DES LENDEMAINS SANS NUAGE
Scénariste(s) : Fabien VEHLMANN
Dessinateur(s) : Bruno GAZZOTTI, Ralph MEYER
Éditions : le Lombard
Collection : Signé
Série : Des lendemains sans nuage
Année : 2001 Nb. pages : 64
Style(s) narratif(s) : Récit complet & Courts récits
Genre(s) : Anticipation
Appréciation : 4.5 / 6
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Si demain m'était conté...
Écrit le mercredi 13 décembre 2023 par PG Luneau
C'est quoi?
Tout l'essentiel Des lendemains sans nuage est posé dès la première page et demie : F.G. Wilson, un jeune génie de la technologie, a dorénavant la mainmise sur toute la population mondiale grâce aux implants qu'il a inventés et qu'il a réussi à tellement vanter que tous ont accepté de se les voir implanter dans le cerveau! Depuis, personne ne peut plus manifester aucun signe d'agressivité à son égard! Du coup, Wilson peut agir en despote et imposer impunément ses lois. Seul un autre ingénieur de talent, Nolan Ska, trouve le moyen détourné de l'atteindre : retourner dans le passé pour convaincre le jeune Wilson de délaisser la technologie pour plutôt laisser libre place à ses aspirations littéraires! Ce faisant, il espère changer le cours de l'Histoire... Mais ce cours ne se laisse pas dévier si facilement!
Ska parviendra à entrer en contact avec le jeune Wilson... mais comment transformer ce jeune arrogant boutonneux en auteur célèbre alors qu'il n'est qu'un écrivaillon miteux sans aucun talent? Le défi est de taille, et sera prétexte à toute une série de courtes «nouvelles» d'anticipation, plus originales les unes que les autres!
C'est comment?
Dans les faits, je me suis procuré cet album pour deux raisons : il est dessiné par Bruno Gazzotti, le génialissime dessinateur de la série Soda, et ça traitait de S.F.! Outre ces deux éléments, je ne savais aucunement à quoi m'attendre. J'ai donc eu le plaisir de me laisser aller à la découverte.
La prémisse de base est intéressante quoiqu'un peu difficile à croire : que la planète entière ait accepté de se laisser brancher un implant dans le cerveau, ça me semble un peu exagéré. Et qu'un ingénieur puisse fabriquer une machine à remonter le temps fonctionnelle, mais ne sache pas contrecarrer les dits implants, ça l'est tout autant! Mais passons outre, puisque tout ça n'est au final que le prétexte pour mettre en place la relation entre l'homme du futur (Ska) et le futur despote (Wilson) à la fin de son adolescence, le premier agissant comme écrivain (pour ne pas dire le fameux mot en N qui désigne ces auteurs de l'ombre!) pour le compte du second, qui récolte les fruits de son labeur en y apposant son nom. Tout au long de la «carrière littéraire» de Wilson, nous aurons droit à 6 récits futuristes, plus de l'ordre de l'anticipation que de la réelle S.F., de 4 à 8 pages chacuns. Plusieurs thèmes (comme le modelage génique, l'hégémonie pharmaceutique, le contrôle des masses, la surconsommation, la recherche de la perfection, etc.) y sont abordés de manière à susciter de très intéressantes réflexions sur l'avenir de notre société! Qu'on le veuille ou non, on ne peut faire autrement que de se positionner face aux différentes facettes que cet avenir (assez démoralisant, avouons-le!) nous réserve. Et quand on regarde tous les enjeux que soulève l'arrivée de l'Intelligence artificielle, depuis quelques années, cette BD reste tout à fait d'actualité, même si elle date de plus de 20 ans!
En fait, j'ai comme ressenti l'effet gestalt à la lecture de ces «nouvelles». En effet, même si chacun des récits pris individuellement souffre, somme toute, de petites lacunes qui m'empêchent de crier au génie, l'ensemble de l'œuvre m'a beaucoup plu : c'est vraiment un parfait exemple du «tout qui est meilleur que la somme de ses parties»! Et, en disant cela, je suis diamétralement à l'opposé de ce que mon ami Yaneck, chroniqueur BD français, en a pensé !
Pour ce qui est du dessin, on reconnaît bien le trait de Gazzotti, même s'il se veut un tantinet plus réaliste que dans Soda. Toutefois, je n'arrive pas à déceler les planches dessinées par Ralph Meyer ou son apport à tous ces dessins. Il est vrai que son style à lui ne m'est pas du tout familier. Pour moi, c'est comme s'il avait réussi à se fondre parfaitement au style de Gazzotti... À moins que son style soit plus réaliste, ce qui aurait forcé Gazzotti à faire son bout de chemin en ce sens? Chose certaine, l'amalgame de leurs deux styles donne un résultat que j'adore.
Je recommande donc cet album, surtout pour le riche potentiel de réflexion qu'il saura susciter. À partir de 14 ans.
Mes bémols
- quelques petites incohérences. C'est, dans ce genre de récits, assez inévitable. Ici, l'invention du mécanisme qui permet le voyage spatio-temporel est totalement occultée: le brillant M. Ska découvre ça on ne sait trop comment et, la case d'après, on passe à autre chose! C'est un peu incongru. Puis, il y a l'improbable tuyau de ventilation de la prison du futur... qui devient, à force de ramper dedans, un tunnel souterrain !?! J'ai rarement vu quelque chose d'aussi illogique! Ça nuit bien évidemment au réalisme du reste! Dommage...
- un futur trop proche. L'album date déjà de 22 ans (2001), mais le futur raconté par Ska réfère aux étonnants jeux olympiques de Tokyo de... 2023 !?:^O Même si on glisse inexorablement vers ce futur (assez apocalyptique à bien des égards!), on n'en est quand même pas encore aux athlètes qui performent sous le drapeau de la compagnie pharmaceutique qui les a «formés» !? Et je mettrais ma main au feu que la ville de New York ne ressemblera en rien, en 2067, à la super MégaYork qu'on nous présente dans cet album! C'est bien juste dans 44 ans, quand même! Ça demanderait des modifications d'infrastructures trop importantes pour que ce soit réalisable, faute de temps et d'argent! Il aurait fallu viser des années un peu plus éloignées dans le temps.
Les plus grandes forces de cette BD
- une idée de base qui a le mérite d'être intéressante (même si elle est très peu réaliste!). Comment serait la vie si un implant quelconque nous empêchait de tenter quoi que ce soit de négatif à l'encontre de la personne au pouvoir? Ça sonne pas mal «régime totalitaire», finalement!
- le dessin. Comme je le disais plus haut, l'amalgame des dessins des deux artistes est incroyable. Il démontre d'un parfait équilibre, équilibre que j'espère avoir la chance de retrouver dans l'avenir!
- le punch final. J'ai surtout aimé le fait que j'en suis venu à la même conclusion que Ska, le personnage principal, quelques pages avant lui! Comme quoi on est solidaire, lui et moi! ;^)
- la présentation loufoque des auteurs, en quatrième de couverture. Elles sont cocasses... bien que pas très informatives! J'aurais vraiment aimé savoir de quelle façon Gazzotti et Velhmann se sont répartis la tâche car, contrairement à ce qu'on y dit, ça m'étonnerait qu'il ait fait chacun une planche, en alternance!
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