#01- JEUNES FILLES, CHEVALIERS, HORS-LA-LOI ET MÉNESTRELS
Scénariste(s) : Teresa RADICE
Dessinateur(s) : Stefano TURCONI
Éditions : Dargaud
Collection : Dargaud jeunesse
Série : Tosca des bois
Année : 2017 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (en 3 tomes)
Genre(s) : Historique, Aventure humoristique, Héros animalier
Appréciation : 5 / 6
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Une parfaite Robine des bois... à la sauce italienne!
Écrit le jeudi 05 août 2021 par PG Luneau
Tomes lus : #01- Jeunes filles, chevaliers, hors-la-loi et ménestrels
#02- Complots, fuites, secrets et enlèvements (2018)
#03- Sienne, Florence, Castelguelfo et Montelupo (2019)
C'est quoi?
Nous sommes ici en présence d'un excellent triptyque racontant l'histoire de Tosca, une vaillante jeune fille qui s'ingénie à voler les riches pour redonner aux pauvres. Ça vous rappelle quelqu'un? ;^D Seulement elle, ce n'est pas dans la forêt de Sherwood qu'elle officie, mais bien dans la belle Toscane italienne médiévale, entre Sienne et Florence. Tosca, Toscane... vous saisissez?
Orpheline, elle vit en forêt avec son frère, Rinaldo, un ménestrel au cœur tendre qui, bien qu'un peu inconfortable face aux gestes illicites de Tosca, se permet de distraire la noblesse de ses chants, le temps que sa sœur les déleste de quelques écus!
L'aventure débute donc alors qu'ils se trouvent aux fiançailles de la jeune Lucilla, fille du duc Fieramosca. Celle-ci se trouve bien malheureuse, forcée qu'elle est d'épouser le fils d´un allié de son père! Aussi, lorsqu'elle tombe face à face avec notre héroïne pourchassée par les gardes du château, elle n'hésite même pas : non seulement lui montre-t-elle le passage secret qui permet de quitter le château, mais elle emboîte le pas de Tosca et fuit la fête en sa compagnie, question de s'aérer l'esprit!
La belle Lucilla goûtera donc pendant quelques heures aux plaisirs de la liberté, tout en découvrant le mode de vie simple de Tosca et Rinaldo. Elle s'en fera des amis... qui lui seront très utiles par la suite!
Car, époque médiévale oblige, les complots et manigances seront légions, tout au long de ces 3 tomes! C'est que le château de Castelguelfo, tenu par le père de Lucilla, est un site convoité et le duc lui-même, un guerrier craint. Quoi de mieux, pour museler un tel adversaire et le manipuler à sa guise, que de kidnapper sa fille et de le menacer de la tuer? Mais ce sera sans compter l'efficace présence de Tosca, de son frère... et de Frère Cosimo, le moine chargé de l'éducation de la belle Lucilla.
C'est comment?
Wow! J'ai rarement lu un scénario jeunesse aussi efficace, haletant et finement conçu. L'intrigue en est d'une belle complexité pour l'âge des lecteurs. Les illustrations sont splendides, avec des couleurs à couper le souffle, qui donnent envie de partir explorer cette Toscane si réputée... Chacune à leur façon, Lucilla et Tosca sont d'excellents modèles : la première avec ses questionnements sur sa condition de jeune noble, grandement privilégiée mais obligée de se plier aux ordres de ses parents, la seconde avec son sens de la justice aussi grand que son désir de liberté. Bref, un excellent album, que je recommanderais à tous les jeunes de 10 ans et plus... si ce n'était d'une difficulté importante, qui m'a fait baisser ma cote d'appréciation d'un demi-point, et que je vous laisse découvrir au prochain paragraphe...
Mes bémols
- la longueur des extraits poétiques. Les auteurs ont pris un beau risque: inclure, dans le récit, des extraits de poèmes et de chansons d'époque! À travers la bouche de Rinaldo, le ménestrel, ou celle du frère Cosimo, on peut goûter aux vers de grands poètes anciens tels Dante Alighieri, Pétrarque, Boccace, saint François d'Assise, ou d'autres dont je ne connaissais même pas le nom, comme Soldanieri ou Cavalcanti...C'est un pari très osé, dans une œuvre destinée à la jeunesse. En effet, les jeunes (ceux que je connais, du moins, et j'en connais un paquet, étant enseignant au primaire!) n'auront pas tous la vivacité d'esprit pour comprendre ce qu'il en retourne. Rares sont ceux qui comprendront que ces extraits ne jouent pas de rôle réel dans l'avancement de l'histoire, qu'ils ne sont là que pour éveiller l'esprit, faire d'époque, donner une texture ou une saveur particulière au récit... À petites doses, une bulle ici et là, ça aurait pu passer. Mais ici, les auteurs se sont gâtés... au détriment de leur lectorat, j'en ai bien peur! Ils y vont, parfois, de pleines pages, et même jusqu'à 6 pages d'affilée, dans le tome #2 (pendant un voyage en calèche dans la campagne!). J'ai bien peur que nombre de mes élèves qui liront ces albums se laisseront impressionner par tant de phrases incongrues d'un autre temps, et abandonneront (malheureusement!) leur lecture...Je recommanderais donc cette série aux très bons lecteurs de 10 ans et plus, ou ceux accompagnés dans leurs découvertes. Sinon, ce ne serait pas avant 12 ou 13 ans... mais là, c'est le type de dessin qui risque de faire un peu enfantin et de déplaire à ces préadolescents... Problème de public-cible, donc...
- un problème de calligraphie... à un bien mauvais moment! En effet, lors de la prière en latin (tome #2, p.34... car il y a aussi du latin, en plus des vers!), l'un des mots m'a confondu. On peut y lire, 8e vignette: «...QUI VNIS ET REGNAS IN SAECULA SAECULORUM, AMEN.» Bien que je n'aie jamais fait de latin, j'imagine qu'on voulait inscrire le mot VIVIS, mais le I et le V sont si collés qu'on voit vraiment un N. Dommage... (Celle-là, j'avoue qu'aucun jeune ne la relèverait, par contre!! ;^D)
- la finale du tome #2. Non pas qu'elle n'est pas à la hauteur! Au contraire, c'est qu'elle prend de court! En effet, si le tome #1 se lit très bien tout seul, et laisse à penser que la série est une succession de récits complets, qu'on peut lire un peu dans n'importe quel ordre, comme c'est souvent le cas en BD jeunesse, la fin du tome #2 nous fait découvrir qu'il s'agit en fait d'un récit à suivre! La conclusion de son intrigue se trouve, en effet, dans le dernier tome. J'ai été un peu surpris, voilà tout! ;^)
Les plus grandes forces de cette BD
- les dessins de Turconi. J'en ai déjà parlé plus haut, et dans ma critique de la série Violette autour du monde : cet artiste est vraiment très doué. Ses personnages sont expressifs à souhait, sans trop être formatés à la mode italienne (de type Disney). De plus, il peut créer de sublimes plans généraux, remplis de détails amusants ou percutants... Et c'est sans compter la lumière, particulièrement présente dans cette série! En effet, le réputé soleil de Toscane semble magnifier son œuvre, si c'est encore possible! C'est, je crois, la première fois que la luminosité d'un album m'interpelle! C'est un signe, j'imagine! ;^)
- la thématique médiévale, bellement exploitée jusque dans la forme, avec l'intégration de fausses pages enluminées, en fin d'album - œuvres attribuées au frère Cosimo! Mais tous les dessins regorgent aussi de détailshistoriques : les pommes de route, les activités saisonnières, à la campagne, les outils et appareillages anciens... et les architectures d'époque, évidemment! De ce fait, l'iconographie renforce l'impression de réalisme. À un tel point qu'elle donne envie d'en savoir plus sur l'histoire de la région, sur la véracité des faits, sur l'existence des châteaux: lesquels sont fictifs, lesquels sont réels? ;^)
- les personnages féminins, qui font preuve, malgré tout, d'une belle modernité. J'en parlais un peu plus haut: grâce à leur personnalité forte et audacieuse, Tosca et Lucilla sauront interpeler les jeunes de notre époque.
- la variété d'animaux qui parsèment les vignettes! C'est vraiment agréable de voir toutes ces bêtes, volatiles et autres bestioles vivifier l'univers qu'on nous présente. Que ce soit en forêt, à la campagne, dans les villes ou même... dans la grande salle du château (où poules, oies et cochons se baladent entre les convives du banquet!), les animaux sont partout, toujours avec une bouille caricaturale impayable!... Mais le plus chouette demeure bien sûr Argo, l'épervier apprivoisé de Tosca! Quelle tronche, il a! Surtout quand il se retrouve tout mouillé (tome #2, p.21)! ;^)
- un scénario d'une belle complexité. Que ce soit les complots et magouilles politiques entre les dirigeants de Florence, Sienne et les autres duchés environnants ou le mystère des origines de Tosca et son frère, tout cela est très relevé! Ça donne droit à de très bons revirements, avec de super révélations qui surprendront le lecteur. Pour une série jeunesse, c'est juste assez recherché: ce n'est ni bébête (à la Scooby doo!), ni trop compliqué! Chapeau, Mme Radice!
- l'humour, quand même assez présent. J'ai trouvé très drôle (honte à moi!) le destin du petit mulot (tome #1, p.33), quand il échappe à l'attaque d'Argo, tout comme l'anachronisme de la fin du tome #3 (p.41). Ces gags ajoutent juste ce qu'il faut de légèreté à l'aventure!
- l'audace des auteurs (encore!!), qui osent utiliser de nombreuses planches muettes. Je songe notamment à la fin du tome #1, où 4 pages muettes (ou presque) proposent 4 tentatives d'assassinats que les jeunes n'ont pas le choix de bien observer puisqu'aucun texte ne vient l'expliciter! Précédemment, 3 autres planches racontaient la jeunesse de Tosca et son frère... et le tout, sans un mot! On voit que les auteurs ont pris le parti de faire confiance à l'intelligence des jeunes, et c'est tout à leur honneur! ;^) Bravo à eux!
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