les Mangas et moi, un lent apprivoisement...
Écrit le mercredi 21 mars 2012 par PG Luneau
Plusieurs d’entre vous le savent déjà : je ne suis pas très «manga». En fait, j’en ai lu bien peu, pour tout dire : deux ou trois tomes de deux ou trois shônens (ces séries d’action, destinées principalement aux garçons), et trois ou quatre récits plour adultes, principalement de Jirô Taniguchi (dont l’excellent Journal de mon père, Un zoo en hiver et quelques œuvres plus courtes parues dans Je bouquine, par exemple).
Si ce dernier auteur m’a complètement séduit, je dois avouer que les shônens m’ont plutôt horrifié. Oh! Quand j’ai lu le premier tome de l’archi-populaire série Dragonball, au début de ma carrière, dans les belles années 90, j’en ai bien aimé l’idée centrale : la quête de ce jeune héros, à la recherche des sept balles magiques qui feront apparaître un dragon qui exhaussera un vœu me semblait sympathique. Mais certains aspects m’ont littéralement fait flipper!
D’abord, personnellement, quand le héros d’une série est un garçon qui possède une queue de singe (!?)… et qu’il devient ami avec un cochon anthropoïde (!?), ça n’aide pas à me garder accro! Je sais bien que le Roi-Singe, dont s’inspire cette série, est un héros mythique en Asie, et j’imagine qu’il y a là une symbolique particulière, mais elle m’échappe et les «trop plein» d’absurdités ont tendance à me rendre plutôt tiède. Puis, on apprend que le héros serait originaire de l’espace?! Encore ici, ce genre de «révélations extrêmes» frôle la limite du seuil de tolérance de mon imaginaire, somme toute assez cartésien. Oui, je sais : il n’est pas le premier à qui ça arrive, loin de là : Thorgal, Superman ou même Khéna lui ont déjà ouvert le pas avec succès! Mais justement : je n’aime pas particulièrement Thorgal, ni Superman… et pour ce qui est de Khéna, bien que je défile actuellement sa série, je n’irais pas jusqu’à dire qu’il s’agisse du héros qui me fait le plus tripper, bien loin s’en faut!!
En fait, chacun de ces éléments (la queue, le cochon parlant, l’origine secrète extraterrestre…), pris individuellement, pourrait être intéressant, et servir de base intéressante pour un récit fantastique : c’est plutôt l’amalgame de tout cela que je trouve trop incongru pour rester digeste! C’est comme si je prenais deux ou trois ingrédients que j’aime assez bien (genre du steak haché, du tapioca et du jus d’orange) et que j’avalais le tout dans une même bouchée… Bleurk!!...
Mais un élément encore plus troublant est venu me titiller lors de ma lecture du premier tome de Dragonball : les parents savent-ils, quand ils donnent ce livre à leur fils de huit ou dix ans, qu’on y retrouve un pépé pervers qui fait tout ce qu’il peut pour voir sous la jupette de la jolie jeune fille de service, allant même jusqu’à la harceler sans arrêt pour la convaincre de le laisser tâter sa petite culotte??! M’est avis – du moins, j’espère! – que s’ils le savaient, certains hésiteraient un peu plus avant d’encourager cette lecture!! Ce personnage, édenté et carrément vicieux, m’a carrément mis mal à l’aise! Comment se fait-il qu’aucune autorité n’ait soulevé cette aberration? Et, d’ailleurs, à quoi pensait l’auteur en introduisant ça dans sa série POUR LA JEUNESSE?? Quel modèle voulait-il présenter? Quelle morale voulait-il qu’on en tire? Ça m’avait beaucoup interpelé, à l’époque!
Quand même, j’ai joué le jeu et j’ai donné sa chance au coureur : j’ai lu deux ou trois autres tomes!... Et j’ai été complètement abasourdi par la futilité de l’ensemble. S’entraînant sans relâche auprès de divers maîtres de combat de plus en plus réputés, le fameux Sangoku affronte adversaire après adversaire, devenant champion, puis superchampion, puis mégachampion, puis supermégachampion… trouvant toujours des adversaires encore plus puissants afin de motiver ses entraînements et ses duels… Duels qui souvent s’étalent sur deux tomes! Et des tomes et des tomes de pif, bang, pouf, blang, zwam et repif, en très gros plans qui ne nous permettent pas de comprendre qui a frappé qui, dans des cases aux contours multiformes et éclatés, j’ai personnellement trouvé ça d’un ennui mortel!!! Surtout quand l’enjeu desdits combats est la main mise sur la planète, puis la galaxie, puis l’univers, puis même… l’au-delà (littéralement véridique!!)! Quand on dit «presser le citron au maximum», on ne peut pas aller dans le plus ridicule, non??
Cet éloge de la surenchère m’a vraiment laissé un goût très amer de ce que peut être un shônen! Surtout quand on sait que les jeunes garçons de mes classes commencent par lire le tome #21, puis le #41, puis se prêtent le #8 pour poursuivre avec le #34… Pas étonnant qu’ils ne puissent rien m’en dire d’autre que : «Ce bon, il y a de l’action!» ou «Il est fort, il gagne tout le temps… presque!», sans pouvoir m’expliquer les enjeux de ces combats ou la trame narrative générale! Suite à une lecture aussi morcelée (pour ne pas dire massacrée!), même une chatte n’y retrouverait pas ses petits!
Mais j’ai gardé l’esprit ouvert et j’ai lu le premier Yu-Gi-Oh! quand cette série est devenue populaire, une dizaine d’années plus tard. Encore là, j’ai adoré cette idée du héros timide qui développe une seconde personnalité plus forte quand il devient un genre de superhéros qui confronte les «méchants» de toutes sortes (tant le petit caïd de l’école que le chef local de la mafia ou le démon du quatrième enfer) en les provoquant en duel… de jeux!! Quelle originalité! Des combats d’échecs, de go, de dominos, de pile ou face, de Monopoly, de scrabble… mais après le premier tome, composé de sept chapitres (et, curieux hasard, de sept duels!), j’étais déjà un peu blasé! Ce n’était plus des combats violents, au moins, mais c’était ridiculement répétitif! Imaginez après 38 tomes?! Juste d’y penser, j’ai abdiqué!
Mais voilà, je me dis collectionneur. Et Explorateur BD. L’ouverture est de mise, la prise de risque aussi… Et j’ai des amis bloggeurs qui présentent des trucs apparemment intéressants… Bref, le manga me titille, même si je sais que je n’aurai jamais assez de toute ma vie pour lire toutes les séries franco-belges qui m’intéressent… Quelle idée saugrenue que celle d’ajouter des mangas à ma pile de livres en attente (plus de 1400 titres non lus qui dorment dans ma bédéthèque, je vous le rappelle)! Je ne suis pas prêt d’en voir le fond!! Et qu’adviendra-t-il de mon portefeuille?? Et du précieux espace dans les rayons de mes bibliothèques?? Il faut bien que je tienne compte de ces facteurs, aussi!
Qu’à cela ne tienne! Puisque je suis un enseignant qui travaille beaucoup la BD en classe, je ne peux logiquement pas me permettre de passer à côté de l’important raz-de-marée manga qui frappe le monde occidental! Je me dois de rester à l’affût afin de pouvoir guider mes chérubins et de les éduquer à faire des choix intelligents parmi les innombrables titres proposés.
J’ai donc profité d’un budget spécial que ma directrice nous a offert pour équiper ma classe d’une petite collection de mangas variés, question de pouvoir montrer à mes élèves un petit échantillon de ce qui existe. Grâce à cette mesure exceptionnelle, je résous le problème du portefeuille et de l’espace : c’est l’école qui écopera!! Bien évidemment, avant de mettre ces titres entre les mains de mes petites têtes blondes, je me dois d’évaluer la marchandise!… Et tant qu’à les lire, aussi bien prendre des petites notes sur ce que j’en ai pensé! Et qui profitera de ces merveilleuses critiques??? C’est vous, ma bande de chanceux!!
Donc, voilà! C’est avec beaucoup d’émotions, et une certaine fébrilité, que je vous annonce que je critiquerai dans les prochains mois, une douzaine de mangas, tant des shônens (plus pour garçons) que des shojos (plus axés sur la clientèle féminine). J’en profiterai pour me faire une tête et pour élargir mes horizons vers l’Orient.
En espérant que le périple soit plus satisfaisant que celui que j’avais fait lors de mon exploration des Dragonball!
P.S. : Je m’en voudrais de terminer sans remercier Yaneck, Snoopy et Kikine, grâce aux critiques desquels j’ai pu retrouver l’étincelle suffisante pour raviver ma flamme «mangatienne»!! Je leur en suis très reconnaissant!
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