REWIND
Scénariste(s) : Philippe GIRARD
Dessinateur(s) : Philippe GIRARD
Éditions : Glénat
Collection : Glénat Québec
Série : Rewind
Année : 2011 Nb. pages : 135
Style(s) narratif(s) : Roman graphique
Genre(s) : Thriller fantastique, Récit psychologique
Appréciation : 3 / 6
|
Et si on pouvait revenir dans le temps pour changer le cours des choses?
Écrit le mardi 17 avril 2012 par PG Luneau
Un homme vient de se faire tirer dessus, en pleine rue, après un accident de voiture. Par qui? Pourquoi? Nous n’en savons rien. Tout ce qu’il veut, c’est s’en remettre à une jeune femme pour qu’elle l’amène chez elle avant que ses poursuivants ne l’achèvent. Mais quelle femme choisir parmi toutes celles qui se trouvent dans les parages?
Dans son dernier album, Philippe Girard nous propose un thriller psychologique complexe et déboussolant. Complexe d’abord de par sa déconstruction. Comme le titre l’indique, le pauvre héros ne se contentera pas de s’abandonner dans les bras de la première venue! Quand il réalisera les conséquences de son choix, il «rewindera», comme on le fait avec notre enregistreur numérique ou notre vidéo, et reprendra la scène avec une autre fille, espérant une finale plus fidèle à ses attentes. Mais quelles sont ces attentes? Le pauvre homme tient-il tant à la vie?? Ne souhaiterait-il pas plutôt mourir sans plus tarder, question de mettre fin à son angoissant calvaire? Mais s’il veut tant en finir, pourquoi refuse-t-il les diverses conclusions macabres qui s’offrent à lui? Vous ne comprenez pas trop où je vous entraîne avec tout ça?? Et bien moi non plus! Il m’est très difficile de parler de cet album tant je ne suis pas sûr d’avoir saisi tout ce qu’il y avait à saisir. Quand je vous disais que l’ensemble des propos était déboussolant!
En fait, avec une idée aussi ingénieuse que celle du rembobinage, qui offre au protagoniste l’opportunité de recommencer une partie de sa vie d’une autre façon (beau fantasme qu’on a pas mal tous déjà rêvé d’expérimenter!), j’espérais un résultat transcendant, surtout avec ce contexte de poursuite mortelle pleine de suspense! Mais voilà qu’une fois de plus, Girard me perd dans ses réflexions dramatiques, un peu comme il l’avait fait avec sa Visite des morts, que j’ai critiquée il y a quelques mois. Encore ici, j’aurais aimé aimer… mais mon intérêt reste très mitigé, miné par la trop grande part d’incompréhension qui m’assaille.
Plusieurs aspects du récit restent fort intéressants : son éternel recommencement, par exemple, qui reprend toujours de plus en plus tôt, ce qui nous permet de comprendre de mieux en mieux le contexte de l’assaut. L’angoissant climat d’urgence, aussi, est bien amené, grâce à un assemblage dynamique de gros plans variés. En fait, plus je m’y attarde et plus cela m’attriste de ne pas avoir su apprécier cette œuvre singulière à sa juste valeur, compte tenu de ce cumul de bons éléments!
En gros, je crois que cet album satisfera surtout les grands amateurs de récits complexes, d’histoires casse-tête, comme l’intrigant 3 secondes, de Marc-Antoine Mathieu, ou sa célèbre série Julius Corentin Acquefacque. Personnellement, j’essayerai de connecter avec monsieur Girard sur un autre de ses projets. Puisque j’aime bien son dessin naïf et gras, je ne désespère pas d’y trouver mon compte un jour!
À lire aussi : la critique d’Arsenul, qui, lui, a beaucoup aimé.
Plus grandes forces de cette BD :
- l’idée maîtresse de reproduire le même événement selon les différentes options que le protagoniste aurait pu prendre. Cette représentation de tous les possibles est riche de potentiel!
- le rendu graphique des rembobinages. J’ai bien aimé la façon par laquelle Girard nous fait comprendre qu’on est en mode «marche arrière»! Six vignettes tirées des pages précédentes, reprises à rebours, avec des zébrures comme celles qu’on retrouvait à l’écran quand on rembobinait nos vieilles vidéos. C’est simple, mais très efficace.
- le fait de toujours reprendre le récit un peu plus tôt, de façon à faire découvrir au lecteur ce qui s’est réellement passé avant le coup de feu. Ainsi, on finit par connaître les agresseurs ainsi que les raisons de l’assaut… Enfin, je crois…
- une grande variété de plans, ce qui rend la narration intéressante et très dynamique. C’était d’autant plus un gros défi que les nombreux rembobinages font en sorte que nous assistons plus de cinq fois à certaines scènes. La redite aurait été très facile, mais monsieur Girard réussit avec brio à éviter ce piège! Chapeau!
Ce qui m’a le plus agacé :
- un gros illogisme scénaristique. Si des hommes de main ont le culot de tirer sur une voiture, puis de tirer à nouveau, en pleine foule, sur le conducteur en fuite, c’est qu’ils tiennent à ce que le gars en question meurt. En pareil cas, j’ai comme l’impression qu’ils s’organiseraient pour l’achever sur place. Jamais le blessé n’aurait le temps de tomber dans les pommes, puis de se réveiller, de trouver une gentille samaritaine, de la convaincre de le cacher puis de se rendre en titubant jusqu’à l’appartement de la fille en question. Cette simple invraisemblance a fait en sorte que j’ai décroché de cette histoire qui aurait pu être des plus palpitantes. Encore une fois, monsieur Girard passe à deux doigts de m’embarquer avec lui… et je déplore encore cette communion manquée! Je ne demande qu’à me laisser emporter par lui (surtout après la belle rencontre que j’ai eue avec lui lors du dernier Festival de la BD francophone de Québec, la fin de semaine dernière!)
- les réflexions «songées» du personnage. Il n’arrête pas de dire qu’il recherche la mort plutôt que la vie, mais s’inquiète dès qu’il réalise que la fille sur qui il est tombée semble un peu dérangée ou maniaque!? Que veut-il, exactement?
- le retour en arrière final, où l’on comprend la raison qui pousse les malabars à le pourchasser. C’est dynamique et enlevant… mais je ne comprends pas trop comment le père de la jeune femme en vient à mourir! Comment est-il arrivé là, au détour du bâtiment? C’est une balle perdue qu’il reçoit?? Bref, encore un aspect incompris qui me plonge dans l’obscurité, nourrissant du coup mon sentiment d’incompétence. Peut-être ne suis-je pas assez futé, ou assez ferré en polar ou en thriller, pour comprendre tous les codes propres au genre?
- la finale, que je trouve assez boboche merci!! À mon sens, ce que les autres femmes avaient à offrir à notre mourant avait au moins autant d’intérêt que ce que celle-ci lui offre. Mais serait-ce tout bonnement que nous sommes dans le fantastique, dans le cauchemar?? Le personnage est-il mort, finalement??! Je ne le sais plus… et je ne suis pas sûr d’être assez intrigué pour chercher à le savoir. Dommage.
|