#01- OLD CREEK TOWN
Scénariste(s) : Nicolas DELESTRET, Roderic VALEMBOIS
Dessinateur(s) : Roderic VALEMBOIS
Éditions : Dargaud
Collection : X
Série : Enquêtes d'Andrew Barrymore
Année : 2010 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Western / Amérindiens / Nlle-France, Aventure policière
Appréciation : 5 / 6
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Si Holmes ou Marple étaient allés au Far West...
Écrit le lundi 28 février 2011 par PG Luneau
Oui, si le célèbre détective de Baker street avait visité l'Ouest sauvage, ou si la surprenante Miss Marple, si chère à Agatha Christie, avait roulé sa bosse jusqu’au pays de Lucky Luke, ils n’auraient pas mieux raisonné que ne le fait l’habile Andrew Barrymore, le jeune détective privé nouvellement arrivé de San Francisco dans le but de devenir le shérif-adjoint de la petite localité d’Old Creek Town.
Ahh! Old Creek Town! Sa quiétude, son luxe, son calme, sa volupté… Son premier meurtre, aussi!! Car moins de 24 heures après son arrivée, Barrymore se doit d’aider son chef, le shérif Patherson, à élucider le meurtre de l’épicier Cunningham! Et il saura très vite épater la galerie avec sa vivacité d’esprit, son sens aigu de l’observation, sa logique implacable et ses déductions d’une justesse infaillible. Il est jeunot, le nouveau, mais il en a dedans, et il saura tirer son épingle du jeu!
Car il n’est pas nécessairement évident de se tailler une place dans la petite bourgeoisie bien établie d’Old Creek Town. Oh! Ils sont bien gentils avec lui, tous autant qu’ils sont : le maire Tumbletown, bon vivant pétri de civilité, et son intarissable épouse; le charmant monsieur Bradburry, banquier, et sa femme Huguette; les médecins Catlin et Pickles, en perpétuelle chicane, et la vieille Jenkins, cette éternelle acariâtre, descendante du fondateur du village… Mais n’ont-ils pas tous quelque chose à cacher?
Et que dire de miss Calahan, la nouvelle institutrice que le shérif trouve bien de son goût? Si ce n’était de la grande timidité et du côté un peu balourd de ce dernier, il y aurait presque de la romance dans l’air! Heureusement, Andrew n’est pas qu’un excellent enquêteur : il est aussi un bon conseiller! Et si «miss» Brendy a moins bonne réputation que l’enseignante (mais beaucoup plus de fréquentations, si vous voyez ce que je veux dire !!), elle n’en a pas moins une opinion bien arrêtée sur ce qui s’est passé chez l’épicier, et refuse catégoriquement de croire en la culpabilité de Barry, le forgeron que tout accuse!
C’est vraiment un très agréable microcosme que celui de cette petite bourgade de l’Ouest, où la voix ferrée s’arrête depuis peu. Le dessin semi-réaliste de monsieur Delestret est original. Il s’en dégage un certain raffinement, une authenticité toute personnelle, et même s’il demeure dans le courant de la ligne claire, son trait ne cherche pas à se plier à certains standards à la mode. Cette originalité fait plaisir à voir. Sur le plan du scénario, bien que le récit souffre de quelques petits défauts de construction, certaines trouvailles sont intéressantes (comme la mort des corbeaux dans les champs!!) et j’ai beaucoup apprécié faire la connaissance de tout ce beau monde. Sincèrement, j’ai hâte de les retrouver… et je viens d’apprendre que Dargaud sortira le tome deux quelque part en mars ou avril, en Europe! Chic chic!
Plus grandes forces de cette BD :
- la sobriété de la couverture, avec ses belles zones pelliculées. Le contraste entre la douce rugosité de la zone mate et le délicat satiné de la partie glacée nous donne tout de suite accès au caractère rustique de l’univers western dépeint. De leur côté, les jambes du premier plan, teintes d’un grand à-plat rouge, nous font sentir la grande classe du graphisme de Valambois. J’adore!
- les couleurs terreuses mais bien franches, faites par Valambois lui-même. Curieusement, il parvient à injecter beaucoup de vivacité dans ses atmosphères : même s’il a choisi principalement des beiges, des bruns et des gris sombre, il sait ajouter avec beaucoup de brio des petits rose pâle, des violets ou des lilas doux qui égaient sagement l’ensemble. Et puis, il reste toujours l’épaisse tignasse rouquine du héros! Tout comme les choix de couleurs, la qualité du papier, non glacé, assez texturé et épais, contribue lui aussi à donner cet aspect rustique.
- les traits ronds, tout à fait originaux et particuliers. Si Andrew Barrymore, le personnage principal, ressemble énormément au héros de la série les Maîtres cartographes, la plupart des autres personnages ont des tronches ayant de subtils airs de manga, de par leurs sourires exagérés ou leurs yeux parfois exorbités. D’ailleurs, toute la bouche et le menton de «MA-DE-MOI-SEL-LE» Jenkins rappelle ceux des petits compagnons d’Albator ou de Mini-fée!
- une gamme de personnages des plus classiques. Elle est assez vaste pour permettre de bons échanges, et offrir une liste de suspects intéressante. Tous les notables habituels s’y retrouvent : le maire, le banquier, l’institutrice, les médecins, les propriétaires terriens… Seul le croquemort manque encore à l’appel… pour le moment!! Quand on y rajoute l’hôtelier-tenancier de saloon, le forgeron… et les filles de mauvaise vie, le tableau est très complet et très réaliste. On se plait à espérer mieux les connaître en les retrouvant dans les tomes futurs!
- les subtiles touches d’humour. Sans que ce ne soit un album humoristique, plusieurs petits détails (les commentaires du narrateur, par exemple!) sont essaimés tout au long de l’album afin de nous faire sourire. Ça ajoute indéniablement aux charmes de l’ensemble.
- la naïveté apparente du héros, nouvel arrivant dans ce village rural. Derrière ses airs de petit intellectuel romantique, il cache un sens analytique digne du grand Sherlock et il impressionne ses nouveaux concitoyens de par la rapidité avec laquelle il parvient à associer les différents éléments pour résoudre les mystères. Un héros qui a de l’avenir, je crois, dans la lignée de la «Revanche des Nerds» !!
- le classicisme de la scène finale, celle des grandes révélations. Tout à fait digne du grand Hercule Poirot, Andrew nous dévoile le fin fond de l’affaire avec précision et méthode, n’oubliant aucun détail, s’amusant même parfois à faire des effets de voix pour surprendre l’ensemble des suspects réunis. La mauvaise surprise, c’est qu’on N’aurait PAS pu élucider le mystère par nous même, faute d’accès aux indices (voir ci-bas), contrairement à l’enquête du tome #1 de la série Fables, que je critiquais tout récemment.
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’odeur que l’encre laisse dans ces pages! Je ne sais si c’est dû à la sorte d’encre ou au fait que le papier ne soit pas glacé, mais l’odeur rance qui se dégage de l’album n’est vraiment pas agréable!
- quelques petites incohérences dans le scénario. La robe de la penderie de l’institutrice est-elle la même que celle retrouvée souillée dans l’horloge?? Si oui, il y a incohérence totale. Si non, comment deux robes identiques peuvent-elles se retrouver dans la même maison en si peu de temps? C’est improbable, ou, du moins, donnez-nous une explication pour rendre le tout minimalement plausible. Pour ma part, j’ai relu ces passages deux ou trois fois pour être sûr que je n’avais pas manqué un détail explicatif… et j’ai fait patate!?
- quelques indices non-dévoilés, ce qui nous empêchent de mener nous-mêmes l’enquête. En effet, l’enquêteur trouve parfois des éléments, mais ne nous les montre pas. C’est le cas ici, par exemple, de l’éléphant, ou de l’achat de la robe noté dans le livre de comptes. Barrymore sort ces importants indices de sa manche à la toute fin, sans qu’on ait pu les voir venir. Dommage, car ça enlève au plaisir de lire une intrigue policière!
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