ÎLE BOURBON, 1730
Scénariste(s) : Olivier Appollodorus APPOLLO
Dessinateur(s) : Lewis TRONDHEIM
Éditions : Delcourt
Collection : Shampooing
Série : Île Bourbon, 1730
Année : 2007 Nb. pages : 288
Style(s) narratif(s) : Roman graphique
Genre(s) : Historique, Aventure
Appréciation : 4 / 6
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Quand les pirates se mettent au pieu...
Écrit le lundi 27 juillet 2009 par PG Luneau
Je viens de terminer la lecture d’Île Bourbon, 1730, et j’avoue que je suis un peu déstabilisé. Moi qui m’attendais à un récit de pirates, avec ses attaques, ses trésors, ses traîtrises et tutti quanti, on peut dire que je suis resté sur ma faim! Car, au bout du compte, ce long récit est plus une tranche de vie sur une île en pleine mutation qu’un récit d’aventures.
En effet, en 1730, la piraterie est sur son déclin. Tous ces anciens forbans sont soient morts, soient amnistiés et recyclés en propriétaires terriens, au Madagascar, à l’île Maurice ou à la Réunion, encore appelée île Bourbon. Le dernier vrai pirate, La Buse, est emprisonné sur celle-ci, et il est sur le point de se faire pendre. Il aurait enterré un monumental trésor qui intéresse à peu près tout le monde… mais il est sur le point d’emmener son secret dans sa tombe!
C’est pourquoi il n’y a pas que le Piton de la Fournaise qui gronde, sur cette île volcanique. La noblesse locale tente tant bien que mal de soudoyer le taulard pour le faire parler. Certains anciens pirates réformés se demandent s’ils ne devraient pas libérer leur ancien chef, espérant profiter du pactole. Et les Marrons, ces esclaves en fuite qui vivent en communautés, cachés au cœur de l’île, hésitent, eux aussi : ne devraient-ils pas profiter de cette fébrilité pour enfin orchestrer la révolte que certains espèrent depuis si longtemps?
C’est dans ce maelstrom de magouillages que deux nouveaux arrivants débarquent, en provenance de la métropole parisienne : un ornithologue complètement déconnecté de la réalité, qui vient explorer l’île à la recherche d’un hypothétique dodo, et son jeune assistant, littéralement fasciné par toute l’imagerie libertaire véhiculée par le monde des pirates…
Une telle poudrière devrait, bien évidemment, éclater dans un feu d’artifice d’action… et bah non! Désolé de vous vendre le punch, mais rien n’éclatera du tout, pas même le volcan! Après que chacun ait bien tenté de convaincre son voisin du bien fondé de ses opinions, chacun restera sur sa position… et le méchant La Buse, qu’on ne verra finalement jamais, même si on parle de lui à chaque deux pages, sera pendu avec ses secrets! En fait, on peut difficilement parler de «récit» lorsqu’on parle de ce roman graphique, tant il ne s’y passe pas grand-chose! Même l’ornithologue ne trouvera pas son dodo!! En somme, ce livre dresse plus un portrait de l’île et de certains de ses habitants qu’il ne raconte une histoire. Complètement déboussolant, je vous dis…
Mais pas inintéressant pour autant!! Au contraire! J’ai bien aimé me plonger dans ce milieu qui m’était tout à fait inconnu, à une époque charnière de son histoire. Ça m’a donné des envies de voyager, tout en me permettant d’apprendre plein de choses sur la fin du monde des pirates, monde qui nous cache encore bien des mystères, manifestement! Sans compter que le tout était fait avec des touches d’humour fort à propos, et les toujours drôles de personnages animaliers auxquels Trondheim nous a maintenant habitués.
Plus grandes forces de cette BD :
- le rythme lent, laissant place à de nombreux temps morts. Les vignettes muettes pullulent, les personnages y admirent, comme nous, les superbes paysages qu’offre l’île. Il n’y a pas à dire, les auteurs peuvent se permettre de beaux temps d’arrêt réflexifs lorsqu’ils ne sont pas limités par le format «48 pages». C’est l’avantage des romans graphiques!
- les deux personnages de jeunes gens, soient Raphaël et Virginie. C’est par les yeux idéalistes et un peu ahuris du jeune homme qu’on découvre tout ce qui se passe sur l’île, et sa naïveté est bien rafraîchissante. Au moins autant que le personnage de la jeune fille un peu folle, totalement humaniste et dévouée corps et âme à la cause des noirs, en cette époque où la traite battait son plein et ne faisait pas de cadeau à ces esclaves de couleurs.
- les très nombreux compléments d’information, placés en fin de volume, sur la géographie de l’île, les personnages ayant vraiment vécus là-bas, les lois de l’époque ou les modes de vie de ces gens.
Ce qui m’a le plus agacé :
- l’absence d’aventure de pirates. Je m’attendais à de l’aventure… j’ai donc été un peu déconcerté! Un conseil : plongez-vous-y sans attente! Ainsi, vous n’aurez pas de déception!
- le trop grand nombre de personnages, tous en interaction avec plusieurs autres, comme dans une grande saga romanesque… En fait, j’aurais dû prendre des notes, en lisant, question de m’aider à me rappeler qui était qui.
- l’impossible typographie de Trondheim, souvent difficile à lire.
- le choix de présenter ce tome en noir et blanc. Cela n’avantage pas le propos déjà assez uniforme. De la couleur, comme sur la couverture, aurait sans contredit magnifié les sublimes paysages tropicaux que l’on nous présente.
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