#01- FUGITIFS SUR TERRA II
Scénariste(s) : Christophe Salomon dit CRIC
Dessinateur(s) : Laurent VERRON
Éditions : Dargaud
Collection : X
Série : Fugitifs sur Terra II
Année : 2007 Nb. pages : 52
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (4 tomes)
Genre(s) : S.F., Héros animalier
Appréciation : 4.5 / 6
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Putsch et folles poursuites
Écrit le mercredi 20 mars 2013 par PG Luneau
Tomes lus : les #1, 2, 3 et 4
Suite à un coup d’état, une princesse réussit à prendre la fuite dans une navette spatiale… mais s’écrase en territoire isolé, non loin d’une ferme. Un jeune garçon de son âge vient au secours des quelques survivants.
Expliqué brièvement, comme ça, on pourrait presque se croire dans le célèbre épisode IV de la Guerre des étoiles, le premier film de la franchise à sortir en salle, celui qui m’a tant fait rêver, enfant. Pourtant, je vous parle ici d’une série jeunesse de science-fiction qui, bien que sa trame de fond reste des plus classiques, s’avère très divertissante et pleine d’intérêts.
D’abord, précisons que faute d’un Hans Solo, la princesse Balti et le jeune Pablo sont accompagnés de Tiph, une jeune ado de fort tempérament qui travaillait au palais royal mais qui s’était cachée dans la navette princière lors de l’assaut. Et en guise de Chewbacca protecteur, ils ont droit à Bakou-nine, un gigantesque orang-outan modifié transgéniquement afin qu’il puisse parler… et se transformer en machine de guerre, sur demande!
Du côté des méchants aussi, on fait dans le simiesque car le Darth Vador de service est nul autre qu’un second orang-outan aux capacités décuplées génétiquement : le sombre et cruel colonel Bakou-eight, instigateur du putsch militaire. Son but : prendre le pouvoir, bien sûr, mais aussi s’approprier le magnifique potentiel de Bakou-nine, dont il s’avère n’être qu’une version préliminaire d’un peu moins bonne qualité. Malheureusement pour nos quatre héros, Bakou-8 est peut-être un tantinet moins «performant», mais il contrôle toute l’armée… et c’est elle qui traque sans relâche notre quatuor incongru, dans les confins de Terra II, une planète si vaste que même après des siècles de colonisation, presque 80% de sa surface est encore inexplorée!! Nos fugitifs devront faire preuve d’ingéniosité, de malice… et de pas mal de chance pour tirer leur épingle du jeu et se soustraire aux tirs aériens des vaisseaux militaires du simiesque colonel!
Ce très efficace récit de science-fiction, nous le devons à Laurent Verron, qui s’est surtout fait connaître depuis que Roba lui a officiellement confié ses plus célèbres bébés : Boule et Bill! En effet, le rouquin salopetté le plus connu du neuvième art et son fidèle cocker sont, depuis 2003, dessinés exclusivement par celui que Roba avait pris comme assistant quelques années plus tôt. S’alliant à Cric, un des scénaristes qui rédigent les plus récents gags de Boule et Bill (et avec qui il avait déjà travaillé sur divers petits projets), Verron s’est lancé, chez Dargaud, dans ce palpitant récit de S.F. s’adressant aux jeunes de 10 ans et plus… en autant que leurs parents acceptent qu’ils assistent à une certaine violence!
En effet, les explosions et la mitraille sont assez récurrentes dans cette saga, et contrairement aux bons vieux Astérix, où l’on ne voyait jamais une goutte de sang, Fugitifs sur Terra II assume sa modernité, et certaines fusillades laissent parfois quelques traces écarlates sur le sol, sur les uniformes… et même sur les vêtements de certains des personnages importants! Avis aux âmes trop sensibles : tous vos personnages chéris ne s’en sortiront peut-être pas vivants!
Plus grandes forces de cette BD :
- les illustrations des pages de titre. Verron a choisi de nous dessiner… les pieds de ses héros!! Original et intrigant! ;^)
- la grosseur des vignettes, toujours de bonne taille. Les planches comportent rarement plus de six cases, la moyenne devant frôler les 4 ou 5 cases/page! Parfois en pleine page (#1, p.34 et 52), ou même sur double page (#2, p.46-47), toutes ces illustrations ne peuvent qu’être lisibles et frappantes!! Surtout que Verron n’est vraiment pas du genre à surcharger ses cadres… qu’on pourrait même qualifier d’un peu vides, avouons-le! (voir plus bas) ;^)
- les couleurs très vives, toutes en à-plat. Sans aucun jeu d’ombres ou de tramés, ces grandes surfaces de rouge, de vert, d’orangé ou de bleu nuit accrocheront même, à n’en point douter, l’œil des plus myopes d’entre vous!! ;^)
- le très intéressant design futuriste des architectures et des véhicules. Exception faite du palais royal (#1, p.24), qui semble être un gros amalgame de n’importe quoi, les vaisseaux militaires et les bâtiments civils ont tous un petit quelque chose d’original, comme les chasseurs aériens aux formes de poisson… ou même les huttes du peuple yiakoot, où se réfugient nos quatre fugitifs.
- le personnage de Bakou-nine, avec le savoir universel que les scientifiques qui l’ont modifié génétiquement ont su lui insuffler dans le cerveau! De voir une telle encyclopédie/machine de guerre à quatre bras jouer à la nounou auprès de trois ados, dont deux jeunes filles caractérielles, c’est assez sympathique!!
- une violence, sans trop d’éclat mais quand même présente et bien assumée… Car, quoi qu’en pensent les plus puritains, on ne peut que constater qu’elle engendre de très touchantes scènes émotives…
- la page épilogue, «cachée» après la fin du tome #2!! Je suis convaincu que plusieurs lecteurs pressés referment leur livre en voyant le mot «fin»… et ratent cette page 52, qui introduit le tome #3 de belle façon!!
- le regroupement par diptyque. En effet, chaque épisode du récit se déroule jusqu’à maintenant en deux tomes interdépendants… lire le tome #2 sans avoir lu le #1, par exemple, ou lire le #3 sans jamais lire le #4, m’apparaît à peu près impensable. Chaque paire forme un «chapitre» racontant la fuite de nos héros… et les tomes #3 et 4 constituent la suite directe du premier diptyque… C’est pourquoi je préfère parler d’un cycle de 4 tomes… Je présume que la série va se poursuivre mais, pour le moment, on peut dire que la finale du #4 est concluante en soi. :^)
- le bon résumé du début du tome #3, qui s’avérera sans doute fort utile à ceux qui ne suivront pas mon conseil précédent et qui tenteront tout de même de plonger dans cette course-poursuite futuriste sans avoir lu le premier «chapitre» en deux tomes!!
- la typographie de la langue des yiakoots. Il s’agit là d’une des langues inventées les plus originales que j’ai vues de ma vie! En fait, malgré le fait qu’on n’y comprenne rien, elle est si fascinante qu’elle nous donne envie de l’étudier dès sa première apparition, à la p.24 du tome #3!
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’absence de titre spécifique. J’aime bien quand chaque tome d’une même série a un titre bien à lui, qui le distingue des autres et nous donne déjà une idée de la teneur de ce qui va suivre… Que voulez-vous : je suis vieux jeu comme ça, moi!! ;^)
- l’incongruité entre la technologie utilisée par tous ces humains qui colonisent cette planète depuis des siècles (ce qui inclut des vaisseaux spatiaux, des satellites, des scanners, des sonars et tout plein d’autres outils d’exploration de haut niveau que la science découvrira d’ici là…) et le pourcentage de cette nouvelle planète encore inconnue. Comment croire que 80% de cette méga-planète soient inexplorés!?!? Inexploités, je peux le comprendre, les ressources humaines étant pour le moment insuffisantes, mais inexplorés et presque inconnu?? D’autant plus que le scénariste aurait pu ramener ce pourcentage à 50 ou 30% que ça n’aurait rien changé! Ce 80 est un peu grotesque, car il donne l’image d’une planète si gigantesque qu’elle pourrait, à elle seule, être un univers!
- l’appellation des singes!! Pourquoi utiliser les nombres… en anglais?? Au départ, je croyais que Bakou-nine se prononçait à la française, comme Anna Karénine!! Ce n’est que lorsque Bakou-eight se nomme que j’ai réalisé qu’il s’agissait du nombre 9, en anglais, et que, pour une raison que je ne comprends toujours pas, des auteurs français ont ENCORE préféré écrire «en bilingue», pour paraître in, hot, cool et from there time. C’est tellement plus chill de speaker deux langues, d’inclure un word on two en english, isn’t it??? GRRRRRRRRRR!!!!!!!!!! Damn’ Frenchs!!! Comme si le fait d’écrire Bakou-huit et neuf, ou Bakou 8 et 9, aurait rendu ce récit de S.F. moins intéressant ou moins crédible parce que «moins américanisé»!!!!! C’est d’un pathétisme!...
- la rapidité avec laquelle on passe à travers ces albums!! Je n’ai jamais vu une série d’albums se lire si vite, et ce, malgré le grand nombre de pages (52, ce qui est très rare de nos jours, surtout en BD jeunesse!!). La mise en page est si aérée, les vignettes sont tellement grandes, et contiennent si peu de texte… que ça fait en sorte qu’on passe à travers un album en deux temps, trois mouvements!! La quasi-absence de décors, dans la presque totalité des vignettes, contribue aussi à la rapidité de lecture : notre œil n’a pas grand-chose sur quoi s’attarder, on fait rapidement le tour du propriétaire!!... ;^(
- le long «trou» qui est survenu lors de la réalisation du volume #4. En effet, la datation des planches nous démontre que, contrairement aux autres tomes, qui ont tous été échelonnés sur deux ans, le #4 a vécu un long passage à vide : seules douze planches ont été réalisées en 2011!! J’imagine que Verron devait alors travailler sur un autre projet… mais c’est un peu cruel de le faire en plein milieu d’une intrigue aussi enlevante : ce genre de pause serait tellement plus «acceptable» ENTRE les diptyques, plutôt que lorsque les lecteurs attendent désespérément le dénouement d’une situation!?! Bref, heureusement que j’avais déjà les quatre tomes avec moi, sinon j’aurais été pas mal frustré de ne pas pouvoir lire tout de suite la conclusion!
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