#01- REQUIEM POUR DINGOS
Scénariste(s) : Jean LÉTURGIE, Yann Le Pennetier dit YANN
Dessinateur(s) : Simon LÉTURGIE, Franck ISARD
Éditions : Vents d'Ouest
Collection : X
Série : Spoon & White
Année : 1999 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récits complets
Genre(s) : Aventure policière, Aventure humoristique, Humour parodique, Humour grivois, Humour morbide, Thriller
Appréciation : 5 / 6
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Non mais que d'audace!
Écrit le mercredi 20 mars 2024 par PG Luneau
Tomes lus : #01- Requiem pour dingos (dess. : Simon LÉTURGIE)
#02- À gore et à cris (dess. : Simon LÉTURGIE, 2000, 4,5 /6)
#03- Niaq micmac (dess. : Simon LÉTURGIE, Éd. Dupuis, Coll. Humour libre, 2001, 4 /6)
#04- Spoonfinger (Éd. Dupuis, Coll. Humour libre, 2002)
Spoon & White! Que voilà une série qui s'est promenée! Débutée chez Dupuis au tournant du millénaire (dans la collection Humour libre, puis dans la collection RepéRages), elle a ensuite été hébergée chez Vents d'Ouest, pour maintenant reprendre de plus belle (après une pause de 11 ans, quand même!) chez Bamboo! Il faut le faire! Serait-ce le caractère sulfureux de ses héros qui justifierait ce vagabondage? Car ça prend un éditeur solide pour soutenir un tel duo de frapadingues! ;^D
C'est quoi?
Spoon, c'est Mickey Spoon, un policier new-yorkais qui a la taille, l'allure... et l'immaturité (!?!) d'un gamin de 8 ans! Ses lèvres exagérément boursoufflées (il semble avoir un ridicule duck face permanent) lui donnent un air très caricatural, qui détonne bizarrement de tous les autres personnages de la série. Ses trois passions? Son culte à Disney et à tous ses personnages (dont il collectionne les peluches!), son culte à Clint Eastwood (qu'il essaie toujours d'imiter dans sa pratique - très peu - professionnelle, et dont il connaît toutes les répliques par cœur!)... et son culte pour la belle Courtney Balconi, la pulpeuse journaliste d'enquête du réseau B.N.N., dont il est maladivement épris.
White, c'est Donald White, un policier new-yorkais toujours vêtu d'un complet noir. Grand gaillard, bien de sa personne, il se veut plutôt pompeux et un peu trop sûr de lui. Sans cesse en train de se vanter d'être le descendant d'un des passagers du Mayflower, il n'a qu'une passion : la sublime Courtney Balconi, sculpturale journaliste d'enquête du réseau B.N.N., qu'il espère inlassablement conquérir.
Ces deux gars travaillent en duo, même si tout les oppose... SURTOUT leur amour (à sens unique, précisons-le) pour la plantureuse journaliste. L'irrépressible impétuosité de Spoon, qui le pousse à tirer sur tout ce qui lui semble suspect (crapule, vieille dame ou gamin, rien ne l'arrête!), oblige systématiquement leur pachydermique patron à les mettre sur la touche pour fautes professionnelles! Mais qu'à cela ne tienne : les deux bozos en profitent toujours pour suivre leur dulcinée dans ses enquêtes journalistiques et tenter de la charmer en l'assistant du mieux possible... ce qui cause invariablement encore plus de cadavres, d'explosions et de cataclysmes !?!
On est ici en présence d'une série qui s'inspire des grands films d'action hollywoodiens pour en calquer les moments les plus spectaculaires (et ridiculement irréalistes!) et les parodier en les grossissant encore davantage... si c'est un tant soit peu possible !!
Ainsi, le duo se frottera d'abord (dans Requiem pour dingos) à une prise d'otages dans un hôtel de luxe, alors que s'y tient le symposium d'une secte sur le point de commettre un suicide collectif. Puis, nos deux lurons pourchasseront un tueur en série cannibale en fugue (dans À gore et à cris) et affronteront les triades du Chinatown new-yorkais (dans Niaq micmac) avant d'aller sauver la famille royale britannique d'un complot visant à éliminer le prince Charles (dans Spoonfinger).
C'est comment?
Je n'ai jamais vu de BD aussi intelligemment irrévérencieuses! Quelle audace, vraiment! Tout y est finement réussi : les scénarii sont solides, bien ficelés, et rendent hommage aux films qu'ils tentent de parodier; les tonnes de caméos et de clins d'œil (à des personnages, des scènes, des répliques ou des événements) sont quasi innombrables, et font mouche à tous les coups; et, surtout, les dialogues sont d'une drôlerie comme j'en ai rarement lue dans ma vie!
Et ce qui rend l'ensemble encore plus drôle, c'est l'apparente bonhomie avec laquelle nos deux héros détruisent leur environnement et saccagent tout ce qu'ils touchent, causant une explosion ici, un carnage là... sans que leur conscience n'en soit affectée le moins du monde! Ces contrastes rajoutent une couche d'humour bien sentie, et j'ai adoré ça, malgré le fait que je ne connaisse à peu près pas ces films d'action dont les auteurs s'inspirent (pour ne pas dire «se moquent») ici. Ceci explique d'ailleurs cela : si j'ai tant ri en lisant cette série, c'est sûrement parce qu'elle se moque de tout ce qui m'horripile dans ces blockbusters américains!
Mais il faut rester conscient que ce genre d'humour ne fera pas l'unanimité... Car il n'en reste pas moins qu'on est dans le gore et le morbide. Plusieurs jugeront le tout scabreux, amoral et de mauvais goût! D'où l'importance de BIEN y voir le second degré!
C'est pourquoi je ne recommande pas cette série aux jeunes de moins de 15 ou 16 ans.
Mes bémols
- la dichotomie de style dans le dessin. L'allure carrément caricaturale de Spoon, que je trouve assez laid, en fait, détonne vraiment trop avec tous les autres personnages de l'album. C'est certain qu'il est déjà bien différent, de par son caractère (c'est un décérébré fini, en fait!), mais je ne crois pas que ça méritait de le dessiner dans un style si éloigné de l'ensemble de l'œuvre. Ça m'a agacé tout au long de ma lecture...
- le mélange de français et d'anglais. Au départ, je trouvais qu'il y avait trop d'anglais: shithead, fuck, shut up, sucker... Puis, j'ai pris conscience que l'action se passe à New York et qu'on est dans le monde des durs à cuire, d'où ce vocabulaire de la rue. Donc ça passe! Mais alors, pourquoi Spoon, un Américain bien moins que moyen, sans culture autre que celle offerte par Disney et Eastwood, chante-t-il: «Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux» ? Avouez que ça détonne! Et des expressions comme prendre la highway et réserver une chambre single (!?), ça reste horripilant, car on sait trop bien que les Français les utilisent pour vrai, même dans des contextes qui n'ont rien d'américains! Sérieux, les gars, parlez français ou parlez anglais, mais laissez tomber vos inutiles mélanges, please!
- l'omniprésence des gros nichons. On est dans la parodie, c'est vrai, et c'est souvent comme ça dans ce genre de films, mais il me semble qu'il aurait pu y avoir au moins un ou deux personnages féminins avec des mensurations réalistes, non?
Les plus grandes forces de cette BD
- les récurrences. Les scénaristes s'amusent vraiment à toujours répéter la même histoire, mais avec des nuances variées: ça commence toujours avec la pie apprivoisée de Courtney qui survole la ville (et qui chie partout!), puis s'ensuit la sempiternelle gaffe magistrale du duo infernal - et l'explosion de quelques buildings! C'est après ça que, toujours, le gros commissaire met nos deux antihéros en congé forcé (ou leur assigne des tâches ingrates)... Et c'est là que la véritable aventure débute, alors qu'ensemble ou séparément, Spoon et White se mettent à suivre Courtney dans l'une de ses enquêtes journalistiques. Cette «routine» devient donc un genre de recette à laquelle on s'attend, et qu'on a hâte de retrouver, question de voir suivant quelle variante elle nous sera servie, cette fois-là!
- des dialogues savoureux, d'une efficacité plus que redoutable. Yann et Léturgie ont TOUJOURS la réplique assassine (ce qui est très judicieux, pour des récits policiers! ;^) ! Tout le texte est une enfilade de mots d'esprits, de doubles sens, de gags et d'allusions plus ou moins fines! C'est délirant! Ça va du très bas (la compagnie d'aviation AirPes) à l'amusant (le prétendu cannibale muselé de qui on dit: «Le voilà réduit au silence et doux comme un agneau!») jusqu'à l'indélicat (l'homme qui dit: «...j'assumerai la tâche écrasante qui...»... et qu'un autobus réduit en bouillie en l'emboutissant contre un mur avant même qu'il ne termine sa phrase!). J'ai trouvé les dialogues jouissifs, carrément! Et je vous épargne les innombrables jeux de mots du cannibale du tome #2 (du genre: «Je vous promets d'être incisif!» ;^D)
- les caméos & clins d'œil. Ils sont légion! J'en ai répertorié plus d'une vingtaine... Puis, je suis allé sur un site spécialisé, sur le Net, et j'ai comparé ma liste avec la leur: j'en avais 6 ou 7 qu'ils n'avaient pas, et ils en avaient 6 ou 7 que je n'avais pas!!? C'est vous dire à quel point c'est chargé! Pour les curieux que ça intéresse, je vous invite à en consulter la liste, au bas de cette page.
- l'audace. C'est parfaitement cru, très violent... mais totalement assumé! Par exemple, on ne se contente pas de faire tomber des gens d'un immeuble d'une quinzaine d'étages, non! On y rajoute, à mi-chemin, un hélicoptère en vol, question que ces tombeurs (au sens propre!) se fassent hacher bien menu, en cours de route! Autre exemple: Courtney Balconi découvre un cadavre démembré. Elle s'en trouve choquée... mais non pas parce qu'elle voit, mais bien par le fait que son caméraman soit absent et qu'il ne puisse pas filmer tout ça! Heureusement pour nos âmes sensibles, le dessin est rarement graphique: on ne fait pas exprès pour nous montrer ces scènes, sauf peut-être un bout de bras ou de pied, de temps à autre! ;^)
Les petits plus
- Tel que promis plus haut, voici la liste des divers caméos et clins d'œil que j'ai été à même d'identifier. Bien évidemment, il y en a sûrement autant qui ont échappé à mon œil de lynx! ;^)
Caméos des personnages de BD ou de dessins animés
Archie Cash (#2, p.15),
Soda (#2, p.36),
Alix (des Innommables, #3, p.4),
Boule (de Boule et Bill, #3, p.16),
Titeuf (#3, p.16),
Violine (#4, p.3),
Libellule (de Gil Jourdan, #4, p.12),
Archibald (de la Ribambelle, #4, p.26),
Haddock (de Tintin, #4, p.34),
Clifton (#4, p.34),
Wallace & Gromit (#4, p.37)
Caméos de personnes réelles
Morgan Freeman (#1, p.21 et suiv.),
Bruce Willis (#1, p.21 et suiv.),
Anthony Perkins (#2, p.33-34),
Janet Leigh (#2, p.34-35),
George Cluny (#3, p.23),
Jean-Claude Van Damme (#3, p.30 et suiv.),
Jacques-Yves Cousteau (#4, p.12)
Sean Connery (#4, p.14 et suiv.),
Laurel & Hardy (#4, p.27 et 30),
Pierce Brosnan (#4, p.35),
Roger Moore (#4, p.35),
Timothy Dalton (#4, p.35 et suiv.)
Clins d'œil divers ou allusions
Enyd Blyton (l'auteure de romans jeunesse, #2, p.11),
E.T. (#2, p.21),
Le Lotus bleu (de Tintin, #3, p.13),
Ian Fleming (l'auteur des James Bond, #4, p.19),
Octopussy (de James Bond, #4, p.34),
Abbey road (des Beatles, #4, p.36)...
Ainsi que les (trop) illustres tueurs en série suivants :
Ed Kemper (#2, p.30),
Albert De Salvo (#2, p.32),
Richard Chuse (#2, p.34),
John W. Gasy (#2, p.34),
Ed Gein (#2, p.34),
Gary Heidnick (#2, p.34) et
Jack l'éventreur (#2, p.34).
- À lire aussi, pour avoir un autre son de cloche: la critique que mon ami Yaneck a faite du premier tome de la série (HYPERLIEN) .
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