#01- LA LANCE
Scénariste(s) : Jean-Luc ISTIN
Dessinateur(s) : Denis RODIER
Éditions : Soleil
Collection : Secrets du Vatican
Série : Ordre des Dragons
Année : 2008 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (1/3)
Genre(s) : Thriller ésotérique, Drame de guerre
Appréciation : 4 / 6
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De l'Indiana Jones, l'humour en moins, l'angoisse en plus
Écrit le samedi 09 janvier 2010 par PG Luneau
C’est un peu à reculons que j’ai entrepris la lecture de cet album, peut-être parce qu’en feuilletant le tome #2, en librairie, j’y ai vu une scène d’horreur qui ne m’a pas emballé. De plus, la collection Secrets du Vatican m’avait déjà déçu, à quelques reprises. De fait, j’ai été agréablement surpris!
En effet, l’intrigue de ce récit est si habilement amenée, avec punch et naturel, que je me suis doucement laissé entraîner dans ses méandres, aussi fasciné qu’Eva, l’héroïne, sans que je laisse la crainte omniprésente mettre fin à ma lecture!
Après avoir assisté, impuissante, à l’assassinat, en pleine rue, de son ami, l’éminent ethnologue Elie Strauss, la belle Eva Wilson, spécialiste en arts antiques, retrouve dans sa boîte aux lettres le message étonnant que le pauvre homme venait d’y déposer… ainsi qu’une clé. La jeune femme aura fort à faire pour rassembler les pièces du puzzle que le professeur Strauss lui laisse, dans ce Berlin de 1933, où les Nazis commencent à faire régner un climat antisémite de haine et de destruction. Et les bribes d’informations qu’elle briguera la confronteront à des théories stupéfiantes, apparemment trop énormes pour être vraisemblables, mais qui, sous peu, bouleverseront néanmoins les fondements même de l’Humanité : nous ne sommes pas seuls…
Théologie, vampirisme, anges et dragons, oghams et runes, mythes celtiques et chrétiens, kabbale, artefacts aux pouvoirs divins, c’est tout ça et bien plus encore qu’annonce la Lance, le tome #1 de la série l’Ordre des Dragons. Oui, je dois avouer que le dessin et les couleurs me laissent un peu froid (pourtant, monsieur Rodier, un petit gars bien de chez nous, a longtemps travaillé pour DC et Marvel Comics, dessinant plusieurs récits de Superman et de Captain America!). Cependant, la qualité du mystère et les indices soigneusement distillés m’ont tenu en haleine malgré l’ambiance un peu angoissante alimentée par la paranoïa de la pauvre Eva, à qui on a recommandé de ne faire confiance à personne.
Maintenant que je suis initié, et sachant que le récit sera bouclé en trois tomes, je devrais être en mesure de surmonter mes craintes et de lire les deux suivants… mais sûrement pas un soir où je serai seul à la maison!!
Un album auquel je réservais un 3,5 mais qui est si haletant que je lui donne un vrai 4/6!
Plus grandes forces de cette BD :
- des thèmes très intéressants. D’abord, la mystérieuse découverte archéologique faite en plein cœur de l’Himalaya, présentée en prologue, nous transcende. Puis, l’utilisation du principe narratif de chasse aux indices pour reconstituer les bases d’un mystère plus grand que soi est toujours efficace pour tenir en haleine. Finalement, l’idée qu’une organisation machiavélique secrète, à connotation fantastique, ait pu supporter la montée d’Hitler me semble très stimulante et riche en potentiel.
- le contexte historique, alors que les idéologies nazies commencent à s’implanter en Allemagne. C’est une période de l’Histoire contemporaine que je connais peu, j’ai donc beaucoup à apprendre sur le sujet. De plus, ça contribue à la comparaison avec Indiana Jones!
- l’élément déclencheur, sitôt la fin du prologue, qui est très enlevant. Il nous trempe dans le vif du mystère, en même temps qu’Eva, et avive notre curiosité. On se retrouve immergé dans les questionnements, tout comme elle, et on désire ardemment savoir de quoi il en retourne.
- la grande variété de plans, agrémentée d’une multitude de contre-plongées et de plongées. En effet, la mise en page de cet album est dynamique et variée. On voit que monsieur Rodier sait tirer profit de toute l’expérience qu’il a acquise dans le monde des comics-books!
- la beauté des décors, surtout les bâtiments. Non seulement les perspectives sont audacieuses, mais elles nous offrent en plus de beaux angles de vue qui nous permettent d’apprécier pleinement les superbes réalisations architecturales que monsieur Rodier nous a concoctées.
- une héroïne humaine, sans «super pouvoirs» ni habileté particulière, si ce n’est ses connaissances encyclopédiques. Démunie comme elle l’est dans ce pays en crise, sans ressources et talonnée de toutes parts par des ennemis dont elle ne connaît ni le visage, ni les motivations, elle nous apparaît d’autant plus vulnérable. On n’a pas le choix que de prendre son parti et de souhaiter que ses recherches aboutissent sur du concret.
- l’ambiance très habilement instaurée. Tout contribue lentement à nous déstabiliser, puis à nous mettre mal à l’aise : l'incompréhensible découverte archéologique, le meurtre crapuleux de l’ethnologue, la lettre mystérieuse qui annonce à l’héroïne l’objet de sa quête, le côté très «touffu» du mystère, la tension sociopolitique qui règne, l’entrée avec effraction chez Eva, la paranoïa montante de cette dernière, les impressions qu’elle a d’être épiée ou suivie… vraiment, le suspense est très bien construit, avec un «build-up» des plus efficaces.
- L’illustrateur, Denis Rodier, est un Québécois pure laine. Ça me fait toujours plaisir de voir que de plus en plus de mes compatriotes parviennent à se faire éditer chez les «grands», en Europe. Ça fait chauvin? Bin quin!! Le chauvinisme n’est pas une chasse gardée française, que je sache!
Ce qui m’a le plus agacé :
- les visages des personnages, qui manquent quelques fois de constance d’une vignette à l’autre et qui sont parfois trop semblables. C’est surtout notable avec les deux archéologues du prologue, tous deux barbus : ils sont difficiles à identifier et facile à confondre! Ça part mal une nouvelle série, alors qu’on ne sait pas encore si ces personnages sont les héros ou de simples pions qui crèveront à la page 8! De manière générale, les visages sont assez peu réussis.
- la faute d’orthographe et celle de syntaxe. Sans vouloir jouer à la maîtresse d’école acariâtre, je trouve toujours incompréhensible que les correcteurs des maisons d’éditions, si prompts à exiger des auteurs qu’ils modifient des passages entiers de leurs textes, laissent passer des bourdes aussi grosses : p.16 «Faîtes appel à…» et p.26 «Sa vie fut est parsemée de souffrance.»
- les teintes très fades. Je comprends que ces choix de prédominance de brun et d’ocre servent à renforcer le «look ancien», pour mieux saisir l’époque, mais je trouve que ça affadit un peu l’œuvre dans son entier.
- une héroïne solitaire, seule contre tous. Ça contribue grandement à notre malaise, ce qui est, évidemment, l’effet recherché… mais ça engendre aussi beaucoup d’introspections… en narratifs très verbeux! De plus, ça limite les interactions et le potentiel héroïque. Il faut dire que j’ai toujours préféré les sagas avec beaucoup de personnages!
- L’impressionnante mais ô combien improbable grotte! Elle est superbe, c’est vrai, à nous faire rêver… mais qu’elle se trouve dans le sous-sol d’une petite maison de campagne me semble bien trop gros à avaler! Moi, c’est le genre de détails qui me fait décrocher un peu.
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