#01 - LES ELFÉES
Scénariste(s) : Serge CARRÈRE, Gwenaël Marcé dit WEISSENGEL
Dessinateur(s) : Stéphane Dollégeal DOLLPHANE
Éditions : Dargaud
Collection : X
Série : Elfées
Année : 2008 Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Récit complet (Inspiration manga)
Genre(s) : Aventure fantaisiste, Fantastique mythique, Humour fantaisiste, Héros animalier
Appréciation : 3.5 / 6
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Girls band et féérie, dans une explosion de guimauve rose bonbon!
Écrit le mercredi 16 décembre 2015 par PG Luneau
Tomes lus : #1, 2, 3 (2009) et 4 (2010, Récit à suivre)
Peut-être connaissez-vous une «vraie» jeune fille de 8 ou 9 ans?! Vous savez, du genre à exiger une chambre rose ou lilas, à n'avoir QUE du rose dans sa garde-robe (pourtant bien garnie!!), à ne jouer QU'À la poupée (principalement en l'habillant de 1001 vêtements et accessoires... roses!! ;^)... Une vraie «fifille», qui rêve de devenir la future star de la mode, du chant ou de la télé... Qui n'écoute QUE du Marie-Mai en faisant du lip sync et en imitant ses vidéo-clips, une brosse à cheveux à la main en guise de pseudo-micro... Eh bien, pour elle (et toutes ses copines ;^), j'ai trouvé LA série parfaite : les Elfées!!
Ça raconte l'histoire de quatre jeunes filles d'une douzaine d'années qui deviennent copines en entrant au collège et qui décident de fonder un groupe de musique rock... Mais ne voilà-t-y pas qu'elles découvrent qu'elles ont un point en commun : toutes possèdent l'étrange pouvoir de faire apparaître, quand elles sont en colère ou qu'elles se concentrent, de petits personnages mythologiques qui viendront à leur défense!! Ainsi, Nina la romantique fait apparaître une elfe (genre Fée clochette), la fougueuse Lou, une salamandre (pas l'animal!! - le genre de feu follet, comme dans la série Salamandre), Izel, l'intello originaire du Proche-Orient, une djinn (comme la belle Jinnie des années 60! ;^) et Yoshi, une kami (l'équivalent japonais d'un farfadet). C'est que ces quatre jeunes filles ne sont pas n'importe qui!!?
Elles sont issues du mythique Peuple des fées, ce peuple magique en décrépitude qui s'émiette à vue d'œil et qui risque de disparaître d'ici quelques années si rien n'est fait!! C'est pourquoi le roi Obéron et la reine Tatiana (oui oui, vous avez bien lu, les deux héros du Songe d'une nuit d'été, de Shakespeare!!), aidés de tous leurs sujets (centaures, faunes, lutins, sorcières, licornes et toutes les autres créatures mythologiques ou mythiques qui vous viennent en tête!), ont tenté le tout pour le tout : envoyer 4 des leurs pour être élevées chez les Hommes, de manière à établir un pont entre notre monde réel et leur monde féérique invisible!
C'est par leur musique, aux effets magiques (ne dit-on pas qu'elle adoucit les mœurs?? ;^), que notre quatuor d'héroïnes va tenter de contrer la disparition de leur monde d'origine tout en défiant les méfaits de monsieur Hameln et des ténébreux Néphilims, qui rêvent que le mal s'empare de la planète, rien de moins!
Après un premier tome de mise en place (les filles se rencontrent, découvrent le secret de leur origine et créent leur groupe), on assiste, dans le tome #2, à une mobilisation communautaire de quartier dans le but d'empêcher la construction d'un méga parc d'attractions qui signerait la fin du petit square où loge secrètement le Peuple des fées.
Puis arrive le tome #3, avec son scénario qui est la copie conforme du film américain Josie et les Pussycats (sorti en 2001 et basé sur la série éponyme de comics de la franchise Archie : un de mes plaisirs coupables d'enfance ;^) : les Elfées remportent la première place d'un concours musical... mais leur nouveau manager est nul autre que monsieur Hameln, leur ennemi juré!! Le filou introduira dans les chansons de ses pouliches des hyperfréquences qui risquent de rendre littéralement fou furieux tous ceux qui les écoutent!! :^O Ce tome ferme, en quelque sorte, un premier cycle.
En effet, avec le tome #4, on se lance carrément dans autre chose!! Yoshi et Izel partent pour le Japon, en voyage d'échange scolaire. La jeune Nipponne découvrira sa culture d'origine, les lecteurs en apprendront plus sur les mythes japonais (les kamis, Namazu, Izanagi et Izanami...)... et tous seront émus en apprenant la triste histoire d'Hiroshima et de Nagazaki. MM. Carrère et Weissengel ont eu la bonne idée d'aborder cet horrible épisode de notre histoire contemporaine tout en l'intégrant à la fantasmagorie de leur univers : ces terrifiantes explosions ont carrément changé le monde... mais ils ont aussi eu des impacts majeurs sur le monde surnaturel de là-bas. Les Elfées seraient potentiellement les seules à pouvoir réparer les dégâts... mais seules deux d'entre elles sont sur place!! Et les effets de leur musique ne sont bénéfiques que si le groupe est complet! Ce tome nous laisse sur un suspense... à suivre, dans le tome #5!!
Fortement inspiré par les mangas (yeux de biche démesurés ; unique larme de sueur, mais très prononcée, pour indiquer la peur ou le malaise ; mouche qui traverse une vignette à l'horizontal pour accentuer une situation malaisante...), Dollphane dessine en se servant, manifestement, de l'ordinateur. Si son trait est minimalement correct dans le premier tome, il prend très rapidement de l'assurance et de la finesse. Cette évolution graphique est même notable sur les couvertures : remarquez à quel point ses héroïnes sont grossièrement dessinées sur la première couverture comparativement à celles de la seconde... alors que celles du 4e tome sont toutes en finesse et en délicatesse! Toutefois, pour avoir en ma possession quatre dédicaces de ce gentil monsieur, je puis affirmer que ses dessins à la main sont encore plus beaux que ceux qu'il produit à l'aide de ses outils informatiques! Élément notable, il a choisi de faire fi de la tradition séculaire qui veut qu'un héros de BD soit toujours vêtu de la même façon!! Non seulement ses quatre héroïnes changent de tenue vestimentaire huit ou neuf fois par album, mais elles changent même de coiffure!! Toute cette surabondance de looks pourraient nous faire perdre le fil... mais heureusement, Dollphane a bien fait son travail : chacune des protagonistes est assez bien typée (l'Asiatique, la blonde, la brune et... la rose!?!) pour être reconnaissable, peu importe la tenue choisie! Et j'ai l'impression que ce dessinateur prend grand plaisir à multiplier ces looks... plaisir très certainement partagé par toutes les demoiselles-lectrices, qui y trouveront une infinitude de modèles dont elles pourront s'inspirer! ;^)
Des petites aventures endiablées dans un contexte fantastique qui laisse beaucoup de place aux différentes mythologies, des bons sentiments, de la guimauve et une orgie de rose, de turquoise, de fuchsia et de lilas, voici ce que vos gamines adoreront adorer en lisant ces albums, prépubliés dans le magazine français Julie, destiné aux 9 à 14 ans (bien que la série s'adresse plutôt aux 8 à 10 ans, 11 maximum!!).
Plus grandes forces de cette BD :
- le typogramme de la série. Non seulement il est recouvert de petits brillants qui semblent pétiller dès qu'on oriente l'album vers la lumière, mais il nous présente, discrètement, en contre-jour, la silhouette des mini-fées des quatre héroïnes. Mignon!
- mes quatre dédicaces, obtenues quand Dollphane est venu à Québec, en 2014. Une belle rencontre, et quatre belles œuvres, au stylo, colorées au crayon de bois. J'ai donc l'honneur d'avoir Puck (le lapin-mascotte des Elfées), Titania (la reine des fées), Izel et puis Lou!
- les sympathiques petits jeux de mots et les nombreux clins d'yeux! ;^) Dès la p.5 du premier tome, on nous sert le «petit, pas Tapon» et «l'accord d'Éon». Beaucoup plus loin, on a droit au «sot, six sons» (p.38 du tome #4)... et il y a, j'imagine, tous ceux qui m'ont échappé!! Le nom du méchant monsieur Hameln n'est pas sans rappeler celui du cruel joueur de flûte de Hamelin, les magasins Virgin sont parodiés en méga-boutique Virgule, et on fait allusion à plein de groupes et de chanteurs : Duft Pank, Bjeürk, Sirène Farmer, Prima Donna, David Guetta Pan, XX Top, Jimmy Chikendrix... Le clin d'œil à Cyrano est sympathique (tome #1, p.33). Puis, j'ai adoré remarquer, sur le journal électronique de la p.60 du tome #3, la signature d'une journaliste célèbre : Rita Skeeter! Comment, vous ne la replacez pas?? Mais si, voyons : c'est la détestable pinailleuse de la série Harry Potter!! ;^) Manifestement, les auteurs se sont bien amusés, jusque dans les tous petits détails! ;^) Parlant de détail, en voici encore un autre, bien sympathique : sur la reproduction de la page du blog de Yoshi (p.61 du tome #2), on peut retrouver, parmi ses liens favoris, l'adresse des sites professionnels des deux scénaristes!! ;^)
- la variété des angles de vue et des plans. J'aime bien quand un illustrateur détaille ses éléments du premier plan mais laisse l'arrière-plan un peu plus flou. C'est souvent le cas, ici! ;^)
- certains personnages secondaires amusants. Mentionnons entre autres M. Lemoche (malgré ses airs clichés de jeune nerd boutonneux, expert en informatique); le désopilant petit bébé-frère de Yoshi, qui n'arrête pas de répéter : «Moi aussi, moi aussi!»; le fan en pamoison devant Yoshi (p.8 du tome #3) et Samir, le membre des Pink Garbage qui deviendra le copain de Lou. Puis, il y a Frenzy Doc, le fabricant de succès et Böcklin le petit faune, que j'ai trouvé particulièrement intéressants. Ce sont tous des rôles très secondaires (ou même tertiaires!), mais ils m'ont particulièrement plu!
- des thématiques classiques... mais d'autres plus originales! D'abord, l'idée d'explorer un peu l'univers des boys bands (et des girls bands!! ;^) est bien songée : face à la clientèle visée, c'est très gagnant!! D'autres thèmes, comme les pyjamas parties ou les échanges scolaires, restent classiques... Toutefois, d'y adjoindre des thématiques comme la conciliation communautaire pour défendre un quartier (ça m'a rappelé le tome #2 de la série Sac à Puces), la jalousie et les égos au sein d'un groupe de musique (comme dans le deuxième tome de la série Playlist) ou l'impact de la bombe atomique sur Hiroshima et ses environs (physiques ET métaphysiques, dans ce cas-ci!), ça offre d'intéressantes perspectives scénaristiques!
- la grande variété de mythes et de mythologies intégrés à cet univers. Le Peuple des fées du duo Carrère et Weissengel (à qui l'on doit, aussi, les 4 Quarts, que j'ai commentés récemment!) est composé autant de créatures classiques (centaures, licornes, faunes, lutins, farfadets, gnomes...) que de nouvelles (petits fantômes, renards, chatons, guêpe en laisse... et plein d'autres entités un peu informes!!). En plus d'explorer divers mythes nordiques ou germaniques (l'Anneau des Nibelungen, Tristan et Yseut, Sigurdr et Fafnir, Myrddyn - alias Merlin...), ils font un détour jusqu'au Japon pour y explorer d'autres mythes moins connus chez-nous, comme ceux d'Izanagi et Izanami ou du gros poisson-chat Namazu! Bravo, messieurs, de ratisser si large et, surtout, bravo d'avoir réussi à faire en sorte que tout cela reste cohérent malgré tout! ;^)
- de bons punchs, surtout dans le scénario du tome #3. Je pense notamment au pouvoir de changeling de monsieur Hameln, qui amène un peu de diversité dans ce tome. Il y a aussi le combat de la fin, alors que Frenzy Doc n'y voit que les filles se battant contre de l'air, leurs ennemis étant invisibles à ses yeux!! ;^) À ce propos, je trouve intéressant, justement, que les scénaristes aient pensé à intégrer le principe de la pierre de lune qui permet de contrer cette invisibilité et de faire en sorte que les humains qui s'en frottent les yeux puissent voir le Peuple elfique. Et bravo aux scénaristes d'avoir eu le courage de faire disparaître un personnage important, à la fin de ce même tome! Ce citron était suffisamment pressé, il y aurait eu risque de redite! ;^)
- l'originalité du contexte du tome #4. Quelle belle idée que ce survol de la culture japonaise!! C'est intéressant, diversifié et pertinent. On a pensé à nous présenter (très sommairement, il va sans dire, mais quand même!) tant les arts classiques (dont le célèbre peintre Hokusai, avec une vignette-hommage à la p.9) que les arts très contemporains comme les mangas et la musique J-pop (dont je n'avais jamais entendu parler!! ;^) Tout cela est très... kawaï, pour utiliser le terme à la mode!! ;^) Deux seuls bémols : le fait que l'intrigue se laisse attendre jusqu'au milieu de l'album (ce n'est que vers la p.20 - sur 56 - qu'on commence à nous pister vers le mystère des kamis troublés!!) et la présentation somme toute un peu trop rudimentaire du désastre d'Hiroshima. Le sujet est délicat en soi, l'expliquer à des jeunes l'est encore plus... En fait, autant je trouve louable le désir des auteurs d'aborder la question, autant il me semble qu'un sujet aussi important et complexe aurait mérité des explications un peu moins expéditives. Les causes ont été relativement esquintées, il me semble qu'il aurait été important d'en dire un peu plus. Ça m'est apparu un peu court...
- tous les suppléments de fin d'album! Chaque album comporte 7 pages d'extras, réparties selon deux thèmes majeurs : des pages sur les 4 copines (biographies, copies de leur page de réseau social, de leur journal intime, etc.) puis des pages d'informations sur les personnages mythologiques rencontrés. Ces pages, ma foi très bien documentées, présentent l'origine de ces mythes et les mettent en contexte. On y parle, notamment, des Néphilims, du dragon Fafnir, de Tristan et Yseut, de Puck, Tatiana et Obéron, des Kamis... et même du célèbre peintre japonais Hokusai! Très instructives, ces pages, vraiment! ;^)
- le grand nombre de pages. Les séries BD de 54 planches, c'est maintenant très rare, et encore plus en BD jeunesse!! Si on rajoute en plus les 7 pages d'extras, dans chaque album, on est en présence d'un contenu plus que généreux ... et qui, paradoxalement, se lit très rapidement!! ;^)
Ce qui m'a le plus agacé :
- L'absence de titre spécifique à chacun des albums. Ça m'a toujours un peu dérangé...
- le dessin de la couverture du tome #1. Il détonne tellement des autres qu'il mériterait presque d'être refait, le trait de Dollphane s'étant tellement peaufiné rapidement depuis 2008! ;^)
- un problème d'impression, sur la première page de mon tome #1. Les cases de la bande centrale de la planche sont comme en surimpression sur le haut de la bande suivante. Ça bousille toutes les couleurs et occulte les personnages cachés dans l'ombre. J'espère pour Dargaud qu'il s'agit d'un cas isolé!!
- l'utilisation de l'ordinateur. Comme je le disais plus haut, les talents graphiques de Dollphane transcendent encore plus quand il y va manuellement! De plus, à plusieurs reprises, j'ai trouvé l'exploitation qu'il a faite de l'informatique peu intéressante. Par exemple, je n'aime pas quand un dessinateur intègre, aux décors de ses vignettes, des photos trafiquées (ex. p.3 ou 5 du premier tome, 17 du tome #3 ou 53 et suivantes du tome #4). Sur d'autres planches, j'ai souvent eu l'impression que les dessins avaient été faits tout petits, puis grossis grâce à l'ordi... Malheureusement, ces grossissements sont parfois si intenses que les traits en viennent tout près d'être pixélisés (comme dans le bas des p.42 et 47 du premier tome, ou celui de la p.21 du tome #3), tout larges, sans finesse!! Puis, il y a un certain abus du copier-coller!! Il est particulièrement manifeste dans le tome #4, principalement pour la foule de collégiens de la p.8 (ce qui renforcie le plate adage qui veut que tous les Asiatiques se ressemblent!! ;^P) et l'invasion de grenouilles de la p.32.
- plusieurs petits détails, plus faibles ou moins cohérents, dans les scénarii. Par exemple, dans le premier tome, Éon met du temps (on ne sait d'ailleurs pas trop combien : 6 mois, un an, un an et demi??) pour retrouver la trace de Lou (p.9)... Pourtant, elle se trouve à l'emplacement exact où les trois trolls l'ont abandonnée!! C'est dire à quel point Éon ne ferait pas un bon enquêteur!! Je passe sur le providentiel hasard qui fait que les 4 filles, bien qu'ayant toutes été adoptées par des gens différents, se retrouvent au même collège, ainsi que sur l'utopique idée que quatre jeunes filles n'ayant JAMAIS touché à un instrument de musique de leur vie deviennent stars en quelques mois. Je soulignerai plutôt l'imprévisibilité des résultats, lors des combats : parfois, les petites fées qui viennent à la rescousse des Elfées parviennent à faire fuir de puissants ennemis en à peine quelques petites chatouilles magiques; d'autres fois, au contraire, elles déclarent forfait devant de petites créatures dès leur apparition! On dirait qu'il n'y a aucune logique! Du moins, aucune qui ne nous soit encore expliquée! Dans le tome #3, on ne nous explique jamais comment Hameln est parvenu à manipuler les jurés pour qu'ils votent en faveur des Elfées, alors qu'elles avaient été très moyennes lors de leur audition. Quant au tome #4, outre l'inutile temps mort (p.11 en bas, 12 en haut), il y a l'apparition soudaine du torrent, sorti de nulle part, qui m'a laissé perplexe... comme s'il n'était apparu QUE pour mettre un suspense (un brin factice) en cette fin d'album! Un peu décevant...
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