Du neuf dans le 9e? - Des nouvelles bien tardives... des auteurs de chez-nous!
Écrit le jeudi 26 mars 2020 par PG Luneau
(Salon du livre de Montréal 2019 - 2e et dernière partie)
Mais qu'en est-il de nos bédéistes à nous? Qu'avaient-ils de neuf à me dire, en novembre dernier?
Je commencerai avec Mikaël, ce Français qui vit chez nous depuis si longtemps qu'on se doit de le considérer des nôtres! Pendant qu'il me dédicaçait le premier tome de son nouveau diptyque, Bootblack, il m'a annoncé que les Américains étaient plus qu'intéressés par cette série, commencée avec le diptyque Giant. En effet, New York étant l'élément central de tous ces albums, y agissant presque comme un personnage, l'artiste est allé y faire du repérage. Il a même pu avoir accès aux archives de plusieurs grands édifices-cultes puisque ces histoires se déroulent dans les années 1930 et 1940, alors que la plupart d'entre eux était en construction. «Les gens de là-bas ont vu tout le potentiel de la série, et se sont montrés pas mal intéressés à la publier. Une traduction devrait se faire... Malheureusement, ils m'ont déjà annoncé qu'ils ne prendront pas mon troisième diptyque : dès que je leur ai exposé qu'il porterait sur un Noir de Harlem, ils ont mis un holà! Il semblerait que le concept d'appropriation culturelle est très fort, en ce moment, dans la communauté afro-américaine, et ils ne veulent pas risquer le tollé! C'est dommage!» Ne sentez-vous pas des effluves de SLÂV? :^S Mais on a le temps de voir venir les choses : le second récit n'est qu'à moitié complété, on a environ deux ans devant nous avant que le troisième le soit... Et qu'on envisage un quatrième, qui sait?
Sur le plan des potins, mais ayant quand même quelques incidences sur le 9e art, j'ai appris que Delaf et Dubuc, le couple à l'origine des ineffables Nombrils, se sont séparés. En bons termes, toutefois. Marc m'a annoncé que Maryse est allée s'installer en Belgique, rien de moins! Ils laisseront donc un peu la poussière retomber avant de se remettre à l'écriture du prochain album de cette merveilleuse série, qui approche de sa conclusion (10 tomes avaient été prévus, à la base). En attendant, Marc en profite pour plancher sur un tout nouveau projet en solo, projet qui lui permet d'explorer autre chose que l'univers de l'adolescence : ça doit faire du bien, après tant d'années à bosser sur un même thème!
Un duo qui vient de décoller à 200 à l'heure, c'est le duo Boisvert / Colpron! Leur nouvelle série, Mort et déterré, a été prépubliée dans le magazine Spirou et depuis, c'est la folie furieuse!! Un succès monstre!! Rappelons que Pascal Colpron, le dessinateur, est l'auteur de l'adorable BD Mon petit nombril... qu'il ne faut pas confondre avec les Nombrils... même si Colpron assiste régulièrement Delaf en l'aidant pour ses décors! Pour sa part, Jocelyn Boisvert, le scénariste, écrit des romans-jeunesse et plein d'autres trucs, pour la télé notamment. C'est Delaf qui les a aiguillés et encouragés à soumettre un projet à Dupuis, sentant que le momentum était bon. «Mort et déterré, c'est d'abord un roman-jeunesse que j'ai écrit il y a 11 ans! Mais je ne l'ai pas relu avant d'écrire le scénario de cet album!» C'est dire qu'il doit y avoir bien des différences entre les deux documents! «Le premier arc narratif s'étalera sur 3 tomes, mais les gens de chez Dupuis nous invitent fortement à réfléchir à un deuxième cycle. De plus, il y aurait des envies de pousser l'aventure à l'écran : série télé? film? En animation ou avec de vrais comédiens? Tout est encore à discuter!» Chose certaine, il y a de l'effervescence dans l'air! D'autant plus que M. Boisvert a quelques autres projets de scénarii, dont un qui a officiellement été accepté par Dupuis! Sachant que ce prolifique auteur a fait paraître deux romans-jeunesse à l'automne, je soupçonne un peu de work-a-olisme chez ce passionné dynamique! ;^)
Avec Pascal Colpron, on en est venus à discuter de la rémunération des bédéistes. Je savais que seul un maigre 10% du prix d'un livre revenait à l'auteur... mais M. Colpron m'a appris que ce 10% doit être divisé entre le scénariste et le dessinateur, dans le cas d'une BD!! :^O Donc, les dessinateurs travaillent pendant des mois et des mois sur les dessins d'une BD, pour ne recevoir que... quelque chose comme 1$ par album vendu!! :^O C'est catastrophique!! C'est là que j'ai compris à quel point la BD est une véritable vocation. Ça nous montre combien ceux qui s'y adonnent se dévouent, quasi-bénévolement, à leur art!
Puis, je lui ai posé la question qui me turlupinait depuis que j'avais réalisé que c'est lui qui dessine la très chouette série du Chronoscope, dans les magazines DébrouillArts et Sport-Débrouillards, les pendants artistique et sportif du très célèbre et plus scientifique Débrouillards. Dans ces récits en 4 planches, qu'il produit 4 ou 5 fois par année depuis quelques années, on croise Félix et Zoé, deux jeunes ados délurés qui ont découvert le Chronoscope, un casque de réalité augmentée. Ce fabuleux gadget leur permet de remonter dans le temps pour rencontrer des artistes ou des sportifs célèbres, d'ici ou d'ailleurs, comme Maurice Richard, Marcelle Ferron, Jean-Paul Riopelle ou Sylvie Fréchette. Je voulais savoir si on allait avoir la chance de retrouver un jour des albums-compilations de ces courts récits. M. Colpron n'a pu me rassurer qu'à moitié. En somme, il aimerait bien que le projet se fasse, mais il semblerait que le monde de l'édition est de moins en moins facile, et rien de concret ne se dessine en ce sens... Snif! :^(
Après un rapide coucou à Karine Gottot et Maxim Cyr (où j'ai été, encore une fois, subjugué par la perfection des cercles que ce prolifique dessinateur peut faire à main levée!), j'ai pu rencontrer Yvon Roy pour la deuxième fois.

Cet homme très posé m'avait dédicacé son album auto-fictif les Petites Victoires, il y a 2 ans, album qui a, depuis, récolté une foule de prix. Pendant qu'il me dédicaçait son nouvel opus, Graines de bandits, où il relate son enfance un peu rude, il m'a annoncé qu'il bossait maintenant sur un tout autre projet, un drame social futuriste, mais avec un peu d'humour, un genre de comédie dramatique de S.F. sur laquelle il veut mettre le paquet sur le plan visuel. Intriguant, tout ça, et ô combien alléchant!
Alors que nous parlions de tout ça , nous avons été interrompus par une jeune adolescente de 15 ou 16 ans un peu intense, qui est venue lui dire qu'elle avait fait un travail scolaire sur ses Petites Victoires et que ce récit l'avait beaucoup touchée, puisqu'elle est elle-même autiste de haut niveau (rappelons que les Petites Victoires racontent de façon très touchante la relation de M. Roy avec son fils autiste). La jeune fille devait enregistrer une publicité-télé, pour un oral en français, et elle a choisi de faire la sienne sur les Petites Victoires. C'était très beau de voir cette jeune rencontrer une de ses idoles, et de voir le visage de M. Roy, qui avait sous les yeux une preuve tangible de l'impact qu'a pu avoir son récit sur une de ses lectrices. Ce fut un moment très particulier à vivre, comme une bulle de bonté dans cette désagréable cohue qu'était le salon.
Pour la petite histoire, je terminerai en vous disant que vous l'avez peut-être déjà vue, cette jeune ado, vous aussi : elle vient de passer les auditions à l'aveugle, à la Voix, le mois passé!! Dieu que le monde est petit!
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