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Hasard ou destinée
HASARD OU DESTINÉE
Scénariste(s) : Becky CLOONAN
Dessinateur(s) : Becky CLOONAN
Éditions : Lounak
Collection : X
Série : Hasard ou destinée
Année : 2012     Nb. pages : 112
Style(s) narratif(s) : Courts récits (Comics)
Genre(s) : Thriller fantastique, Aventure mythique, Fantastique médiéval, Récit psychologique, Horreur, Drame familial, Conte réinventé
Appréciation : 4 / 6
Envoûtantes étrangetés oniriques...
Écrit le dimanche 18 septembre 2016 par PG Luneau

Quel étonnant petit bouquin que ce Hasard ou destinée! Les Studios Lounak, de Montréal, y ont regroupé trois récits distincts de Becky Cloonan, très courts, mettant chacun en scène deux ou trois personnages dans un contexte médiéval fortement teinté de fantastique... mais un fantastique angoissant, basé sur les croyances et les mythes ancestraux qui morpionnaient l'époque. Fantômes, loups-garous, sorcelleries et autres démoneries sont ici à l'honneur.

Qu'un jeune écuyer soit mandaté par son maître d'aller porter une troublante missive par-delà un marais hanté, qu'un brave chevalier délaisse sa dulcinée pour aller combattre une malbête gigantesque ou qu'un jeune couple se sente épié pour une dette de sang (!?), ce qui caractérise chacun de ces récits de peu de mots, ce sont le raffinement des traits de l'auteure et les envoutantes ambiances mystiques qui s'en dégagent. Dépaysement assuré!

Car c'est à des récits aussi torturés que ses personnages de Beecky Cloonan nous convie. Des récits à la construction plus que subtile, qui demande une bonne dose de concentration et un soupçon d'instinct! L'étrange teneur des relations qui unissent les personnages, leur manière sibylline de s'exprimer et les nombreux non-dits sont autant de facteurs qui forcent le lecteur à être à l'affut de la moindre indication qui le guidera à interpréter adéquatement les situations... en autant qu'il accepte aussi de laisser de côté son esprit rationnel d'homme du XXIe siècle et de ne pas tout comprendre à sa première lecture!

En effet, Loups, Marais et Déméter, les trois courts récits en question, gagnent à être relus une seconde fois, question de valider les impressions que notre première lecture nous a laissées. Car, tel un peintre impressionniste, c'est par petites touches indicibles au premier regard que Mme Cloonan tisse son univers! Un univers étonnant, onirique et morcelé, qu'un second regard aide à condenser un peu... D'ailleurs, quel plaisir que de jeter un second coup d'œil à chacune des planches de cette illustratrice de talent, toutes en noir, blanc et gris!

Un plaisir principalement destiné aux amateurs d'atmosphères un peu gothiques, donc,  aux lecteurs qui ne craignent pas de laisser des ambiances sulfureuses leur insuffler un sournois malaise au cœur... À partir de 16 ans.

À lire aussi : ma critique d'un autre bouquin de la même auteure : Gotham academy, dans ma chronique Quand on entre à Gotham, c'est pour y rester.

 

Plus grandes forces de cette BD :

 

  • la facture matérielle du livre. La jaquette satinée, en papier très épais, cache une superbe reliure et une couverture toilée, d'un look très classique. Sur la première de couverture, une illustration dorée, de type lithogravure médiévale, ajoute à l'étrangeté de l'ouvrage. La quatrième nous montre une longue épée sur laquelle s'entortille un gros serpent. L'ambiance est campée! À noter aussi, le raffinement de l'illustration sur le rabat de la jaquette qui, à l'image de l'objet-livre, est très soigné, de même que les espèces d'estampes moyenâgeuses qui ornent la page frontispice de chaque récit.

 

  • l'efficacité de la préface. Signée par le scénariste de comics américains Scott Snyder, elle est très intéressante. Elle résume parfaitement le ressenti qui est le nôtre à la fin de notre lecture... Le tout, dans un langage abordable et invitant. Un tour de force! (C'est tellement barbant, d'habitude, les préfaces!! ;^)

 

  • plusieurs superbes illustrations pleine page, ou même double page. Elles nous permettent de savourer l'ampleur... du talent de l'artiste! ;^)

 

  • la grande variété de plans et d'angles de vue. Mme Cloonan est une grande créatrice, qui sait jongler très habilement avec les codes du média.

 

  • la sublime utilisation du noir/blanc et gris, et des clairs/obscurs qu'ils permettent. Mme Cloonan réussit à composer des illustrations très définies, malgré l'absence de couleur. J'aime beaucoup son utilisation de l'estompage de gris, par exemple, pour générer des effets de profondeur. C'est très efficace, principalement dans le 3e récit.

 

  • les ambiances, bien évidemment! On s'y raccroche d'autant plus qu'on n'a pas toutes les clés pour bien comprendre ce qui se passe! On reste donc plus au niveau du ressenti que de la compréhension intellectuelle, tangible... d'où l'espèce d'impression d'étrangeté, de mysticisme. Bref, une expérience de lecture vraiment inhabituelle! :^0

 

  • l'exploitation du contexte médiéval. L'auteure a su utiliser la fantasmagorie occidentale de l'époque pour créer trois petits thrillers poignants, sortis tout droit de notre inconscient ancestral. Ils vous rappelleront irrémédiablement les vieux contes de fée de notre enfance (le Petit chaperon rouge, la Belle au bois dormant...), mais dans des versions pas mal trop angoissantes pour être racontées aux enfants!!

 

  • le fabuleux carnet de croquis, qui couvre un peu moins du quart final du livre. Tout ce qui s'y trouve est en lien avec une époque médiévale fantastique, sans nécessairement provenir de l'un des trois récits de l'album : de magnifiques pleines pages encrées, mais aussi des tonnes de petits crayonnés qui m'ont fort impressionné. Je vous invite d'ailleurs à aller visiter le portfolio électronique de cette artiste, ici même, question d'avoir une bonne idée de son talent!

 

 

Ce qui m'a le plus agacé :

 

  • la vitesse à laquelle on traverse la plaquette. Au final, les trois récits sont non seulement courts, mais très peu verbeux, ce qui fait qu'on les termine en un rien de temps! Encore heureux qu'une seconde lecture soit salutaire afin de valider nos hypothèses : ça nous permet de confirmer nos soupçons, de revoir les sublimes dessins de Cloonan, de replonger dans ses ambiances mystiques... et ça maximise un peu notre investissement! ;^)

 

  • la subtilité de certains codes. Soyez bien vigilants, lors de votre lecture, et portez une attention particulière aux couleurs et aux formes des phylactères et des encadrés narratifs. Ça devrait vous aider à mieux comprendre qui dit quoi... Vous verrez qu'on peut facilement se laisser berner, et que la personne qui se parle intérieurement n'est pas toujours celle qu'on nous montre!!?? ;^)

 

 

 


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@ Danielle : L'imaginaire et la stylistique manga font maintenant partie du bagage de la grande majorité des jeunes dessinateurs, c'est indéniable. Toutefois, ça ne m'a pas particulièrement sauté aux yeux... ni les onomatopées, d'ailleurs...

C'est que tu commences à avoir l'oeil méchamment aguerri, ma chère!! ;^)
Rédigé par pgluneau le dimanche 20 novembre 2016 à 10:38


Ouais. T’as ben raison. Ça craint, mon affaire, comme dirait l’autre. J’suis sans doute passée complètement à côté des intentions de l’auteure, en pensant que c’est à l’eau de rose. Mais le thème me replonge dans ma préadolescence et ses contes de preux chevaliers (sauf que dans ce temps-là, ça finissait par ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.). Alors que Becky Cloonan a dû, pour sa part, dévorer des mangas. Je débloque probablement encore, mais il me semble retrouver quelques influences ? Dans l’emploi du noir et blanc, bien sûr, mais aussi dans les grands yeux des personnages et surtout l’usage (pas toujours judicieux, à mon sens) d’onomatopées qui venaient parfois briser l’impact dramatique.
Rédigé par Danielle le lundi 31 octobre 2016 à 14:13


@ Danielle : Parangon juvénile, parangon juvénile... C'est des archétypes même de la geste chevaleresque dont on parle, ici!! Ces amours ultimes et pures, avec tout ce qu'elles ont de plus beau et noble, comment peut-on les qualifier de mièvres?! Idéalisées, d'accord, juvéniles, si tu veux, mais mièvres?? Tu y vas un peu fort, non!!

Mais merci d'avoir (encore!!) contribué au perfectionnement de ma culture : je dois avouer, bien humblement, que je lis le mot parangon pour la toute première fois de ma vie!! Merci, Danielle (et merci, M.Larousse!!) ;^)
Rédigé par pgluneau le dimanche 30 octobre 2016 à 9:16


Joli recueil aux amours tragiques et preux chevaliers. Certaines illustrations sont franchement très fortes, bien qu'accolées au service d'un certain parangon juvénile. Ce qui produit une étrange dichotomie de glauque et de mièvre tout à la fois. En fait, c'est la présentation indubitablement soignée qui m'a le plus impressionnée.
Rédigé par Danielle le dimanche 23 octobre 2016 à 17:31


@ Arsenul 73: J'en conclus donc que tu es resté dans le même état d'esprit que moi, satisfait par ce genre de flou ambivalent (pour la cognition) tout à fait agréable (pour l'émotif)!! ;^)
Rédigé par pgluneau le dimanche 18 septembre 2016 à 22:36


J'ai bien aimé cette BD. Je ne me rappelle plus laquelle des trois histoires, j'ai du relire pour bien comprendre et tout ce que j'ai compris c'est que l'auteure, car c'est une fille!, voulait nous laisser dans une certaines incompréhension, mais ça me va, c'est dans l'ambiance du livre. Belle chronique, peu de "agacé" c'est un bon signe.
Encore une fois un excellent billet!
Bravo et merci!
Rédigé par Arsenul 73 le dimanche 18 septembre 2016 à 21:36


@ Anne des Ocreries : Je suis convaincu qu'une fois le nez plongé, le reste ne tardera pas à suivre, que tu le veuilles ou non!! ;^)
Rédigé par pgluneau le dimanche 18 septembre 2016 à 18:23


Drôlement alléchante, ta présentation ! J'ai carrément envie d'y plonger le nez ( au minimum....)
Rédigé par anne des ocreries le dimanche 18 septembre 2016 à 11:30




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