est paru aussi peu crédible que cette gamine!! Rien ne fonctionne! Elle a le corps (plus ou moins bien proportionné!) d'une fille de 6 ans, avec le langage et le comportement d'une enfant de 3 ans. De deux choses l'une: soit M. Kraehn a voulu en faire une enfant déficiente (si c'est le cas, il faut le déduire par nous-même), soit il n'a pas d'enfant, ni chez lui, ni dans son entourage et qu'il y est allé de manière très approximative. Cette approximation est aussi présente au niveau de la psychologie! Qu'est-ce que c'est que ces œuvres d'arts horribles et fragiles, partout dans la demeure des Saint-André! UNE GAMINE (manifestement empotée!) Y VIT!!! Et Gil qui promet à sa fille de lui redonner le carton d'allumettes qu'elle a trouvé!!? Manifestement, Gil (et Jean-Charles, probablement!) était absent lors du cours de Parentalité et sécurité 101 !! Bref, ce personnage, qui se veut touchant, m'a horripilé tout du long!
- la grande part du hasard dans l'évolution du récit. Bon, je veux bien faire abstraction du fait que le scénario soit trop chargé, avec de grosses exagérations, car ça fait partie du genre. Il n'en reste pas moins qu'à plusieurs reprises, le hasard fait beaucoup trop bien les choses. Quand la gamine trouve un carton d'allumette qui porte «justement» le nom de l'endroit où se tient son kidnappeur! Ou quand Gil passe voir l'appartement du chum d'une victime AU MOMENT MÊME où le coupable s'y trouve! Pire: plutôt que de simplement y laisser son numéro de téléphone, Gil décide d'y laisser un message très explicite, message qui prévient le coupable de tout ce qui s'en vient! Trop d'étranges synchronicités, qui minent la crédibilité, et qui contribuent à nous faire décrocher!
- le vocabulaire. Ici, c'est mon cœur de Québécois pas très fan d'argot qui parle. J'imagine que tous les habitués de polar français ne se formaliseront pas de termes comme: caoua, bourre-tif, wakatépé, poulagas, bleubite, gisquette, gerce, mousmé, turne... Heureusement pour moi, les contextes étaient généralement assez explicites pour en deviner le sens... Mais il y en a pas mal, soyez-en prévenus!
- un narrateur externe. Afin de parfois accentuer le suspense, Kraehn décide d'utiliser des encadrés narratifs du genre: «Avec la lenteur calculée d'un chat s'approchant de sa proie, Gil monte une à une les marches de l'escalier, évitant de faire geindre le bois...» (t.#2, p.25) !? Perso, je trouve ces descriptions totalement inutiles: les dessins sont clairs en eux-mêmes, pas besoin de ces redites! Pire: parfois, il juge les décisions d'un personnage, et dans ces cas-là, c'est carrément cucul! J'ai détesté ce décalage, qui me donnait l'impression de lire un roman. (Et puis, dans l'exemple que je viens de citer, y a que moi qui se demande comment un gars peut faire pour éviter de faire craquer les planches d'un escalier qu'il emprunte pour la première fois, chez un inconnu?!?
Les plus grandes forces de cette BD
- les deux premières couvertures. Je l'ai dit plus haut: elles sont non seulement très efficaces et très belles, elles gardent en plus une classe qui traverse le temps à merveille!
- de nombreux personnages forts. Dès les premières pages du tome #1, on nous présente un barjot pas piqué des vers, qui sera l'antagoniste de tout le premier tome. Quel étrange phénomène! Puis, il y a Gil, le parfait héros sans peur et sans reproche mais, surtout, Djida, cette jeune policière stagiaire au teint basané. Un très beau personnage avec du caractère, parfait mélange de force et de sensibilité, qui ajoute un peu d'humanité à l'image très sombre et pourrie de la police judiciaire française (car tous les autres flics sont des incompétents ou des ripoux, à en croire cette série!). La romance entre Gil et elle - d'abord implicite, puis plus assumée - contribue à mettre du piquant dans leurs relations.
- un certain humour! Gil fait preuve, à plusieurs reprises, d'un sens de l'humour vraiment très sympathique. D'abord, il sème des citations latines en toutes circonstances (à l'instar du Alan de Viau et Duguay, dans la série MacGuffin et Alan Smithee). Puis, il y va parfois de répliques assassines, allant même jusqu'à briser le 4e mur, dans le tome #1, lors d'une rencontre vraiment très drôle avec un péteux parfaitement imbuvable!
- tout le dessin technique. Si l'anatomie des corps laisse parfois passer quelques imperfections (comme pour la gamine, comme je le mentionnais plus haut, ou ce bras plutôt mal orienté du bas de la p.4 (t. #1), tous les éléments techniques (décors, véhicules, objets, outils, bâtiments...) me semblent particulièrement soignés et d'une impeccable précision. C'en est impressionnant...
- Un suspense poignant et rondement mené. Oui, c'est lourd. Oui, c'est improbable. Oui, c'est cousu de fil blanc. Mais Hollywood a fait tous ses milliards à coups d'histoires lourdes, improbables et rapiécées de partout! Die Hard, James Bond, Jason Bourne ou Missions: Impossibles, ça vous rappelle quelque chose?! On est dans les mêmes eaux et, force est de l'avouer, ça fonctionne! La preuve? JE SUIS ACCROC!!! Je VEUX savoir ce qui est advenue de la belle Sylvia, qu'elle est la clé du mystère! Et c'est en lisant les deux tomes suivants, très bientôt, que je le saurai! Vous en réentendrez parler. Promis!
Les petits plus
- le premier tome a été, à l'origine, publié sous un autre titre: l'Homme qui aimait les poupées. Un petit élément qui m'a agacé, lorsque j'ai lu ce tome, c'est l'interdiction légale que l'auteur a eu d'utiliser les mots Barbie et Ken. Toute l'histoire est basée sur un disjoncté qui a fait une fixette sur sa Barbie, étant jeune, et qui se prend pour Ken... mais l'auteur utilise plutôt les noms Barbella et... Glen! Si j'ai vite compris que Barbella désignait la très célèbre Barbie, ce n'est que tard dans ma lecture que j'ai fait la connexion entre Glen et Ken! C'est dommage, parfois, ce que des histoires d'éventuelles poursuites judiciaires peuvent nous obliger à faire, en tant que créateur... ;^)
- à la p.39 de ce même premier tome, Gil et Djida, les deux héros, lisent des BD... On reconnaît très bien les couvertures de deux d'entre elles : Tramp (manifestement le tome #3) et Bout d'homme (le tome #1), deux séries écrites par un certain... Jean-Charles Kraehn!! B'en qu'iens! Auto-promo, quand tu nous tiens! ;^D
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