#01 - BARAKA LA CATA
Scénariste(s) : Benoît Drousie dit ZIDROU
Dessinateur(s) : Carine de Brabanter DE BRAB
Éditions : Milan
Collection : BD Kids
Série : Zigo le clown
Année : 2000 Nb. pages : 56
Style(s) narratif(s) : Récit complet
Genre(s) : Humour fantaisiste, Héros animalier, Récit psychologique, Drame familial
Appréciation : 4.5 / 6
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Quand un enfant de la balle devient un enfant du divorce...
Écrit le samedi 02 août 2014 par PG Luneau
Tomes lus : #01 – Baraka la cata (2011 chez Milan / 2000 chez Casterman)
#02 – Cadeau pour un zigoto (2011 / le Noël de Choco, 2001 chez Casterman)
#03 – Musique! (2011 / la Plus belle zizique du monde, 2003 chez Casterman)
Au début des années 2000, j’ai fait la découverte d’une charmante série animalière pour nos petites têtes blondes! C’était Casterman qui l’avait lancée, et elle se nommait tout simplement Choco, du nom de son héros, un jeune chaton noir. Trois tomes, puis... zoup! Plus rien! Disparus!! Impossible de se les procurer pour mon école…
Il est vrai que cette série, des plus mignonnes, était l’œuvre du duo Zidrou-De Brab, bien connu pour leur autre série, chez Casterman : Margot et Oscar Pluche…Seulement, celle-ci a cessé brutalement, après 6 tomes, pour une raison que j’ignore. Heureusement pour nous, elle a eu la chance de pouvoir revivre, mais chez un nouvel éditeur (Dupuis, pour ne pas le nommer), et sous la nouvelle appellation de Sac à puces : 9 tomes supplémentaires, à ce jour!
J’imagine que Choco a aussi fait partie de la résiliation du contrat de chez Casterman… Toujours est-il que ce n’est que tout récemment que j’ai retrouvé les trois chouettes albums du fameux petit chat, mais chez Milan, cette fois, dans la collection BD Kids… Où il a dû, lui aussi, être rebaptisé!! Faute de Choco, je vous présente donc : Zigo le clown!!
Zigo, c’est un petit chaton noir qui a la chance d’avoir vu le jour au sein d’un cirque des plus folichons! Malheureusement pour lui, ses parents, Badaboum et Madame Ding-Ding, ont cessé de s’aimer et, comme bien des couples, de nos jours, ont décidé de divorcer. Badaboum refait sa vie auprès de Carmina Burana, la dompteuse de fauves… Et Zigo tente de faire la sienne, du haut de ses cinq ou six ans, et de gérer la colère qui l’assaille chaque fin de semaine, alors qu’il doit quitter la roulotte de sa mère pour aller passer deux jours dans celle de son père et de sa nouvelle belle-mère.
Racontez ainsi, ce topo peut sembler aride ou triste, peut-être même larmoyant… Mais c’est sans compter sur le magnifique talent de ce duo de créateurs!! Car Zidrou, génial scénariste, a le tour de nous parler des vrais sentiments, avec une justesse incroyable, mais de façon à ce que ce soit intégré à la vie, avec un naturel désarmant. Il a un don inégalé pour rendre les errances émotives de ses personnages non seulement digestes mais véritablement intéressantes, ou même amusantes. Il nous l’a prouvé à maintes reprises, tant dans Sac à Puces que dans ses récits pour adultes, comme Lydie. Ici, il s’adresse bien aux tout petits, et son passé de pédagogue lui sert à merveille pour mettre le tout en scène de façon divertissante et poétique (j’ai adoré le passage où le médecin présente son stéthoscope comme étant un «aspirateur à bobos»!!).
De Brab, quant à elle, illustre le tout avec toute la vivacité et la fantaisie qu’on lui connaît, ajoutant encore plus de magie, si cela est possible, aux idées de son scénariste… Et toujours dans un style qui n’est pas sans me rappeler celui de la Québécoise Lucie Faniel, que je lisais dans ma Petite Presse, notamment, quand j’étais jeune!!
Donc, tout n’est pas noir, dans la vie du jeune bambin, loin de là! Le cirque regorge de ressources insoupçonnables, d’artistes surprenants et d’une incontournable fantaisie! L’atout majeur de Zigo, c’est sans contredit la belle Lola Sparadrap, une charmante jeune léopard femelle pour qui il a un peu le béguin… et qui s’avère être sa «sœur de divorce»!! Et oui, elle est la fille de Carmina, aussi intrépide et fonceuse que Zigo est timide et poltron sur les bords! ;^) À eux deux, ils forment une bonne paire et vivent de bien chouettes petites aventures!
En fait, je ne sais si ces auteurs ont prévu produire de nouveaux albums à plus ou moins long terme, question de pousser l’étude des réactions affectives du gamin jusqu’à l’acceptation finale de sa situation, mais je le souhaite ardemment! Nos jeunes lecteurs débutants (ou même nos non-lecteurs, si un grand se donne le plaisir de leur faire la lecture! ;^) ont tant besoin de séries aussi agréables et d’aussi bonne qualité que celle-ci!
À retenir, donc, Zigo le clown, dès 5 ans. Avis aux bibliothèques municipales et scolaires : c’est un incontournable!
P.S. : Tout au long de la rédaction de ce billet, j’ai dû me corriger à chaque fois que j’écrivais le nom du héros : immanquablement, j’écrivais Choco, tant c’est ce nom qui est ancré dans ma tête ;^)
Plus grandes forces de cette BD :
- le contexte. L’univers du cirque m’est toujours apparu comme un environnement propice à des aventures, en plus d’être féérique, magique… C’est le contexte idéal, à mon avis, pour une BD jeunesse!! Dans le cas présent, on a accès à tout : les roulottes, le chapiteau… même la roulotte-école, où les plus jeunes ont classe tous ensemble!! ;^)
- la flamboyance de l’esthétique que De Brad met en place! Tout, absolument tout est joyeux et guilleret dans cet univers, ce qui lui donne un potentiel de sympathie incroyable! Le chapiteau à lui seul, très coloré, avec sa forme de chapeau de bouffon du roi, illustre très bien l’esprit festif qui se dégage de l’ensemble! Et c’est vrai pour le moindre petit objet : ils ont tous un petit quelque chose de jazzy, de flyé, dans leur forme! Les instruments de musique du tome #3 en sont de beaux exemples. ;^)
- l’animalisation des personnages. De Brab a fait de belles trouvailles visuelles dans ses choix de personnages : je suis littéralement en amour avec son boa qui sert l’apéro ou qui fait de la couture!! Même en arrière-plan, on peut faire de belles découvertes de ce genre, comme ce phoque-poissonnier du tome #3 (p.32)! Tout n’est pas impeccable (voir mes réserves, plus bas) mais, de manière générale, c’est très bien réussi!
- la discrète animation de l’inanimé. Dans cette chouette série, la «magie» du fantastique s’étend à tout le non-vivant. Tout plein d’objets «s’humanisent» silencieusement : les jouets de Zigo réagissent à ses colères, les chandeliers fuient les explosions magiques, la lune fait son lit et s’y glisse pour dormir tandis que les étoiles se bousculent à la fenêtre pour écouter les histoires de madame Ding-Ding!… J’ai d’ailleurs assisté au plus beau levé de soleil de toute ma vie, à la p.36 du tome #2!! ;^)
- le découpage des vignettes, très inventif! Chaque planche nous présente des cases avec des cadres originaux, imbriqués les uns dans les autres : ovales, elliptiques, bombés, circulaires, en alcôves, ondulés, en nuages… Je ne crois pas qu’on puisse compter plus de deux pages par album qui n’aient que des cadres rectangulaires classiques… C’est dire la créativité de madame De Brab!! ;^)
- la thématique du divorce et des familles reconstituées. Quelle belle idée de profiter de l’univers coloré du cirque pour aborder cette situation, souvent délicate et difficile à accepter pour les plus jeunes!! Sur un ton direct et honnête, sans faire de compromis, les auteurs nous illustrent bien qu’un jeune de cinq ou six ans peut réagir fortement, de plusieurs façons différentes (colères, envies de fuite, mensonges…), à la séparation de ses parents et au long apprivoisement d’une nouvelle belle-mère. Avec Zigo, la brochette de réactions est diversifiée… et colorée!! ;^)
- la complexité du caractère de Zigo, qui se transpose dans ses relations avec autrui! Autant notre ami est en opposition directe avec sa nouvelle belle-mère, opposition il n’hésite pas à exprimer à hauts cris, autant il craque littéralement pour sa nouvelle demi-sœur, qui est son exacte opposée!! Qui a dit que c’était facile, de s’adapter, suite à un divorce?? ;^)
- le caractère de certains personnages. Bon, l’idée de la jeune fille intrépide à outrance et du gamin plus peureux n’est plus vraiment nouvelle, c’est le moins qu’on puisse dire!! Ici, elle reste intéressante. Ayant grandi dans la caravane, Lola, la demi-sœur en question, démontre d’une impulsivité qui implique des lancers de couteaux, des cerceaux de feu ou de la jonglerie avec des crabes ou des mygales velues : on n’est plus que dans la petite intrépidité!! Dans le cas de Zigo, en plus du maelstrom de sentiments qui l’habite depuis le divorce, les auteurs insistent aussi sur le fait qu’il est rendu à l’âge où on en a assez d’être «trop petit», et où on désire contribuer, à notre façon, au monde qui nous entoure. Ce désir d’émancipation et cette prise de conscience de ses potentiels (et de ses limites!) sont très justement abordés. Le troisième personnage qui, je trouve, se démarque par sa personnalité, c’est madame Ku-Hi, la toute minuscule puce savante!! Les auteurs ont pris le parti de miser beaucoup sur le côté «savant» de son appellation, et en ont fait leur sage de service… Avouez qu’avec un nom comme Ku-Hi, ils l’ont aussi très judicieusement baptisée, non?? ;^)
- l’adaptation du texte au jeune lectorat. Les cases sont aérées, elles contiennent peu de textes, les phrases sont simples, souvent avec des rimettes ou des expressions amusantes, spécifiques à certains personnages. On retrouve aussi, à quelques reprises, des doubles pages sans texte… Tout ça contribue à ce que la lecture soit assez rapide, et ce, malgré le fait que les récits font quand même dans les 46 planches (et non pas 32, comme c’est souvent le cas pour cette clientèle!). Même les formules magiques du magicien sont drôles et modernes, comme ce «Kombakbébi Bébikombak!» visant à faire réapparaître le chapiteau que ce maladroit de Baraka avait fait fuir!! ;^)
- la chouette «Ménagerie de Ménagères»! Carmina, en bonne dompteuse qu’elle est, tient sous son joug un petit groupe de méchantes bestioles (un lion, un lynx, un boa, un alligator, un phacochère, une horrible araignée – à six pattes, malheureusement! – et même une plante carnivore!!). À l’extérieur du ring, ces «vilains» lui servent de bestioles à tout faire : ménage, popote, service, vaisselle… Et elle dirige cette équipe de ménagères avec la même fougue que lorsqu’elle est devant le public, à leur faire faire leurs petits numéros!!
- mon personnage secondaire (pour ne pas dire tertiaire!) préféré : Mangetasoupe!! Il s’agit du géant du cirque… mais quand Zidrou et De Brab disent géant, c’est géant : de tous les albums, on ne lui voit que de la taille aux pieds, même dans les plans généraux ou panoramiques!?! Le reste de son corps se perd toujours au-delà du cadre des vignettes!! ;^) On ne peut donc pas dire de quel animal il s’agit : tout ce qu’on en sait, c’est qu’il a une queue velue, et qu’il est très utile quand vient le temps de rechercher quelqu’un parti au loin! J’adore ce personnage… et son nom, si malicieusement choisi!!
- quelques belles petites touches d’humour. J’ai particulièrement apprécié quand Zigo a la délicatesse de prévenir madame Ku-Hi de ne pas se blesser sur les fils barbelés… elle qui est une puce de deux millimètres de haut!! ;^)
- le triste mais sympathique conte de Noël, qui vise à expliquer pourquoi les clowns n’ont jamais de cadeau à Noël. Je ne connaissais pas cette légende (;^), et elle m’a bien ému, car j’ai supposé, dans ma tête d’adulte, qu’elle se voulait une allusion à la relative pauvreté de ces artistes, qui avaient ainsi peut-être trouvé un moyen poétique et imagé de justifier à leurs enfants leur impossibilité à les gâter… :^(
- quelques petites perles ou allusions poétiques… surtout dans le 3e tome. J’ai bien aimé l’idée du notier, dans lequel poussent les notes de musique (même les fausses!!), ou ces belles leçons : «La plus belle musique du monde, c’est celle que fait le cœur des gens qu’on aime!» ou «Aucun instrument de musique ne devrait rester pour soi seulement : ils sont faits pour être partagés.»... Comment ne pas penser, en lisant cela, à mon trombone que je dois aller faire réparer depuis plus de quatre ans??!! Mea culpae, mea maxima culpae… ;^)
- les portraits des auteurs, sur le rabat de couverture arrière. À l’image de tout l’ouvrage, les dessins sont drôles et sympathiques alors que les descriptifs, quoi que courts, sont clairs et précis.
Ce qui m’a le plus agacé :
- la petitesse du nouveau format. Possédant chez moi deux tomes de l’ancienne édition de chez Casterman, je suis à même de comparer avec ceux de la collection actuelle : bien que les vignettes soient assez grandes, claires et colorées pour que le format 16 x 20 cm ne gâche en rien leur lisibilité, il reste que l’effet était bien plus impressionnant dans le premier format, plus standard… qui faisait à peu près le double (22 x 30 cm)!!
- l’animalisation des parents de Zigo. Je trouve un peu étonnant que, alors que tous les animaux sont facilement identifiables, le père et la mère de Zigo soient les deux seuls qui semblent indéfinis!! On peut supposer qu’ils sont des chats, puisque Zigo en est manifestement un… mais le bonnet que la mère porte immanquablement sur la tête nous empêche d’en avoir la confirmation. Quant au père, il n’a manifestement pas les oreilles d’un chat… Il a plutôt des airs de blaireau, ou d’une bestiole y ressemblant. Mais un blaireau et une chatte peuvent-ils avoir des chatons?? ;^) Je suis content que des auteurs osent aborder des sujets comme les familles reconstituées ou les couples interraciaux, mais dans le cas très précis des parents du héros d’une série pour les lecteurs débutants, je crois qu’une identification claire aurait été plus judicieuse! Qu’en sera-t-il du rejeton de madame Ku-Hi, la puce, et de son nouvel amoureux, un vermisseau?? Engendreront-ils un rhinocéros ou un kangourou?? :^S
- les nombreux textes écrits sur un fond bleu marin, dans le tome #2. Autant j’adore ce bleu nuit, autant il rend les textes placés directement dessus bien difficiles à lire, comme c’est le cas aux p.5, 6, 34 et 48! :^(
- les pseudo-lexiques ajoutés. Chacun des trois tomes a le sien, en fonction de la thématique particulière de chaque récit : le lexique des formules magiques de Baraka, le lexique médical du docteur Pik, et le musical du professeur Djazzy. Sans aucun autre but que de faire sourire et rêver, ces listes de néologismes joliment illustrés ajoutent une touche de poésie… Pour ceux à qui ça plait… Personnellement, j’aurais aimé une plus grande concordance avec les termes utilisés dans le récit. En effet, souvent, l’explication donnée dans le lexique ne cadre pas avec la situation où le terme en question a été utilisé dans l’histoire! Dommage! ;^(
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