#02- LA PROPHÉTIE
Scénariste(s) : Étienne WILLEM
Dessinateur(s) : Étienne WILLEM
Éditions : Paquet
Collection : X
Série : Épée d'Ardenois
Année : 2012 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (2 à 4 / 4)
Genre(s) : Héros animalier, Fantastique médiéval
Appréciation : 5.5 / 6
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Complots et manigances font difficiles apprentissages
Écrit le lundi 06 avril 2020 par PG Luneau
Tomes lus : #02- la Prophétie
#03- Nymelle (2014)
#04- Nuhy (2015, 64 p.)
Ouf de wow!! Quelle saga que cette superbe série, que j'avais débutée il y a longtemps et que j'avais adorée, pourtant, si vous vous souvenez de ma critique du premier tome! Je suis vraiment très heureux d'avoir pu m'y mettre pour la peine! En quoi le confinement a du bon! ;^)
Donc, l'Épée d'Ardenois, c'est une histoire aux allures enfantines (avec ses personnages animaliers qui nous font tout de suite penser au Robin des bois de Disney, ou à la série Richard Cœur de Lion, qui avait un peu la même esthétique)... mais avec un scénario à peine plus simple que celui du Trône de fer!! Donc : NON, n'achetez pas ces albums pour votre petit neveu de 8 ou 10 ans. Offrez-les plutôt à ses parents ou, mieux encore, gardez-les pour vous... car ils en valent vraiment la peine! ;^)
Le premier tome nous apprenait que le Seigneur de Nuhy, puissant sorcier qui avait été terrassé plusieurs années auparavant, semblait être sur le point de revenir des morts pour tout dévaster dans les trois royaumes de Bohan, de Valdor et d'Herbeutagne! L'éveil des sbires de cet être maléfique est commencé, et une de leurs premières exactions est de saccager le village de Chassenoix, terrassant du coup Godefroy d'Ardenois, l'un des 4 Compagnons de l'Aube qui étaient venu à bout du Seigneur de Nuhy, à l'époque, mais qui avaient pris une retraite bien méritée.
Garen, le jeune lapereau qu'il avait pris sous son aile, se ressent le besoin d'honorer son mentor en prévenant non seulement le roi Tancrède mais aussi les trois autres Compagnons de l'Aube, forcés de reprendre du collier.
Mais voilà que ces tomes-ci nous prouvent que les années qui ont passées ont miné un peu la belle harmonie qui unissait ces Compagnons... Le gros Arthus est de plus en plus renfrogné et désabusé; le moine hospitalier Grimbert accepte de plus en plus de mettre son libre-arbitre de côté pour suivre les directives des chefs de son ordre religieux... et La Fouine, que personne n'avait revue depuis longtemps, est de retour, mais semble étonnamment jeune, comme si les années n'avaient pas d'emprise sur elle!! Il faut compter aussi sur la douloureuse absence de Godefroy, qui indéniablement agissait comme l'élément unificateur du quatuor... Est-ce que le tout jeune Garen pourra jouer ce rôle au sein de l'équipe? Et parviendra-t-il à jouer, dans l'importante bataille à venir, le rôle que la prophétie dénichée par le sage Maugis lui accorde?
Car, ne l'oublions pas : les troupes de l'ombre se sont attiré de dangereux alliés, via les négociations de Hellequin, le commandant en chef de Nuhy! Depuis peu, les Trois Royaumes sont assaillis au Nord par les tribus vautres et au Sud par les Skermovites, pirates spécialisés dans les raids expéditifs mais mortels sur les côtes. Bref, la situation dégénère et il faut que tout le monde s'organise... mais comment?
Avec ses dessins d'un dynamisme fabuleux, cette série est tout simplement grandiose!
Je me suis efforcé à la lire à petites doses, pour la faire durer... mais ce n'était peut-être pas, au final, une bonne idée, car l'intrigue est quand même assez touffue (quoi qu'en pensent les Blog Brother, qui en critique l'intégrale, ici). En effet, il est clair que le grand revirement final m'a soufflé, et m'a laissé toute une série d'interrogations. Mais le tout est tellement agréable à lire, tant pour l'œil que pour l'esprit, qu'il me fera grand plaisir de m'y remettre, en étant cette fois à l'affut pour dénicher, au coin d'une case, d'un regard, d'un non-dit, les réponses à mes questions. Car, logiquement, une fois qu'on a découvert le pot-au-rose, certains mystères devraient s'éclaircir, non?! Chose certaine, je vous encourage à prendre des notes au cours de votre lecture, car des personnages et des factions, il y en a en quantité!
L'Épée d'Ardenois, une superbe saga d'aventure médiévalo-fantastique que je recommande de lire (et relire!), à partir de 14 ans.
Mes bémols :
- la fadeur générale des couleurs. Avec un dessin aussi poignant et expressif, j'aurais aimé des couleurs qui auraient magnifié le tout, comme sur les couvertures... Ce n'est malheureusement pas le cas. Je comprends que la grisaille et les tons terreux donnent un aspect rustique qui sied bien à une épopée médiévale, mais quand même les balades bucoliques sous un beau soleil d'été semblent fadasses, c'est décevant!:^(
- la violence... Évidemment: on est dans un Moyen-Âge rude et viril! Rien d'insoutenable, donc, mais ça reste parfois assez intense, comme cette hache dans le front du pauvre pitou (devenu plus que piteux), à la p.18 du tome #2! ;^) Un adulte saura comprendre et apprécier le bienfondé de telles scènes, la plupart des ados aussi... Mais je place ce point dans mes bémols simplement pour vous réitérer ma mise en garde: ce n'est pas, contrairement à ce que peut en laisser penser le type de dessin, pour les plus jeunes!
- quelques procédés narratifs qui nuisent à la clarté du récit. Par exemple, le fait d'avoir monté la rencontre entre Maugis et Nymelle en contrepoint avec le combat de Garen contre Hellequin (tome #3, p.37 et 38) m'a rendu ces deux scènes confondantes, malgré la légère variante de teintes... Même chose dans le tome #4, à la p.12, quand Willem choisit d'insérer un flashback. L'intrigue est déjà assez complexe, disons que ces jongleries narratives n'aident en rien...:^( De plus, j'aurais aimé que le récit soit plus explicite, à la p.47 de ce même tome, quand Nymelle «fabrique» un nouveau Hellequin... C'est beau, la subtilité, mais de là à forcer son lecteur à examiner chaque millimètre carré de chaque vignette (même si elles sont toutes fort jolies!) ! Enfin, le suspense créé à mi-page 16 du tome #4, avec La Fouine... n'a aucune suite!? Étrange...
- quelques petites erreurs de perspective ou de proportions... Celle qui m'a sauté aux yeux est à la 5e vignette de la p.20 (t. #4): le cavalier qui descend la pente, vers la caravane, est bien trop imposant par rapport à celle-ci! Puis, il y a cette vignette du tome #3 (p.42) où La Fouine s'engage dans un cadre de porte... Mais se pourrait-il que l'image ait été montée à l'ordi et que l'auteur ait oublié d'activer la touche mettre en premier plan?... Chose certaine, tel quel, on dirait que La Fouine entre littéralement DANS le cadrage (surtout que la porte ouvre dans l'autre sens!?). Trop étrange...:^S
- l'absence de plusieurs lieux assez importants sur la carte des pages de garde. Celle-ci est très éclairante, surtout la version de mon tome #1 (ou des premières éditions?), avant qu'on décide de la «décorer» à l'aide des descriptifs des différentes factions en présence... descriptifs qui masquent tellement la carte qu'ils la rendent très peu utile, au bout du compte. Mais même en me référant à la version des premiers tomes, dis-je, plusieurs des villes, villages, forêts ou cols importants n'y sont pas indiqués. Ça aurait été aidant, pourtant...
- les quelques interrogations qui me restent en tête, une fois le dernier tome refermé... En fait, après mûres réflexions, je crois que j'ai pu trouver par moi-même un semblant d'explications satisfaisantes pour la plupart d'entre elles. Mais il en reste une, plus tenace, que voici à demi-mots, question de ne rien divulgâcher: Quel est le rôle exact de La Fouine mère, dans tout ce complot? Si elle tient tant à éliminer vous-saurez-qui-quand-vous-le-lirez, c'est qu'elle n'est pas avec les autres? Avec qui travaille-t-elle, alors???Mystère!!! :^S
Les plus grandes forces de cette BD :
- sans contredit, le dessin! Déjà, les couvertures (tant la première que la quatrième) de chaque album sont splendides et démontrent, quand on les examine de près, un genre de fond toilé, comme si ces illustrations étaient peintes sur des toiles, puis photographiées! Puis, tout au long des albums, le graphisme animalier de M. Willem est d'une expressivité exceptionnelle (beaucoup mieux réussie que dans la série Richard Cœur de Lion, mentionnée plus haut) et ses décors, d'une générosité et d'une minutie hors pair (remarquerez-vous le petit soldat, complètement à droite de la 4e vignette de la p.28, dans le tome #4 ?? ;^). Finalement, pour ceux qui doutent encore, je peux vous renvoyer aux splendides dédicaces que M. Willem m'a faites, lorsqu'il est venu nous rendre visite, au Festival de la BD francophone de Québec, en 2014. De pures merveilles!
- les subtiles finesses qui grenouillent dans le scénario. Willem n'est pas du genre à appuyer sur ses choix scénaristiques. Il y va plutôt d'allusions ou de légers détails qui nous donnent la vague impression qu'il se passe quelque chose qui dépasse notre logique rationnelle. Il insinue plus qu'il ne dit ouvertement. Je pense, notamment, au flirt entre Garen et la jeune maman souris, à la relation entre La Fouine et Arthus, à la folie de plus en plus envahissante du Comte-Évêque ou aux éternels jeux d'alliance entre tous. Ça demande au lecteur de faire beaucoup confiance à son instinct... mais ça peut, parfois, s'avérer plus problématique, surtout pour les plus cartésiens, dont je fais partie (voir plus haut).
- la qualité des mystères et des révélations. À chaque deux ou trois pages, l'auteur y va d'un punch surprenant («Comment?t! Tel personnage qui meurt?!! Mais c'est impensable!»), d'une trouvaille originale («Wow! Camoufler son château au cœur d'un marais!?»), d'une révélation inattendue («Quoi?! C'est lui le père de l'autre!??») ou d'une phrase sibylline qui nous torture le ciboulot («Qu'est-ce qui a bien pu se passer entre eux, 16 ans auparavant, pour que ce soit si intense aujourd'hui??»). C'est vrai tout du long de la tétralogie... mais c'est l'apothéose avec la révélation finale, qui m'a scié les jambes! C'est fabuleux d'avoir conçu une intrigue aussi riche et complexe en si peu de pages!! La contrepartie, c'est qu'il me reste plein de questionnements (ce qui n'est pas nouveau en ce qui me concerne, me direz-vous!). En fait, tout le scénario est si bellement complexe (comme je le disais dans ma critique du tome #1) que je suis prêt à tout relire afin d'éclairer ma lanterne et de chercher les réponses aux quelques questions qui, à mon sens, semblent rester en suspens...
- la beauté, souvent poétique, des noms propres. Sur ce point, Willem continue comme il le faisait si bien dans le tome #1. Ses personnages, tout comme ses lieux ou ses peuplades, sont tous affublés de noms originaux, aux consonances tant médiévales qu'animalières... Mes favoris? Le chevalier de la Boverie, du royaume d'Herbeutagne!
- la richesse du vocabulaire. Bien sûr, M. Willem s'est amusé à employer certains mots ou expressions conformes à l'époque médiévale qu'il dépeint, ce qui est bien normal. Mais il n'a pas hésité à pousser la machine assez loin! Ainsi, si je vous dis que le conil du mire ne s'embrène pas avec toutes les coquefabues qui l'entourent, même avec des séides cauteleux armés d'estramaçon plein ses halliers, avouez que ça vous en jette!! ;^D Mais n'ayez crainte! J'ai mis dans cette phrase toutes les découvertes que ces 3 tomes m'ont permis de réaliser! Le tout reste tout à fait digeste, car chacun de ces mots est employé dans un contexte qui en éclaire le sens. On se les approprie au fur et à mesure, en douceur! ;^)
- les paragraphes explicatifs ajoutés à la carte des pages de gardes, dans mes tomes #3 et 4 (ou dans les nouvelles éditions??). Bien qu'ils empiètent sur la carte du continent comme telle, la rendant partiellement illisible, ces paragraphes ont l'avantage de nous faire d'excellents topos sur ce qui caractérise les différents peuples et factions en présence. Très aidant lorsque vient le temps de prendre des notes ou de démêler qui est qui... ;^)
- un ennemi avec un potentiel anxiogène aussi élevé! Quelle belle trouvaille que ce Seigneur de Nuhy et ses séides (je parle bien, maintenant! ;^) ayant le potentiel de voyager via la noirceur! Moi qui ai toujours eu peur du noir, je serais très certainement du genre à paniquer autant qu'Egbert, le Comte-Évêque, dans l'angoissante planche du tome #4 (p.17)! ;^)
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