#01- L'AFFAIRE EST KETCHUP
Scénariste(s) : Philippe GIRARD
Dessinateur(s) : Philippe GIRARD
Éditions : les 400 coups
Collection : X
Série : Béatrice
Année : 2009 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Strips
Genre(s) : Quotidien, Humour tendre, Humour songé, Humour fantaisiste, Humour mordant
Appréciation : 4 / 6
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Pas triste, la Béatrice!
Écrit le samedi 21 avril 2012 par PG Luneau
Connaissez-vous la petite Béatrice, de Philippe Girard?? Non?! Quel dommage! En effet, cette charmante petite blondinette mérite tellement d’être connue… d’autant plus que c’est la vraie fille de l’auteur!!! C’est en effet ce qu’il m’a appris lors du dernier Festival de la BD francophone de Québec, la semaine dernière! J’ai même eu la chance de me la voir présenter! Mais peut-être avez-vous déjà croisé sa bouille parfaitement ronde et les deux lulus en triangle qui lui pendent derrière les oreilles (je parle ici de la Béatrice de papier, bien sûr... celle en chair et en os est plus nuancée!)?! Ces strips sont parus quelques temps dans le journal La Presse et dans le prestigieux magazine Spirou, il y a quelques années! Eh bien sachez que le fait qu’ils soient regroupés ici, en couleurs, dans un album à couverture cartonnée, décuple véritablement notre plaisir de la retrouver! On est bien loin, sur le plan matériel, de la toute petite compilation que la Mécanique générale avait éditée en 2006, sous couverture souple!
Là où Nathalie ou Yotsuba se démarquent par l’énergie tourbillonnante qu’elles laissent derrière elles, Béatrice se veut tout aussi coquine, mais par la seule force de son regard sur le monde, de sa verve pointue et de sa pertinente impertinence! En effet, par moment, Béatrice a des airs de philosophe humoristique en culotte courte, un peu à la manière de Mafalda (avec qui elle partage son aversion pour la soupe!!) ou de Pico Bogue. Des exemples? Seule cette sympathique héroïne, aux allures de Bobinette, peut s’interroger sur le gros Big Mac qui a engendré l’univers ou sur l’importance de gagner le grelot à la loterie!
Enfin, je trouve l’album de Philippe Girard qui m’accroche!! Après deux rendez-vous et demi (?!?) pas vraiment concluants (la Visite des morts, Rewind ainsi que le Lac caché, son court récit du collectif Partie de pêche), je déniche enfin un personnage savoureux qui me parle et dont les amusants propos me font particulièrement réagir. Sur un mode plus gentillet et grand public que ces autres albums, celui-ci m’a beaucoup plus plu, avec sa bonne humeur communicative et ses mots d’enfant pas toujours aussi innocents qu’ils en ont l’air (qu’on pense aux maladies «bonne à rienne» ou aux «monstruations»).
Avec ses gros traits naïfs et bon enfant, répétitifs et quasi-géométriques, Girard exploite bien les codes du strip : personnages tout simples, presque immobiles, identifiables en un clin d’œil, absence de décor, couleurs en à-plat sans ombrage ni fioriture… Bref, on reste centrés sur le texte, les gags se retrouvant presque exclusivement dans les jeux de mots plus ou moins subtils ou les commentaires que cette petite futée, toujours débordante d’imagination, lance tout haut, de manière à souligner certains travers ou étrangetés de notre mode de vie ou de notre langue. De l’humour sympathique, principalement, mais parfois aussi de petites pointes d’humour plus fantaisiste (comme quand notre nouvelle amie se perçoit comme une œuvre d’art abstrait à la Picasso) ou plus grinçant (comme quand elle décide de baptiser sa nouvelle petite sœur Aurore en l’accueillant avec une égoïne bien tranchante!?)!
Bref, une BD pour toute la famille, d’une simplicité graphique que certains trouveront peut-être un peu décevante, mais d’une impressionnante justesse de ton. Béatrice, c’est maintenant mon ami. Et Philippe Girard aussi… Enfin!
Plus grandes forces de cette BD :
- ma belle dédicace à l’aquarelle couleur! C’est en la faisant que monsieur Girard m’a présenté à la vraie Béatrice, une belle adolescente de quatorze ou quinze ans qui semble très sympathique et allumée… à l’image de son père!
- la simplicité des traits, et l’absence de décor. Ça nous oblige à focaliser notre attention sur l’essentiel : le texte! Une technique éprouvée quand on travaille le strip.
- les couleurs franches, en à-plat, très basiques mais hyper efficaces! Leur vitalité rattrape de belle façon le statisme apparent du graphisme.
- les mots d’esprit et les réflexions souvent amusantes que lance la jeune fille de sept ou huit ans… qui se croit parfois en crise d’adolescence! Girard y va d’un humour vraiment efficace, faisant mouche presque à tous coups. Comparativement à d’autres séries du même genre, bien peu de strips m’ont paru insipides.
- les quelques gags où Béatrice n’apparaît même pas!! En effet, il arrive à une dizaine de reprises que le gag soit exclusivement basé sur un des parents de Béatrice (principalement son père, et souvent pendant qu’il se rase) sans qu’elle ne soit en cause. Une telle audace démontre de la part du bédéiste une solide confiance en soi et en l’univers qu’il a créé! (P.S. : ma conversation avec l’artiste me permet de confirmer que ce papa philosophe qui se rase devant son miroir est bel et bien Girard lui-même!!!)
- les nombreux clins d’œil à différents personnages de BD. J’ai dépisté des références à Lucky Luke (p.15), à Tintin (p.16, 45 et 47), à Astérix (p.26 et 43), à Batman et Robin (p.27), à Spiderman (p.29) et à Superman (p.30), mais la plus agréable reste le dessin d’humour final, en p.48, avec le grand Gaston. Quel bon gag que celui-là! C’est sans doute pourquoi on en a repris l’idée pour la page couverture!!
Ce qui m’a le plus agacé :
- le titre de l’album. Tout au long de ma lecture, je m’attendais à ce qu’une thématique quelconque allait s’instaurer, en lien avec le ketchup, ou un gag récurent… Mais non : le mot ketchup n’apparaît que dans un seul strip, et pas des meilleurs! Bref, ce titre ne fait référence à rien de signifiant!
- la disposition très aérée… En fait, j’aurais aimé en avoir plus pour mon argent : il me semble que les traits très grossiers de monsieur Girard seraient restés très lisibles même si les strips avaient été resserrés et présentés quatre par planche, au lieu de trois comme c’est le cas ici. Ça aurait permis de rajouter une quarantaine de gags! Par contre, si la plupart des gags sont si bons, c’est peut-être à cause de la sélection très serrée qu’ils ont subie? Si on se fie aux numéros des gags qui en portent, on constate de grands écarts entre certains. Ainsi, les strips vont du #1 au #218, mais l’album n’en comporte que 135! Une partie de moi aurait aimé lire les 80 qui manquent, mais étaient-ils du même calibre? Cette sélection était probablement nécessaire. Chose certaine, monsieur Girard m’a confirmé avoir du matériel pour facilement faire un troisième tome (yéééé!)… mais que ce projet ne semblait pas être dans l’air (bouhhhh!).
- quelques gags que je ne décode pas, ou dont je ne comprends pas l’enjeu. Ceux des p.16 en bas, 27 au centre ou 34 en haut, par exemple.
- le gag du hachis paparmentier (p.8), qui devait à l’origine se faire avec un papâté chinois, je suppose (j’ai malheureusement oublié de poser la question à l’auteur)! Je suis à peu près convaincu qu’il s’agit encore ici d’un «accommodement raisonnable» pour satisfaire une éventuelle clientèle européenne! Hé! Misère de misère!!
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