#01 - LE ZOO PÉTRIFIÉ
Scénariste(s) : Joris CHAMBLAIN
Dessinateur(s) : Aurélie NEYRET
Éditions : Soleil
Collection : Métamorphose
Série : Carnets de Cerise
Année : 2012 Nb. pages : 80
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Quotidien, Aventure, Récit psychologique, Drame de guerre
Appréciation : 4.5 / 6
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la Pseudo-espionne la plus tendre du 9e art!
Écrit le lundi 07 septembre 2015 par PG Luneau
Tomes lus : #01 - le Zoo pétrifié (Quotidien, Aventure)
#02 - le Livre d'Hector (2013; Quotidien, Aventure, Récit psychologique, Drame de guerre; 5 /6)
Aah! Voilà que je viens (enfin!) de faire la connaissance de Cerise, cette si charmante gamine dont on parle tant, sur le Net! ;^) Voilà que je comprends (enfin!) l'engouement de tous pour ses si charmants carnets! Pour ceux d'entre vous qui n'auraient encore jamais entendu parler de ces si magnifiques albums, voici le topo :
Cerise est une mignonne jeune fille de 10 ans ½ qui, malgré son jeune âge, sait très exactement ce qu'elle veut faire dans la vie : elle sera écrivaine! Pour ce faire, elle passe plein de temps en compagnie de Mme Desjardins, une célèbre romancière de son village... et ce, malgré le regard un peu réprobateur de sa mère, qui trouve que cette relation empiète un peu trop sur sa propre relation mère-fille!!
C'est sous les recommandations de la vieille auteure que Cerise se met à observer tous les gens qui l'entourent et s'amuse à leur imaginer une vie... qu'elle note dans ses fameux carnets... Et ce sont ces carnets qui servent de base aux albums de la série!! ;^)
J'ai lu dans une entrevue avec la dessinatrice que l'album devait, à l'origine, avoir l'aspect d'une BD régulière... Mais Mme Neyret avait monté son dossier de présentation sous forme de carnets, avec petits dessins à gauche et à droite, entrecoupés de textes... Quand les responsables de la collection ont vu ça, elles ont tellement aimé le style qu'elles ont suggéré que les lecteurs puissent, eux aussi, profiter un peu de ces mignons petits surplus... D'où l'idée d'insérer, à divers moments dans la BD, un total d'une vingtaine de grandes pages de textes manuscrits, genre journal intime, agrémentées de dessins, de photos, de découpures de journaux, de lettres, de gribouillis... Cette formule hybride ne pouvait mieux convenir à la narration des aventures et états d'âme de Cerise et de ses deux copines, Line et Érica!!
D'autant plus que la facture visuelle en est des plus intéressantes!! ;^) Le trait fin et très sensible de Mme Neyret trouve dans cette série son parfait écrin!! Chaque vignette est un petit tableau rempli de tendresse et de poésie où l'on sent toute la vitalité et la chaleur qui empreignent cette héroïne au grand cœur!
Et quelles intrigues!! :^O M. Chamblain frappe fort avec ces deux premiers «carnets»!! Dans chacun d'eux, Cerise et ses deux jeunes acolytes (qu'elle malmène un peu, parfois!) enquêtent pour élucider un mystère. Celui du vieil homme qui, chaque semaine, part en forêt avec des chaudières de peinture (?!), puis celui d'une vieille dame qui emprunte toujours le même livre de bibliothèque depuis... 20 ans!!?? Avouez que c'est bien intrigant, tout ça!! ;^) Et ne comptez pas sur moi pour vous en dévoiler plus!! À vous de lire ces tomes si vous voulez connaître le fin fond de ces affaires!! ;^) Vous y découvrirez une héroïne exceptionnelle, tant par ses qualités que par ses imperfections (une caractéristique très rare en BD jeunesse!! :^O).
Une super série que je recommande chaudement à tous les jeunes (pas que les filles! ;^), à partir de 9 ans.
À lire aussi : la critique du tome # 1 par Kikine, celle du #2 par Jérôme, celle du #2 par Yaneck... ou même la très intéressante entrevue que ce dernier a réalisée avec la dessinatrice, entrevue dont je vous parlais plus haut!!
Plus grandes forces de cette BD :
- la somptuosité de l'objet. Wow!! Quels volumes impressionnants! D'abord, leur couverture est soyeuse, l'illustration en est pelliculée et le typogramme, d'un bel argent métallisé, est gravé dans le carton!! Puis, ce carton est très épais, plus rigide que pour les BD traditionnelles, et le tome est volumineux en soi (80 pages!?), ce qui en fait un bouquin assez massif. Finalement, les couleurs sombres choisies et les très jolies fioritures stylisées qui bordent l'illustration centrale complètent le travail : on est en présence de véritables joyaux précieux!! ;^)
- l'idée de base, si simple mais pourtant si efficace! D'abord, avouez qu'il n'existait aucun passe-temps plus palpitant que de jouer à l'espion, quand on était jeunes!! Cerise ne fait qu'y rajouter une touche d'observation sociologique, comme on le demande aux apprentis-comédiens ou aux apprentis-écrivains afin qu'ils nourrissent leur imaginaire et puissent alimenter leurs futures propositions de personnages! De plus, observer les passants, dans le métro ou dans un centre d'achats, et imaginer ce que peut être leur vie est une activité simple, qui ne coûte rien, et qui est à la portée de n'importe qui! Untel est-il célibataire? Pour quelles raisons cette famille-là déménage-t-elle?? Et cette vieille dame, reçoit-elle souvent la visite de ses petits-enfants?? Les possibilités sont infinies!
- la longue introduction manuscrite. Les 6 premières pages des deux tomes sont de longues pages de journal intime, sur lesquelles Cerise se présente et présente ses proches. Cette entrée en matière permettra sûrement d'amadouer certaines lectrices, qui n'ont jamais été attirées par les BD mais qui sont plutôt habituées de lire les innombrables petits romans jeunesse axés sur les journaux intimes (genre le Journal d'Alice ou ceux d'Aurélie Laflamme), genre qui foisonne depuis quelques années, tant chez-nous qu'en Europe. Mais cette forme d'introduction a les défauts de ses qualités (voir plus bas!! ;^)
- la belle complémentarité du texte et des illustrations, tant dans la BD que dans les carnets. J'en tiens pour exemple la résolution de la chicane au sujet des rideaux de la cabane dans les arbres. Après nous avoir fait part du problème, dans le carnet, à la p.11, on ne nous en reparle plus... mais si on est bon observateur, on comprend quelle solution (originale!) a prévalu aux p.15 et 16, dans la BD! Ce genre de petits clins d'œil est fréquent et très rafraichissant! Bravo!
- une héroïne ultra-attachante! On ne peut pas ne pas craquer pour Cerise! Son joli minois, sa grande vivacité d'esprit, sa tendresse et son humanisme (elle a le cœur grand comme c'est pas permis!!)... et même ses défauts (son égoïsme, parfois, et ses difficultés relationnelles avec sa mère), tout ça contribue au fait qu'on la veuille comme amie!! ;^)
- la cabane dans les arbres que Cerise, Line et Érica se construisent (avec l'aide des grands frères d'Érica!). Wow!! Y a-t-il quelque chose de plus trippant qu'une cabane dans les arbres quand on a 10 ans ½ ?? La réponse est NON, bien évidemment! La leur est cachée bien creux dans les bois (peut-être même un peu trop creux pour qu'on y ait transporté un vieux divan, mais bon... passons! ;^) C'est à faire rêver!! (J'ai aussi bien aimé le début du tome #2, alors que Cerise va faire un tour au grenier et retombe dans ses souvenirs de petite enfance... c'était très touchant!)
- l'intensité des mystères. Pourquoi un vieil homme transporte-t-il des seaux de peinture à toutes les semaines en pleine forêt? Que cache ce gigantesque mur infranchissable qui traverse la forêt de part en part?? Et pourquoi une dame emprunte-t-elle toujours le même bouquin, un vieux livre autoédité du temps de la Seconde Guerre mondiale, à toutes les semaines depuis plus de 20 ans??! Les auteurs ont réellement un véritable don pour titiller notre curiosité! ;^)
- la belle originalité du zoo pétrifié!! Wow!! Quelle idée magnifique que ce travail de revitalisation entrepris par monsieur Langer!! Ses réalisations (enfin, via les pinceaux de madame Neyret!! ;^) sont tout simplement superbes! Toute la poésie qui se dégage de ce projet nous coupe le souffle et nous fait rêver à ce que le monde pourrait être... Quoiqu'assez peu réaliste et terre à terre, ça reste très inspirant!...
- la douce poésie qui se dégage de ces albums, tant des dessins que du propos en général. Je n'ai personnellement pas trop accroché lorsque Cerise se laisse «emporter» par la ribambelle d'animaux, dans le haut de la p.41 : cette touche de surréalisme m'a déconcerté, je me suis demandé si le fantastique ne prenait pas véritablement le dessus sur le réel, ce qui aurait été dommage, je crois. Mais toute l'idée des œuvres d'art évolutives est particulièrement touchante et fait, en quelque sorte, du bien à l'âme. Et quelle belle façon de décrire le travail de monsieur Langer : peindre «des fantômes en couleurs»! Aussi rationnel que je sois, je ne peux que trouver ça beau! ;^)
- la belle variété d'émotions présentées. Les scénarii de monsieur Chamblain n'ont pas peur d'y aller à fond dans la nostalgie et la tristesse. L'histoire du zoo et, encore plus, celle du conjoint de Mme Ronsin sont très tristes, et toute la facture des albums nous prépare émotionnellement à nous laisser émouvoir, en nous baignant dans des ambiances chaudes, tendres, feutrées, douillettes... Je suis convaincu que bien des lectrices (et même des lecteurs, moi le premier!!) risquent d'avoir les émotions à fleur de peau et de ne pas s'en sortir sans avoir les yeux humides, surtout lors des finales, toujours très touchantes!! ;^)
- les doubles planches finales, pour permettre aux lecteurs de laisser libre cours à leur imagination en dessinant ou écrivant à leur tour ce qui leur chante! Quelle délicate attention, tout à fait dans le ton du récit!
- la très intéressante relation entre Cerise et sa mère. Contrairement à ce que l'on voit habituellement dans ce genre de récit, tout n'est pas au beau fixe, bien au contraire!! En effet, à maintes reprises, M. Chamblain nous piste sur le fait que Cerise et sa mère ont bien des difficultés à communiquer. Cerise le précise deux ou trois fois : «J'aimerais bien aller lui parler... mais qu'est-ce que c'est dur!» Puis, il y a la question du père! Où est le papa-Cerise?? Jusqu'à maintenant, c'est le silence radio... outre un tout petit passage raturé dans le bas de la p.7 du tome #2 («J'avais 4 ans quand je suis arrivée au village. Juste après que pap...»!! A-t-il quitté le domicile familial? Est-il décédé? Est-ce à cause de cette situation que ces deux personnages féminins n'arrivent pas à se dire les vraies choses?? Nous n'en savons rien encore, mais ce beau mystère enrichi d'autant le récit! Et puis, il y a la présence de Madame Desjardins, qui vient s'immiscer entre la mère et la fille de manière un peu intense. Est-ce un bienfait? Est-ce un écueil? L'espèce de rivalité entre les deux figures maternelles ajoute à la série un petit croquant fort peu banal! ;^)
- la présence plus marquée des deux copines, dans le tome #2. D'ailleurs, toute l'histoire de la chicane entre Érica et Cerise est très bien rendue. Elle est présentée de manière très naturelle (ce qui est quand même rare en littérature jeunesse), et la manière dont elle se règle m'apparaît accessoirement très formatrice pour des jeunes, tout en évitant le côté moralisateur. C'est du beau travail. Merci, monsieur Chamblain! ;^)
- d'amusants caméos. J'aime bien, par exemple, l'idée d'avoir introduit, sur le comptoir de la bibliothèque, dans le tome #2 (p.24), le livre le Zoo pétrifié, que madame Desjardins a écrit lors de la première aventure, dans le tome #1. ;^) On peut aussi apercevoir Tintin et le lotus bleu, dans les mains d'un usager de cette même bibliothèque (p.25)! Les éditions Moulinsart regimberont-elles?? ;^)
- le beau dilemme moral dans lequel Cerise s'empêtre, aux p. 36 et 37 du tome #2!! En demandant à emprunter le fameux livre, Cerise bouscule inévitablement la routine de la vieille dame Ronsin... et madame Desjardins n'hésite pas à faire remarquer à Cerise que ses envies de percer les mystères se vivent peut-être un peu trop au détriment des gens qui l'entourent! Encore ici, les auteurs réussissent à exposer une situation complexe mais sans trop sombrer dans la solution prêchi-prêcha! On souligne la situation, on en présente les enjeux, mais on laisse la jeune fille décider par elle-même... et elle ne fera peut-être pas toujours LE choix que les adultes attendaient. C'est très intéressant.
- l'expressivité des faciès des personnages. C'est là, manifestement, l'une des très grandes forces de madame Neyret! ;^)
- la qualité des décors. Les plans généraux sont toujours très beaux, avec des perspectives impeccables. Les plans plus serrés sont généralement bien garnis, eux aussi, avec un réel souci du détail, mais sans tomber dans la surcharge non plus. C'est de l'excellent travail, qui mérite bien les nombreux éloges qui pullulent sur le web! ;^) Seul bémol : le pot de jus que tient madame Desjardins, dans le bas de la p.49 (du tome #2). Il tient entre ses mains d'une manière un peu trop surnaturelle!! ;^)
Ce qui m'a le plus agacé :
- les dessins d'enfants qui garnissent les pages de carnets. Manifestement, madame Neyret n'a pas beaucoup de jeunes enfants dans son entourage, car elle n'aurait pas commis la grossière erreur de nous offrir des dessins aussi basiques!! On dirait que ses personnages, à peine plus élaborés que des bonshommes-allumettes, ont été faits par un gamin de 5 ou 6 ans!!! Il est impossible qu'une jeune fille de 10 ans et ½, aussi allumée et qui a une calligraphie aussi nette que Cerise, ne maîtrise pas mieux et ses crayons, et son schéma corporel. Je n'y crois pas du tout!
- la longue introduction manuscrite. Si les jeunes amateurs de romans se plairont à plonger dans ces 6 pages de texte, ceux et celles qui n'apprécient pas les pavées risquent de les trouver rébarbatives et de se décourager avant même de commencer... ce qui serait bien dommage! Bien sûr, ceux-là ne sont probablement pas le public-cible, mais je trouvais important de vous en aviser!
- quelques sérieuses incongruités. J'ai adoré le mystère du mur (tome #1, p.26... très belle planche, d'ailleurs!)... mais je ne comprends pas pourquoi les trois gamines, qui sont pourtant allumées et de leur époque, n'ont pas tout de suite eu le réflexe d'utiliser une carte géographique ou, mieux encore, Google map, pour trouver réponse à leur interrogation!!?? En deux clics de souris, elles auraient pu résoudre leur mystère!! Si le récit avait été transposé dans les années 60 ou 80, ça aurait été parfait... mais pour une histoire qui se déroule en 2012, ça ne colle vraiment pas. J'ai beaucoup décroché à ce passage. Même chose quand les gamines interrogent les gens du coin (tome #1, p.30) : je ne peux pas croire que, dans un si petit village, personne ne se rappelle d'un zoo qui a eu tant de succès, même si c'était il y a 25 ou 30 ans passés... Et d'ailleurs, c'était il y a 25 (p.67) ou 30 ans (p.51 & 67) ??? :^( Finalement, mon côté rationnel reste en éveil : avec quel argent les villageois ont-ils rénové le zoo?? Je veux bien croire que chacun donnait son temps bénévolement, mais ils n'ont pas réussi une telle remise à neuf avec des restants de bouts de bois qui traînaient dans leur garage!!? La tâche était bien trop considérable! Donc, chacun payait pour ces matériaux, avec générosité et altruisme?? Ça me paraît pas mal trop utopique... et fort peu réaliste! Heureusement, j'imagine que les jeunes lecteurs ne s'attarderont pas à ce genre de détails!! ;^)
- la finesse des appendices! En effet, ces petites pointes qui partent des phylactères pour se diriger vers le personnage qui parle sont toujours très minces, longs et, parfois, emberlificotés. Ce serait très mignon... si on pouvait les voir nettement!! Seulement, ils sont presque toujours blancs, et sur des fonds pastels très pâles!! Donc, on les perd totalement de vue... et ils ne peuvent plus jouer leur rôle convenablement. Il faudrait soit les encadrer d'une ligne noire, soit s'assurer qu'ils sont sur un fond suffisamment foncé pour que le contraste soit marqué! :^(
- le caractère trop peu étoffé des deux copines. Au final, après deux albums, tout ce qu'on sait d'Érica, c'est qu'elle est grognonne... et elle l'est, systématiquement, à chacune de ses apparitions!! Pour ce qui est de Line, on sait qu'elle aime la photo, et on la voit, un peu en retrait, toujours en douceur, coincée entre les fortes personnalités des deux autres. C'est tout! La bougonneuse et l'effacée, toujours! Je trouve ça très réducteur, et beaucoup trop unidimensionnel. J'ose espérer que ces deux chouettes gamines prendront plus de gallons - et de coffres!! - dans les albums à venir! ;^)
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