LES ANANAS DE LA COLÈRE
Scénariste(s) : Catherine Lamontagne-Drolet dite CATHON
Dessinateur(s) : Catherine Lamontagne-Drolet dite CATHON
Éditions : Pow pow
Collection : X
Série : Ananas de la colère
Année : 2018 Nb. pages : 136
Style(s) narratif(s) : Récit complet (Roman graphique)
Genre(s) : Aventure policière, Humour parodique, Thriller
Appréciation : 4 / 6
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Agatha Christie... sur l'ecstasy?!
Écrit le dimanche 08 septembre 2019 par PG Luneau
À en croire l'album les Ananas de la colère, le quartier hawaïen de Trois-Rivières en est un assez risqué à fréquenter! En effet, depuis que la vieille Bonnie Lavallée, ex-championne de limbo, a été retrouvée morte, les cadavres pleuvent autour de sa voisine, la pauvre Marie-Pomme Plourde!
C'est que cette jeune barmaid du chic resto polynésien l'Ananas d'or s'est donné le mandat de découvrir le meurtrier... En fait, elle ne peut pas supporter que le seul policier présent en ville prenne l'affaire à la légère, frustré qu'il est de rater l'incontournable épluchette de blés d'inde annuelle de la police, où se trouvent tous ses confrères.
Poussée par sa détermination et par la lecture des romans policiers qui comblent sa solitude, la belle Marie-Pomme se jette dans une enquête digne de sa détective fétiche : Shirley McSnuffles. D'interrogatoires en fouilles illicites, notre héroïne zigzaguera en eaux troubles, allant jusqu'à confronter Mme Ghyslaine, la dangereuse propriétaire du non moins dangereux bar Barracuda! Mais quels liens la vieille Bonnie pouvait-elle bien entretenir avec les criminels qui fréquentent cet établissement si peu recommandable?
C'est ce que se demande la douce Marie-Pomme, au cours de ce récit qui se veut surtout une parodie déjanté de polar poussiéreux, de thriller haletant et de whodunit burlesque! Car pour son premier album plus consistant où elle est seule en selle, la jeune Cathon a choisi de tenter l'amalgame incongru de deux thématiques qu'elle affectionne tout particulièrement : les romans d'Agatha Christie et... la culture tiki!!
C'est donc avec un gros grain de sel qu'il faut s'embarquer à la suite de la sympathique (et un brin naïve!) Marie-Pomme, car rien ne sera très sérieux dans cette enquête, qui s'avérera finalement aussi proche des aventures d'Austin Powers que de celles du renommé Hercule Poirot! Du prof de surf qui attend LA grande vague sur le fleuve (on est à la hauteur de Trois-Rivières, je vous le rappelle! ;^) aux championnes de quilles hawaïennes, du Coconut Motel au Cinéma Neptune, on nage (excusez-la! ;^) dans un univers de pacotilles kitsch et clinquantes extrêmement étoffé. Marie-Pomme y incarne un genre de Miss Marple dans la vingtaine, et si son enquête ne m'a pas emballé autant que j'aurais aimé qu'elle le fasse, l'humour omniprésent et l'absurde des situations ont su me faire sourire tout du long de ma lecture. Et puis, si j'ai émis deux ou trois hypothèses au fil des pages, c'est sûrement parce que je me suis laissé accrocher, non?!! ;^)
Les Ananas de la colère, une lecture légère et inoffensive, parfaite pour l'été, rafraîchissante comme un bon daiquiri! Dès 14 ans...
Ce qui m'a le plus agacé :
- les décors. Déjà que le dessin est assez simpliste, certains arrière-plans m'ont semblé un peu vides. De plus, j'ai décelé certains petites «coquilles visuelles», comme les deux boîtes à fleurs qui disparaissent de la devanture de l'immeuble où loge Marie-Pomme (entre les p.24 et 26), ou l'absence de cohérence dans le nombre de cartes que tiennent Marie-Pomme et Mme Ghyslaine, lors de leur partie de «Pige dans le lac» (!? ;^D). Oui, je sais, ce sont des détails absurdes qui, ma foi, cadrent assez bien avec le reste! Mais personnellement, j'aime mon absurde avec une certaine rigueur logique! ;^)
- un détail incohérent. Dans le même ordre d'idées que ce que j'avançais au boulet précédent, j'ai été déçu par «l'arme» du crime. Sans vouloir rien divulgâcher, il m'apparaît vraiment impossible que l'assassin ait pu, tant de fois, utiliser ces «armes» sans que les victimes ne les sentent venir... Vous comprendrez ce que je veux dire en lisant! ;^)
Plus grandes forces de cette BD :
- la longue couverture archi-colorée! En ouvrant les longs rabats avant et arrière, on se retrouve devant une illustration de plus de 55 cm par 21 (!!?), sur laquelle on peut admirer toutes les décorations des murs de l'Ananas d'or, le bar où Marie-Pomme travaille: requin, flamand et tortue grandeur nature (empaillés?), diodons tout gonflés, cadres avec photos ou toiles exotiques, masques tikis, palmiers, ancre, filets de pêche, guitare, tête de squelette... Le tout illuminé par de gros globes de couleurs et de très longues guirlandes rappelant les lumières qu'on met dans nos sapins, à Noël. C'est adorablement kitsch, mais c'est surtout très coloré, ce qui est très rare, pour un album de chez Pow pow. L'éditeur montréalais nous a effectivement habitué à plus de sobriété visuelle, jusqu'à maintenant! ;^)
- l'héroïne. Marie-Pomme est très sympathique. Sa ténacité, son intuition, sa bravoure... et sa passion dévorante pour les romans policiers en général, et pour ceux de Shirley McSnuffles en particulier, en font une jeune femme amusante, allumée et positive.
- les fiches techniques. Tout au long du roman, on retrouve une dizaine de pages qui servent de fiches explicatives. Parfois pour nous présenter un nouveau personnage (réel comme Marie-Pomme ou Bonnie, ou fictif comme Shirley McSnuffles), parfois pour nous présenter un lieu (le Quillorama ou la Plage municipale), toutes sont conçues de la même façon, avec de petites illustrations et des mots-clés, comme pour un guide de voyage... ou un napperon de quick-lunch bas de gamme! ;^). On peut y trouver, par exemple, la liste des 22 cocktails servis à l'Ananas d'or, ou les 8 principales activités pratiquées au bar Barracuda! Avouez que c'est pratique! ;^)
- l'humour, omniprésent. D'abord, il faut que vous sachiez que ce quartier hawaïen de Trois-Rivières, j'y ai, de prime abord, cru!! ;^) Eh oui! En entendant parler du livre, les premiers temps, j'ai effectivement cru qu'il y avait une ou deux rues où l'on pouvait trouver peut-être un hôtel et un restaurant tiki... Ce n'est qu'en découvrant tous les détails mis en place par Cathon que j'ai réalisé qu'elle m'avait bien eu! C'est tellement poussé à l'extrême que les naïfs comme moi n'auront à lire que quelques pages avant de comprendre qu'on leur monte un bateau... bateau qui culmine avec le panneau de la p.126, sur lequel on apprend que la nudité est tolérée sur la plage de Trois-Rivières... mais que l'eau n'y est qu'à 52º F (c'est-à-dire 11º C: aglaglagla! ;^D) Bref, Cathon manipule l'absurde avec aisance, et tout son récit en bénéficie!
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